Séminaire :
Autobiographie et Correspondances. « Témoins de leur temps » / 2019-202029/02/2020, ENS, 46 rue d’Ulm,75005 Paris. Salle des Conférences. 10h-13h
De son propre aveu, l’élève François Mitterrand excellait en géographie. Sa carrière politique l’a ensuite amené à labourer ses terres électorales, à sillonner la France et à visiter le monde. De son goût pour la beauté des paysages naturels ou façonnés par l’homme, de sa connaissance toujours plus approfondie de la ville et de ses terroirs de prédilection (les Landes, l’Auvergne, le Morvan, Paris), de son action pour l’urbanisme et l’aménagement du territoire, ses lettres et son journal destinés à Anne portent la trace, parce qu’il y consigne son emploi du temps de militant voyageur et ses états d’âme de contemplateur esthète. Avec la littérature, la géographie (prise en son sens étymologique, cette fois, d’écriture de la terre) est chez lui l’objet transitionnel de l’expérience amoureuse. Parce qu’elle implique la séparation, la relation secrète génère en effet la production des lettres et du journal écrits, par définition, in absentia et à distance. La conjuration de cette distance (et en même temps son maintien qui alimente le désir) passe par un discours sur les lieux où l’autre n’est pas, mais où elle a été, aurait pu être ou est en imagination. Les principales figures de ce discours sont la sanctification du temps et du lieu de l’adresse, la rêverie sur l’écart entre l’écriture et la lecture en un lieu différent et un temps différé, l’hypotypose, l’ekphrasis, le collage, le montage, le réemploi et le détournement (par exemple de la carte, routière ou postale) avec des constantes et des variations en fonction du support : selon une poétique autre, mais dans une même pragmatique, la lettre et le journal élaborent une écriture désirante de la terre parcourue et du paysage traversé, peuplés par le fantôme de l’autre, dont l’absence même donne forme, sens et l’espace de son déploiement – pour son partage – au monde sensible du géographe amoureux.
Florence Naugrette, Membre de l’Institut Universitaire de France, est Professeur de Littérature française à Sorbonne Université. Elle est l’auteur des ouvrages Le Théâtre romantique, Seuil, 2001), Le Plaisir du spectateur de théâtre (Bréal, 2002), Le Théâtre de Victor Hugo (Lausanne, Ides et calendes, 2016). Elle dirige l’édition en ligne du journal épistolaire de Juliette Drouet à Victor Hugo. Le corpus des Lettres à Anne et du Journal pour Anne de François Mitterrand lui a déjà inspiré un article sur le livre de chevet comme objet transitionnel de la relation et de la correspondance amoureuse.
Jean Maurice, Professeur honoraire de Littérature médiévale à l’Université de Rouen, est spécialiste des bestiaires, de l’épopée, et de la fortune littéraire de Jeanne d’Arc. Il est l’auteur de trois ouvrages sur La Chanson de Roland (PUF, 1992), La Mort le roi Artu (PUF, 1995) et Perceval ou le Conte du Graal (Bordas, 2004), a co-dirigé des ouvrages collectifs sur la Guerre de Cent ans et sur Jeanne d’Arc. Ses études sur le XXe siècle portent sur la réécriture de la littérature et des légendes médiévales et sur l’importation des schémas épiques dans le discours sportif.