30/11/2017 - 30/11/2017, INALCO
Patrick HERSANT, Que nous enseignent les brouillons de traducteurs ?
Le travail sur les brouillons de traducteurs peut prendre diverses formes, de la plus ponctuelle à la plus systématique ; il autorise une grande diversité d’approches, qu’il s’agisse d’illustrer telle hypothèse suggérée par la comparaison entre l’original et la traduction ou de mettre en lumière une méthode de travail ; il donne à voir, enfin, le processus traductif au moment même où il s’accomplit, et non plus tel qu’il est évoqué (avec plus ou moins d’objectivité et de sincérité) par des traducteurs interrogés après coup.
L’étude des brouillons de traducteurs nous éclaire sur la réalité quotidienne de leur travail, sur son évolution au fil des ans ou d’un texte à l’autre, et sur leur situation dans la cartographie qu’ils dessinent des traducteurs de la première moitié du XXe siècle. Enfin et peut-être surtout, les brouillons de traducteurs nous donnent un précieux aperçu de cette zone linguistique grise qui sépare l’original de sa traduction ; ils constituent et révèlent cette interface d’ordinaire invisible, offrant la mouvante image de ce no man’s langue (J.-R. Ladmiral) où le texte s’élabore en même temps que la langue se métamorphose, à coups de trouvailles, d’approximations provisoires et de retouches perpétuelles.
Après un aperçu du champ encore peu exploré de la génétique de la traduction, ou genetic translation studies, nous examinerons deux cas singuliers : les brouillons de Maurice-Edgar Coindreau (traducteur de Faulkner, Hemingway, Styron, Steinbeck… — et ceux de Ludmila Savitzky (traductrice de Joyce, Woolf, Prokosch…), afin d’y repérer ce que l’étude comparative classique donne rarement à voir : les éloquentes traces d’une méthode de travail.