Doctorant, Université de Strasbourg
Professeur certifié bi-admissible, Nicolas Quérini a enseigné deux ans en lycée avant de commencer une thèse sous contrat avec l'USIAS à Strasbourg sous la direction d'Anne Merker et de Paolo D'Iorio. Il est également depuis 2016 ATER à l'université de Strasbourg.
Sujet de la thèse : Notre hypothèse de travail consiste à révéler un rapport, une dette paradoxale de Nietzsche envers Platon, puisque tout en critiquant la morale occidentale encrée selon lui dans le « connais-toi toi-même », Nietzsche développe pour sa part un impératif qui est sans doute le prolongement d'un « connais-toi toi-même » bien compris, dépassé et approfondi dans le cadre d'une philosophie par-delà bien et mal. C'est donc à partir de l'injonction à devenir soi-même qu'il opère la critique de la morale issue elle-même du « connais-toi toi-même ». La connaissance de soi provoquant pour Nietzsche, si ce n'est un dégoût de soi, du moins l'origine d'une volonté de se dépasser ou de se transcender, puisque le processus de « devenir-soi » doit toujours être renouvelé. L'homme doit ainsi se dépasser mais le terme de ce mouvement n'est pas déjà compris en l'homme comme c'est le cas dans l'impératif de la connaissance de soi. Il ne s'agit pas de se connaître comme homme, mais de dépasser sa condition d'homme pour permettre l'arrivée du surhumain, d'une espèce plus qu'humaine. Comme l'écrit Monique Dixsaut dans son ouvrage intitulé Platon et la question de l'âme : « Il n'y a pas de niveau proprement humain : l'homme ne peut que basculer du côté de l'animal ou du dieu. Si on préfère le dire comme Zarathoustra, l'homme est une corde tendue entre deux abîmes. » Dès lors, si l'impératif de la connaissance de soi a fait entrer l'espèce humaine dans l'ère de la morale selon le § 32 de Par-delà bien et mal, c'est l'impératif du dépassement de soi qui nous permettra d'en sortir et d'entrer dans une nouvelle ère, par-delà bien et mal. Nous pensons donc que Nietzsche récupère la formule de Pindare par-delà Platon pour critiquer Platon et à travers lui toute la philosophie qui a fait du « Connais-toi toi-même » le départ de l'éthique. Mais nous voudrions également essayer de rendre justice à Platon puisque sa philosophie, bien comprise, libère la possibilité d'un devenir soi-même. Loin de se limiter à ramener l'individu à la connaissance de son âme à partir de laquelle celui-ci serait amené à juger négativement ceux qui se limitent au soin du corps et des choses qui s'y rapportent, la connaissance de soi ainsi comprise n'est qu'un point de départ, qu'une entrée dans l'éthique puisqu'il s'agit ensuite de s'accomplir en devenant ce que l'on est. Ainsi, pour Platon lui-même, la connaissance de soi n'est pas une finalité. Elle est au contraire au départ d'un effort sur soi et du soin de soi si cher à Foucault qui fait de l'epimeleia la véritable question de l'Alcibiade, dialogue auquel la tradition platonicienne avait pourtant donné comme sous-titre : de la connaissance de soi. La connaissance de celui qu'on a à être nous fait ainsi prendre conscience de la nécessité d'un travail sur soi. Dès lors, il s'agit également pour Platon de devenir ce que l'on est véritablement (de « devenir tel que l'on a appris à se connaître » selon le mot de Pindare) et non pas de s'arrêter à ce premier stade de la connaissance de soi comme âme. Notre hypothèse de lecture de l'Alcibiade consiste d'ailleurs à se demander si la véritable connaissance de soi n'est pas en réalité le terme du processus, la connaissance du sujet advenu, et non seulement le départ de l'éthique. Ce que notre lecture de Platon cherche à faire percevoir, c'est qu'en orientant la connaissance de soi vers l'assimilation au divin, Platon prépare déjà en vérité l'impératif du devenir soi-même, de l'accomplissement de soi, tel qu'on va le trouver chez Nietzsche.