26/02/2020 - 26/02/2020, Sorbonne Nouvelle (Centre Censier) - Salle 410 - 17h30-19h30
Dans le cadre de leur séminaire annuel consacré aux Envers littéraires, les doctorants du CRP19 proposent une séance intitulée « « L’épaisseur d’un devenir » : études génétiques de George Sand à Émile Zola ». Les interventions seront suivies d’une table-ronde avec les participants et les professeurs invités : Olivier Lumbroso, Éléonore Reverzy et Alain Pagès (Paris 3 – Sorbonne Nouvelle).
L’étude des dossiers génétiques, envisagée par Almuth Grésillon comme une manière d’enrichir les œuvres de « la dimension de leur devenir » en leur conférant « l’épaisseur de l’acte d’écriture » (Éléments de critique génétique, 1994), remet en question les notions d’envers et d’endroit, d’avant et d’après en tant qu’elles peuvent être appliquées à l’écriture. Faire du dossier génétique un « avant-texte » (Jean Bellemin-Noël), un « envers » ou « symétrique » du texte publié, peut en effet conduire à ériger le texte publié en point de référence, tout à la fois source et idéal à atteindre, de l’écriture. Afin de mettre à distance cette pensée téléologique, héritée de la philologie, et de repenser la notion même de texte, il s’agit donc d’envisager sous un autre angle la relation du texte publié avec les documents génétiques, envisagés dans toute leur diversité (correspondance, brouillons, manuscrits, épreuves et éditions revues après publication) dont l’épaisseur immanente recèle un devenir hésitant, biffé, abandonné parfois. Le XIXe siècle, qui voit s’organiser et se répandre la sauvegarde et la gestion, personnelles à chaque auteur, des manuscrits, constitue en cela une période essentielle, dont notre étude, de George Sand à Émile Zola, s’efforcera de dégager la spécificité.
La construction du sujet féminin chez George Sand : de la correspondance à l’autobiographie, par Nesrine Zouari
L’ère classique a connu le règne de la production masculine dans les divers genres littéraires dits « sérieux ». A son entrée dans le monde littéraire, la femme-écrivaine se trouve fermement limitée aux genres dits « secondaires », à savoir : la correspondance, le roman et l’autobiographie. Au XIXe siècle, George Sand se distingue par sa production romanesque et autobiographique, que vient éclairer sa correspondance, réservée à un cadre privé. Le sujet féminin qui émerge de ce dialogue entre les textes est un témoignage sur la condition de la femme et de la femme écrivain, autant qu’il nous renseigne, sur le plan critique, quant aux liens qui unissent la correspondance privée et les textes publiés.
La Fabrique des contes : les « manuscrits abandonnés » des contes et nouvelles d’Émile Zola. Une hypothèse sur la paternité zolienne d’un conte retrouvé en Italie, par Nicoletta Agresta
À côté des matériaux génétiques imposants qui constituent les dossiers préparatoires des romans des Rougon-Macquart, il existe une partie plutôt méconnue de la « fabrique » du récit zolien, soit la partie relative aux matériaux préparatoires des contes et nouvelles. L’attention de ce travail se pose pourtant non sur l’ensemble du matériel manuscrit des contes et nouvelles parvenu jusqu’à nous, mais plutôt sur ces contes et nouvelles qui, « abandonnés » par l’auteur, ne virent pas le jour du vivant de Zola et demeurèrent à l’état de manuscrit. Nous essayerons de démontrer que certains de ces manuscrits abandonnés pourraient avoir joué un rôle capital dans la genèse de certains romans zoliens. En particulier, nous examinerons le cas de « Un Suicide », dont l’écrivain tire parti pour la création de Thérèse Raquin, Madeleine Férat et la Curée. Enfin, nous nous efforcerons, avec toute la prudence nécessaire, de démontrer la paternité zolienne d’un conte retrouvé en Italie dans son état de traduction, le manuscrit n’étant pas encore retrouvé. Tout comme « Un suicide » se montre un récit matriciel dans la construction de certains romans zoliens – au niveau de la construction de l’intrigue et de la représentation de certains personnages – ce conte nous semble jouer un rôle non-négligeable dans la fabrication de l’œuvre.
Biffer « vaste » : étude de détail dans les épreuves typographiques de La Fortune des Rougon et La Débâcle d’Émile Zola, par Hortense Delair
La notion de « correction » communément appliquée aux épreuves typographiques, première version imprimée d’un manuscrit envoyée à l’auteur avant l’impression en feuilleton ou en volume, explique le discrédit partiel jeté sur ce matériau génétique : dans un XIXe siècle soumis aux délais pressants de l’industrie typographique, corriger, c’est finir ; or, bien souvent, les auteurs n’en finissent pas de se relire. Sur le premier feuillet des épreuves de deux romans, situés respectivement au début et à la fin du cycle des Rougon-Macquart, Zola, à presque vingt ans d’écart, choisit de biffer le même adjectif « vaste » : à partir de cette remarque, on verra que l’épreuve, loin d’être le lieu d’une simple correction, soulève la question essentielle du rapport entre la partie et le tout, tant sur le plan génétique (écriture scénarique et écriture scriptique), que sur les plans structurel (la page, le volume et le cycle), et stylistique (la « masse », dit Zola, et le détail).
La séance sera suivie d’un pot amical.