16/10/2013
Journée organisée par
L’Observatoire européen du plurilinguisme (Pôle recherche)
http://www.observatoireplurilinguisme.eu
et l’UFR d’Etudes interculturelles de langues appliquées de l’Université Paris-Diderot (séminaire Politiques linguistiques en Europe)
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Comité d’organisation :
Christos CLAIRIS (Linguiste, Université Paris-5 René Descartes)
Pierre FRATH (Angliciste, Université de Reims Champagne-Ardenne)
Astrid GUILLAUME (Germaniste, Université Paris-Sorbonne, vice-présidente de l’OEP, responsable du Pôle recherche)
José Carlos HERRERAS (Linguiste, hispaniste, Université Paris Diderot)
François RASTIER (Sémanticien, CNRS, président du comité scientifique de l’OEP)
Christian TREMBLAY (Docteur en sciences de l’information, Président de l’OEP)
Heinz WISMANN (Philosophe, Philologue, EHESS)
Inscription dans la limite des places disponibles à : mailto:seminaire@observatoireplurilinguisme.eu
Présentation
A la différence des langues de service, destinées à circonscrire, avec la plus grande précision possible, des représentations limitées du réel, les langues de culture embrassent la totalité de l’expérience humaine. Universelles, elles disposent chacune des ressources sémantiques nécessaires au développement de nouvelles formes du savoir. Ainsi quand un germanophone étudie la physique en allemand ou qu’un francophone s’initie aux mathématiques en français, ils maintiennent, tout en utilisant le langage technique de leurs disciplines respectives, le contact avec leurs langues maternelles, dont la richesse lexicale et la puissance métaphorique stimulent la créativité intellectuelle et favorisent l’élaboration d’hypothèses inédites. En ouvrant la recherche spécialisée à d’autres domaines d’expérience, les langues historiques jouent un rôle essentiel dans le progrès des connaissances. Or l’anglicisation des formations universitaires en cours en ce moment dans toute l’Europe conduit à assécher cette créativité. On enseignera dans une langue de service, l’anglais international, des sciences coupées des langues et des cultures qui leur ont donné naissance, en consignant des états figés du savoir, des résultats simplifiés, des recettes à appliquer, qui pourront certes demeurer opérationnels au niveau technique, mais perdront fatalement leur puissance créative.
A l’heure où les universités européennes sont en train de basculer vers l’enseignement en anglais, il convient de s’interroger sur l’héritage que nous allons laisser aux jeunes générations et de dénoncer les impasses dans lesquelles nous risquons de les enfermer.
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Programme
13.30 -14.00 : Ouverture de la journée
– Jean-Michel Benayoun (Directeur de l’UFR EILA) et José Carlos Herreras (Université Paris Diderot – EILA) : Ouverture de la Journée
– Christian Tremblay (Président de l’OEP) : présentation de l’OEP et de son Pôle recherche
– Pierre Frath (OEP, Université de Reims Champagne-Ardenne) : présentation et coordination de la journée
14.00 -15.20 : Interventions de scientifiques sur le rôle de la langue dans la créativité
– Jean-Marc Lévy-Leblond (Physicien et essayiste, Université de Nice Sophia Antipolis) : Les langues tirent la science
Aussi exactes qu’elles se veuillent, les sciences de la nature (et les mathématiques elles-mêmes) ne peuvent s’en remettre aux seuls formalismes abstraits. Elles n’ont pas d’autre langage que la langue commune, mais se heurtent à ses limites, qui obèrent l’expression, et d’abord la conceptualisation, de ces disciplines. La pluralité des langues alors permet, sinon d’éliminer ces difficultés, du moins de les expliciter et aide à les affronter. On en donnera quelques exemples tirés de la physique contemporaine.
– Marco Zito (Chercheur en physique des particules à l’IRFU du CEA-Saclay) : Pratiques linguistiques dans les sciences exactes: le cas de la physique des particules
Dans cet exposé, l’auteur décrira ses expériences linguistiques dans le domaine d’une science exacte, la physique des particules, caractérisée par de grandes collaborations internationales et un fort nomadisme des chercheurs. Il conclura avec quelques notes personnelles et des réflexions sur le langage, la pensée et la méthode scientifique.
