10/07/2020, 31/12/2020
Zola, écrire pour résister
Au-delà de l’indigné qu’il fut, un hors-série consacré à l’auteur des Rougon-Macquart propose de revisiter une œuvre labyrinthique avec, pour guides, deux éminents spécialistes : Éléonore Reverzy et Alain Pagès.
Le 5 janvier 1895, Émile Zola dîne chez son ami l’écrivain Alphonse Daudet. Le petit gamin d’Aix, ivre de réussite sociale depuis la mort de son père, est désormais, à 55 ans, un écrivain reconnu, soucieux de son rang dans le monde des lettres et attentif à son train de vie. Il a terminé deux ans auparavant les Rougon-Macquart, vaste fresque en vingt volumes d’une famille sous le Second Empire, qui le place dans la lignée de Balzac et d’Hugo.
Léon Daudet, le fils d’Alphonse, un journaliste, proche d’Édouard Drumont et de Charles Maurras, polémistes d’extrême droite, raconte, au cours du repas, en termes insupportables, la dégradation, dans la cour des Invalides, du capitaine Dreyfus condamné pour haute trahison. Émile Zola s’indigne. II est impossible pour ce républicain acharné de tolérer le moindre antisémitisme, qu’il perçoit comme une menace contre la démocratie.
Dans la foulée de cette soirée, lui qui avait tourné le dos au journalisme de ses débuts, rédige dans Le Figaro deux tribunes (« Pour les juifs » et « Le Syndicat »), dans lesquelles il fustige l’antisémitisme en cours dans une large part de la société française. C’est le début d’un long combat qui le conduira, certes, au Panthéon, mais l’empêchera d’entrer à l’Académie française, lui fera perdre sa Légion d’honneur, le mènera devant les tribunaux et occultera sans doute la puissance de son génie littéraire…
« La vérité »
Pourquoi un tel engagement ? « Je n’ai qu’un amour dans la vie, la vérité, et qu’un but, faire le plus de vérité possible. Tout ce qui tend à faire de la vérité ne peut être qu’excellent », expliquera-t-il dans son recueil La Vérité en marche.
Il serait dommage de réduire ce progressiste à ce « moment de la conscience humaine » célébré par Anatole France. Bien loin des souvenirs de nos lectures adolescentes, il faut le voir comme un écrivain des temps modernes qui décrit la montée de la bourgeoisie, de l’argent, de la spéculation, de la corruption, des ambitions et des passions humaines.
Ses romans, au style torrentiel, voire symphonique, d’une sensualité épique, brassent des mondes. Grand lyrique doublé d’un immense architecte, il est le premier, par exemple, à transformer en personnage de roman l’ouvrier, comme dans Germinal. Relire aujourd’hui, dans le premier chapitre de La Curée, le compte rendu d’un dîner mondain dans un hôtel particulier du parc Monceau prouve bien que la cruauté parisienne n’a pas changé…
« Mes livres sont des labyrinthes où vous trouveriez, en y regardant de près, des vestibules et des sanctuaires, des lieux ouverts et des lieux secrets, des corridors sombres, des salles éclairées », précisait-il.
Avec l’aide bienveillante et intelligente d’Éléonore Reverzy et d’Alain Pagès, deux éminents spécialistes universitaires de son œuvre, nous vous invitons donc à emprunter cet été le labyrinthe d’Émile Zola…
Disponible en kiosque et sur commande.