01/03/2016
Le numéro thématique de la Revue des études slaves est issu de la Journée d’étude sur La Russie et l’Antiquité : Réception de l’art gréco-romain en Russie organisée par Nadia Podzemskaia, en collaboration avec Pierre Caye et Catherine Depretto, à la MSH en octobre 2014. La Journée questionnait les modalités de réception de l’art gréco-romain en Russie, aux XIXe et XXe siècles, en tant que signe de la construction de l’identité culturelle nationale et comme moteur du développement artistique contemporain. Origine commune de la Russie (à travers Byzance) et de l’Occident, l’art de l’Antiquité était valorisé par les artistes et les savants russes dès le XIXe siècle, pour affirmer une continuité historique et culturelle. Au XXe siècle, cette continuité a été perçue comme menacée, si bien que, dans les premières décennies, l’art de l’Antiquité est apparu comme un passé idéalisé, tel le mythe de la Cimmérie et des Cimmériens pour Volochine et son cercle. Mais, dans les travaux d’Aleksandre Gabritchevski et de Vladimir Favorski, l’art de l’Antiquité a stimulé l’émergence d’une théorie artistique originale, en relation directe avec les évolutions de l’art contemporain.
Le numéro accueillit deux contributions sur la culture russe du XIXe siècle : l’une sur la poésie d’Eugène Baratynski, par Natalia Mazur, et l’autre sur André Grabar et la filiation entre l’art antique, l’art byzantin et l’art russe ancien dans l’historiographie russe, par Olga Medvedkova. La plupart des textes traitent des problématiques du XXe siècle et de figures importantes : Ol’ga Freudenberg, par Nina Braginskaïa ; Vassili Zubov, par Pierre Caye ; Vladimir Favorski, par Galina Zaguianskaïa ; Aleksandre Gabritchevski, par Nadia Podzemskaia..
L’introduction se penche sur la mémoire culturelle et ses tragiques vicissitudes en Russie au XXe siècle. Son intitulé, « Héros de l’image », reprend la formule utilisée en décembre 1921 par Gabritchevski en mémoire de son professeur, spécialiste de sculpture grecque et directeur du Musée des Beaux-Arts de Moscou, Vladimir Malmberg : ce fut un « héros de l’image ». Cette formule signifiait pour Gabritchevski la nécessité qu’il y avait dans ce moment tragique de l’histoire, de renouer les liens, d’unir à nouveau l’individu à la famille, à l’État, à la nation, de retrouver une continuité là où tout avait été rompu et brisé en 1917-21. Dès lors, on comprend l’intérêt pour l’image, le portrait et la biographie qui s’est plus tard développé à la GAKhN et qu’on retrouve dans les travaux sur l’image de Vladimir Favorski.