– Ralph Mocikat (Immunologue, Université de Munich, Arbeitskreis Deutsch als Wissenschaftssprache – ADAWIS) et Dieter Herman (Biochimiste et toxicologue, ADAWIS) : Nécessité de la diversité linguistique dans la recherche et l´enseignement supérieur
L´anglais a son importance en tant que langue de communication internationale, mais cela ne devrait pas impliquer que l´allemand doive être complètement supplanté dans toutes les activités scientifiques, y compris à l’interne, entre scientifiques germanophones. Chaque langue saisit la réalité à l’aide de ses propres métaphores et l’instauration d’une langue unique s’accompagne alors nécessairement d’un nivellement par le bas quant au contenu. C´est pourquoi notre association, l’ADAWIS, s’engage pour le maintien de la compétence scientifique en allemand ainsi que dans d’autres langues, dont le français. Pour cela, elle coopère avec des associations linguistiques et des organisations scientifiques à l’étranger.
– Philippe Régnier (Biologiste, Université Paris Diderot et Institut de Biologie Physico-Chimique – CNRS) : Biologie et/or Biology : témoignage d’un schizophrène
De tout temps la connaissance scientifique par nature universelle a surmonté les frontières géographiques, linguistiques et culturelles. Au cours des dernières décennies, la biologie a probablement été une des sciences expérimentales ou le progrès des connaissances a été le plus spectaculaire. Des technologies innovantes de plus en plus sophistiquées et performantes fournissent tous les jours une multitude de données expérimentales dont beaucoup sont encore à exploiter. Cet énorme défi suscite une concurrence effrénée entre les laboratoires qui doivent porter rapidement leurs résultats à la connaissance de la communauté dans des revues le plus visibles et prestigieuses possible. La bibliométrie est un des critères majeurs de l’évaluation des laboratoires. L’utilisation incontournable de l’anglais comme vecteur de communication n’est pas sans conséquence; est-elle pour autant un frein à la créativité?
15.20 – 15.50 : Pause
15.50 – 16.50 : Interventions de linguistes et de philosophes
– Heinz Wismann (Philosophe et philologue, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) : Diversité linguistique et conceptualisation scientifique. Le cas des sciences humaines
En partant de l’ouvrage classique de Heinrich Rickert Les limites de la formation des con-cepts dans les sciences de la nature (1896-1902), on s’interrogera sur le rôle des langues na-turelles dans l’élaboration des problématiques, définitions et terminologies propres aux dis-ciplines relevant des sciences de l’homme et de la société.
– José-Carlos Herreras (Linguiste hispaniste, Université Paris Diderot, CLILLAC-ARP) : Pourquoi l’anglais ne peut que progresser en France ?
Le débat sur le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche et, notamment, sur l’enseignement en l’anglais dans les universités, a mis en évidence une réalité qui ne peut pas être niée : la percée spectaculaire de l’anglais en France. Cette situation n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat d’une politique linguistique menée depuis de nombreuses années, et que nous nous proposons d’analyser dans notre intervention.
– Pierre Frath (Linguiste angliciste, Université de Reims Champagne-Ardenne, CIRLEP): Quelle doit être notre politique linguistique ?
Nous avons le choix entre trois voies : considérer que l’anglicisation de notre pays est une bonne chose et laisser faire ; la déplorer et essayer d’inverser la tendance ; ou bien essayer de gagner sur les deux tableaux, utiliser l’anglais quand c’est avantageux, tout en sauvegardant le français. Dans tous les cas, il faudrait commencer par bien comprendre le phénomène. La langue anglaise s’impose partout, dans les sciences, bien sûr, mais aussi dans l’économie, l’art moderne, la chanson populaire, et jusqu’aux graffiti sur les murs. Il se passe quelque chose, sous nos yeux, qui ne se réduit pas aux argumentaires des uns et des autres. Dans cette brève intervention, nous essaierons de comprendre les ressorts anthropologiques de l’anglicisation et nous essaierons de donner quelques pistes pour l’action.
16.50 – 17.50 : Débat avec le public
Modérateur : Christian Tremblay (Président de l’OEP)