Sophie Geoffroy
Genèse et hybridation dans la correspondance et l’œuvre de Vernon Lee
(Selected Letters of Vernon Lee, 1856-1935, 3 vols., Routledge, 2016, éd. Amanda Gagel et Sophie Geoffroy)
A l’occasion de l’édition de la correspondance de la femme de lettres Vernon Lee (Violet Paget, 1856-1935), dont le volume I est sous presse chez Routledge, ma communication portera sur les lettres de jeunesse de Lee. La genèse de l’œuvre dans ces années de formation est inséparable des processus d’appropriation, de rejet et d’hybridation d’éléments hétérogènes : langues (anglais, français, italien, allemand), genres littéraires et arts (théâtre, musique, sculpture). Les échanges épistolaires confiants et riches, en anglais, en français, en italien et en allemand de la jeune auteure avec son entourage favorisent le processus d’incubation et de maturation de sa pensée et de son écriture indissociables de l’expression, de l’analyse et de la maîtrise de ses émotions et de ses sentiments.
Sur les 450 lettres choisies pour cette édition, une attention particulière sera ici portée aux lettres rédigées en français, adressées à son demi-frère, le poète Eugene Lee-Hamilton, en 1873, qui constituent l’avant-texte des Studies of the Eighteenth Century in Italy (1880), première chef d’œuvre d’érudition qui lui vaut d’être propulsée sous les feux de la rampe par Robert Browning.
Les dialogues philosophiques qui suivent (Euphorion, Belcaro puis Baldwin) sont le prolongement de ses lettres à la poétesse et biographe Mary Robinson (1857-1944), qui sont parfois des lettres-journaux. On mettra en évidence la fécondation mutuelle de leurs œuvres et projets en cours respectifs par et dans ce dialogue épistolaire permanent.
Les lettres révèlent enfin, pour la première fois, les conditions de la genèse du premier roman de Lee, Miss Brown, critique cinglante des Pré-Raphaélites et de l’Art pour l’Art, dont la réception désastreuse l’anéantit. En réalité conçu comme un hommage à une amie disparue, Miss Brown résulte d’une écriture croisée avec celle de deux autres œuvres mettant en jeu les mêmes éléments sous des modes différents, rédigées en même temps et inséparables du travail de deuil : la biographie de la Comtesse d’Albany et le roman The Princess Penelope (inachevé et inédit).
De lettre en lettre émerge une voix, une langue, une plume, une personnalité, un visage (dont John Singer Sargent fit le portrait), un nom : de Violette ou Violet à Vernon Lee, ou à Vernsk, une écrivaine, une essayiste engagée est née. Mais la romancière reste prudente : il faudra attendre 1903 pour un second roman, Penelope Brandling: A Tale of the Welsh Coast ; son troisième et dernier roman, Louis Norbert: A Two-Fold Romance, paraîtra en 1914.
Sophie Geoffroy est Normalienne, Agrégée d’Anglais, Professeure des universités à l’université de La Réunion. Spécialiste du dix-neuvième siècle, ses recherches portent sur l’œuvre et le parcours d’écrivains anglophones cosmopolites à travers leur correspondance, journaux, carnets de travail et textes publiés: Vernon Lee (Violet Paget, 1856-1935) ; Henry James ; William James ; Sir Walter Besant ; Annie Besant… Sa recherche porte aujourd’hui principalement sur Vernon Lee et son cercle relationnel très vaste.
Elle dirige la revue The Sibyl, Journal of Vernon Lee Studies, revue numérique internationale consacrée à Vernon Lee et à son réseau (www.thesibylblog.com) et est présidente de l’International Vernon Lee Society (IVLS).
Elle a récemment co-édité avec Serena Cenni et Elisa Bizzotto Violet del Palmerino. Aspetti della cultura cosmopolita nel salotto di Vernon Lee: 1889-1935. Atti del convegno internazionale di studi, Firenze, 27-28 settembre 2012. 259 pp. Ouvrage téléchargeable gratuitement au format pdf : http://www.consiglio.regione.toscana.it/EdA/default.aspx?idc=40
Elle travaille actuellement en collaboration avec Amanda Gagel (UCLA) à l’édition des lettres choisies de Vernon Lee (Violet Paget, 1856-1935), prévue en 3 volumes et à paraître en 2016, 2017 et 2018 aux éditions Routledge. Le volume I est sous presse.