Séminaire international Léopold Sédar Senghor

17/10/2024, 15h-17h GMT (17h-19h Paris). Séance uniquement en ligne. Lien disponible sur demande à senghor.item.ucad(a)gmail.com

Elizabeth Foster : « Léopold Sédar Senghor, le clergé français, et l’Universel : de l’ère colonial aux années 1960 ».
Résumé : Depuis son enfance, Léopold Senghor a vécu des relations très complexes avec l’Église catholique et surtout le clergé français, soit au Sénégal, soit en France. Pour Senghor, l’Église catholique, dont le nom même revendique une vocation universelle, devait jouer un rôle clé pour encourager une tendance mondiale vers une « civilisation de l’Universel », une idée qu’il a découverte dans la pensée du jésuite français Pierre Teilhard de Chardin. « L’Église ne serait pas catholique si elle résistait à ce mouvement de ʺconvergence pan-humaineʺ : si elle ne le favorisait pas », Senghor a écrit pendant le Concile Vatican II, dans l’espoir d’influencer les pères assemblés à Rome. Pour Senghor, cette idée de l’universel devait remplacer un catholicisme européen et « colonialiste » qu’il a rencontré chez des missionnaires français au Sénégal. En fait, pendant l’ère colonial, Senghor se révoltait contre des prêtres français qu’il trouvait racistes et convaincus de la supériorité de la culture européenne vis-à-vis la culture africaine. En même temps, il a trouvé des alliés et de l’inspiration parmi le clergé européen. Après l’indépendance, le Président Senghor se rapprochait diplomatiquement du Vatican de Jean XXIII, mais il n’hésitait pas à se battre avec des prêtres français (les dirigeants de la revue Esprit ; les Dominicains à Dakar pendant les manifs de 1968) pour des attitudes qu’il désapprouvait. Au lieu des textes littéraires de Senghor, je mets l’accent sur des documents des archives privés, dont plusieurs lettres personnelles, et aussi sur des écrits politiques, pour montrer les tensions fondamentales au sein de ses rapports avec une Église qu’il voulait imaginer comme universel, mais qui, en pratique, l’avait souvent déçue.

Elizabeth A. Foster est professeure dans le Département d’histoire de Tufts University (région du Grand Boston, USA). Son premier livre Faith in Empire: Religion, Politics, and Colonial Rule in French Senegal, 1880-1940 (Stanford University Press, 2013) a remporté le prix Alf Andrew Heggoy du Livre de la Société d’histoire coloniale française. Son deuxième livre African Catholic: Decolonization and the Transformation of the Church (Harvard University Press, 2019) lui a valu, en 2020, le prix John Gilmary Shea de l’American Catholic Historical Association et paraîtra en version française sous le titre Les catholiques africains: décolonisation et transformation de l’Église chez Karthala en 2024. Avec Udi Greenberg, elle a dirigé Decolonization and the Remaking of Christianity (University of Pennsylvania Press, 2023), et elle a publié plusieurs articles et chapitres sur l’histoire française, l’histoire africaine, l’histoire catholique, et la décolonisation.


François H. Manga : « Senghor le catholique ou un itinéraire vers l’Universel ».
Résumé : Dans ses textes spirituels, Senghor affirme non seulement son appartenance mais aussi son engagement dans l’Église catholique. Il écrit alors : « je suis un croyant et un fidèle pratiquant de l’Église catholique. De plus, je suis allé au séminaire parce que je voulais être prêtre. » Cela se voit également dans sa vie quotidienne et sacramentelle. Senghor participait à la messe dominicale et autant que possible, recitait les Heures canoniales avec son bréviaire. Il s’est également nourri de la spiritualité à l’école carmélitaine dans laquelle il avait un attrait pour Ste Thérèse d’Avila et St Jean de la Croix. Cependant, ce catholicisme senghorien comportait aussi des aspects politiques. En effet, le socialisme senghorien est une conception très pratique et pragmatique, qui ne fait pas de la lutte des classes son point le plus important, encore moins une société sans concept métaphysique, car ce serait une gageure que de penser à une société africaine sans esprits, sans mânes, sans l’omniprésence active de l’invisible. Toutefois, malgré ses excellentes relations avec le Vatican, il ne se fait pas influencer ni par les religions, ni par les investisseurs. Son seul repère et celui valide pour tout décideur politique consciencieux est le bien-être de son peuple dans son ensemble.

François H. Manga est chercheur en Spiritualité à la Faculté de Théologie, Philosophie et Sciences Religieuse de la Raboud University de Nimègue en Hollande. Diplômé en philosophie (Hannah Arendt) et après des études en spiritualité à la National University of Ireland (Gort Muire -Dublin), la Radboud Universiteit (Nijmegen) et la KU Leuven, il est spécialisé en théologie spirituelle, histoire et mystique des Pays-Bas médiévaux avec comme thème principal Le pèlerinage spirituel de Jan van Paesschen (+1539). Il fait la connaissance des écrits de Senghor au cours de ses recherches et rencontres en tant que Fellow du Titus Brandma Instituut. Depuis lors, concomitamment à son auteur principal, il s’est engagé dans un travail de redécouverte et de vulgarisation de Senghor surtout sa dimension spirituelle. Cet intérêt est réel, concret et ouvert sur le monde et l’avenir non seulement pour la francophonie, mais aussi pour la culture de l’universel, concept cher au président-poète. Francois Manga est membre du Cercle Richelieu Senghor de Paris et contributeur à l’Accademia Internazionale Leopold Sedar Senghor en Italie. Il est notamment l’auteur de Les textes spirituels de Léopold Sédar Senghor (L’Harmattan, 2020), et Le prêtre et le président : 30 ans de correspondance entre Cees Bartels et Léopold Sédar Senghor (L’Harmattan, à paraître).