12/04/2012
Journée d’études organisée par Guillaume Perrier
Contact : Guillaume Perrier
Le prestige que l’œuvre de Proust confère au souvenir involontaire ne doit pas occulter une pratique de la mémoire beaucoup plus vaste et diverse que ce simple phénomène, chez d’autres écrivains et chez Proust lui-même. Il ne s’agit pas ici de la mémoire du narrateur, ni même de l’auteur, mais bien de la mémoire de l’écrivain : retrouver dans sa correspondance, son journal, ses manuscrits, son œuvre, les traces d’une mémoire élaborée intentionnellement, au service de l’écriture (littéraire, mais aussi philosophique ou historiographique). Sous forme fragmentaire ou récapitulative, l’écrivain se remémore, ou s’efforce de se remémorer : vécu personnel, anecdotes, documents divers, textes d’autres écrivains, ou encore ses propres écrits – autant d’éléments qui alimentent son œuvre.
Au-delà de la mémoire naturelle, dont l’étude relève en priorité du champ scientifique, la mémoire artificielle – la mémoire renforcée par l’être humain, quelle que soit la technique employée – peut faire l’objet d’une étude historique, linguistique et littéraire. Les données biographiques et socio-culturelles jouent un rôle non négligeable.
Mais la mémoire n’est pas une faculté entièrement donnée a priori. C’est une disposition, une vertu développée en fonction d’un contexte, d’une expérience et d’un projet précis. Elle contribue à la constitution du sujet écrivain.
Dans cette perspective, le modèle antique et médiéval de « l’art de la mémoire » est important, pour au moins deux raisons. Il permet d’affranchir la mémoire de l’idéalisme romantique et de la comprendre non seulement par rapport au passé d’un vécu personnel mais aussi par rapport à une pratique présente et un projet futur. Il permet de réhabiliter la mnémotechnie, au sens littéral du terme : de penser le rapport entre mémoire et technique – technique scripturale, en l’occurrence. Les préjugés, y compris proustiens, en faveur de l’imagination et du souvenir involontaire, contre la mémoire volontaire, contre les procédés mnémotechniques et l’apprentissage scolaire « par cœur », empêchent de penser une pratique effective qui peut prendre chez le sujet écrivain une dimension éthique et esthétique.
Cette réflexion concerne également notre propre mémoire, savante et informatisée. Les bases de données et les moteurs de recherche permettent de retrouver n’importe quelle référence ou citation. Les archives et la prétendue mémoire matérielle s’accumulent dans des proportions inédites, y compris sous une forme dématérialisée. Elles tendent à devenir universellement et instantanément disponibles, sans être pour autant maîtrisées par la pensée. Quelle démarche adopter, dès lors, pour penser la mémoire de l’écrivain au travail ?
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Programme
9h30 -12h30 /14h30 – 17h30____________________________________
Salle des Actes
Accueil
Nathalie Mauriac Dyer, ITEM-CNRS, responsable de l’équipe Proust
9h30
Séance présidée par Maya Lavault, équipe Proust et Université Paris Sorbonne
Écriture et mnémotechnie
Guillaume Perrier, équipe Proust et Université Paris Diderot – Paris 7
La mémoire volontaire de l’écrivain médiéval : aspects et enjeux
Valérie Fasseur, Université de Pau et des Pays de l’Adour
« Mon âme de papier » : Michelet et ses archives
Paule Petitier, Université Paris Diderot – Paris 7
Proust et la philosophie de la volonté
Luc Fraisse, Université de Strasbourg
14h30
Séance présidée par Guillaume Perrier, équipe Proust et Université Paris Diderot – Paris 7
Les répertoires biographiques dans la Recherche du temps perdu
Christophe Pradeau, Université Paris Sorbonne
The persistence of memory : cultural anxiety in the age of photography
Dana MacFarlane, University of Essex
Photographie, mnémographie : de Proust à l’art moderne
Jean-François Chevrier, Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris
Mémoire de l’autre : avec Ousmane
Claude Mouchard, Université Paris 8
17h30 Fin des travaux
Entrée libre