Alexandre Antolin
« Échanges économico-sexuels dans Ravages, étude de la scène inédite du taxi »
« Je me suis dit : ‘Un bar, un taxi, du pernod, une lessiveuse, un orchestre tzigane…’ », ce sont tous ces services que Marc offre à voir ou achète à Thérèse lors de leur première rencontre. Au départ, elle veut qu’il lui paye tout, chaque gorgée qu’elle boirait, puis en voyant son manteau troué, elle souhaite que les frais soient partagés. Marc ne l’entend pas ainsi, car il a des « principes », selon les hommes des années 50. Il cherche à prendre des initiatives dans le rendez-vous et offre tout à Thérèse. Pourtant, à la fin de la soirée, l’héroïne comprend qu’elle devra rembourser et que pour cela il n’y a « qu’une sorte de monnaie » : celle du service sexuel. Mais que vaut un verre, un repas ou une course de taxi ? Quels sont leur valeur économico-sexuel ? C’est ce que nous révèle la scène du taxi, scène censurée dans la version publiée de Ravages. Cette réflexion se fera à la lumière de l’étude sur les rapports économico-sexuel de Paola Tabet et de la Pensée Straight de Monique Wittig.
Alexandre Antolin est doctorant en Lettres modernes et Histoire du genre, au sein du laboratoire ALITHILA de Lille 3. Ses recherches font suite à son travail de Master 2, dont le sujet était l’histoire de la censure de Ravages de 1955 à 2015. Cette étude a été menée au sein de l’Institut Mémoire de l’édition contemporaine en 2015, où il était assistant d’exposition. C’est aussi dans le cadre de son travail à l’IMEC qu’il a pu authentifier le versement de Sylvie le Bon de Beauvoir, au fonds Violette Leduc, qui contenait la version définitive du manuscrit de Ravages et des feuillets et cahiers inédits de La Chasse à l’amour. Cette découverte l’a amené à poursuivre ses recherches sur Ravages, sous le titre « Étude d’un cas de censure éditoriale dans les années 50 : Ravages de Violette Leduc » sous la direction de Florence de Chalonge et Florence Tamagne.
— o —
Olivier Wagner
« Fragilités biographiques, le récit de soi à l’épreuve des sources complémentaires : la relation Sarraute/Leduc dans La Folie en tête. »
L’amitié entre Violette Leduc et Nathalie Sarraute telle qu’elle se trouve évoquée dans quelques passages de la version publiée de La Folie en tête ne traduit sans doute que très partiellement la durée et l’intensité d’une relation inattendue entre deux écrivains au style pourtant radicalement différent. Faisant suite à une première étude sur cette amitié telle qu’exposée lors du colloque « La Bâtarde a cinquante ans » le 18 octobre 2014, à partir des lettres de Violette Leduc conservées dans le fonds Nathalie Sarraute du département des Manuscrits (NAF 28088), cette nouvelle communication portera sur une source tout nouvellement accessible aux chercheurs. La Bibliothèque nationale de France vient en effet d’acquérir une version manuscrite jusqu’ici totalement inconnue de La Folie en tête (NAF 28892), dont le texte, très différent de la version publiée, permet d’envisager sous une nouvelle lumière toutes les ambiguïtés des sentiments de Violette Leduc pour Nathalie Sarraute.
Cette communication s’attachera également à s’interroger sur la limite parfois floue entre travail de composition littéraire et opération de censure, tout particulièrement dans les œuvres dont le caractère intime n’est pas dissimulé.
Olivier Wagner, archiviste paléographe, est ancien élève de l’École nationale des Chartes. Conservateur au service moderne et contemporain du département des Manuscrits, il y est notamment en charge du fonds Nathalie Sarraute.
— o —
Anaïs Frantz
« Violette Leduc ou la maladie de la vie.
étude des cahiers manuscrits de La Chasse à l’Amour »
La communication intitulée « Violette Leduc ou la maladie de la vie » poursuit l’étude des manuscrits de La Chasse à l’amour sous l’angle de la bâtardise comme blessure inguérissable du sujet autobiographique, étude dont les premiers résultats avaient été exposés dans le cadre du séminaire de l’ITEM dirigé par Catherine Viollet en juin 2013. Ce sont cette fois les cahiers 4 et 13 qui sont explorés dans la double perspective 1) du motif obsessionnel de la mère et 2) de l’appréhension de la vie comme maladie. La particularité du cahier 13 est de contenir 130 folios inédits dans lesquels Violette apparaît malade et alitée tandis que dans l’édition finale du texte (où l’épisode n’apparaît pas) c’est la mère qui est malade et soignée par sa fille. Vase communiquant entre la narratrice et sa mère, véritable cordon ombilical prothétique qui se substitue sans le combler au manque qui caractérise la relation entre la fille et la mère, l’écriture de la maladie donne à lire, dans les feuillets manuscrits, une véritable poétique de la bâtardise.
Anaïs Frantz est docteure en littérature et civilisation françaises, chargée d’un séminaire de recherche à La Sorbonne Nouvelle-Paris 3. Elle enseigne la littérature, le cinéma et les féminismes français dans les Universités américaines de Paris. Sa thèse de doctorat a paru en 2013 aux éditions Honoré Champion sous le titre Le Complexe d’Eve. La pudeur et la littérature. Lectures de Violette Leduc et Marguerite Duras. Elle est chercheure associée à l’équipe Autobiographie et correspondances de l’ITEM/CNRS où elle travaille au sein du groupe « Violette Leduc » fondé par Catherine Viollet.
— o —
Mireille Brioude
« L’excipit de La Chasse à l’Amour : les révélations des derniers feuillets manuscrits. »
« Je finis ainsi le récit de ma vie de 1907 à 1964 ». La dernière phrase de La Chasse à l’Amour n’a pas séduit les lecteurs de Violette Leduc : on l’attribue à Simone de Beauvoir qui, soucieuse de publier le troisième tome de l’autobiographie de Violette Leduc après la mort de celle-ci en mai 1972, aurait ajouté cette courte conclusion en guise d’excipit. Mais alors d’où viennent, dans les dernières pages de l’œuvre, les poétiques alinéas qui semblent égrener de manière contemplative la beauté du paysage provençal autour de Faucon où Violette a fini ses jours ? Jusqu’à présent n’étaient disponibles, conservés à l’Institut des manuscrits contemporains, que les cahiers de La Chasse à l’Amour ainsi que les feuillets supprimés d’un manuscrit définitif, regroupés à part. En 2015, Sylvie Le Bon de Beauvoir dépose l’ensemble des derniers feuillets : le manuscrit définitif s’offre à nous, révélant quelques surprises…
Mireille Brioude est agrégée de lettres modernes. Elle a soutenu sa thèse sur « la mise en scène du Je » dans l’œuvre de Violette Leduc au début des années 1990 et l’a publiée en 2000 chez Rodopi. Elle rédige de nombreux articles sur l’auteure et gère le site web consacré à l’écrivaine. Elle a fondé en 2010 l’ « Association des amis de Violette Leduc ». Elle est membre du groupe Violette Leduc fondé par Catherine Viollet au sein de l’équipe « genèse et autobiographie », qui a intégré l’équipe « autobiographie et correspondance » après le décès de Catherine Viollet.