All. ?; Angl. Note ; Esp. ? ; Ital. ? ; Jap. ? ; Port. ? ; Ru. ?.
• Notation manuscrite à finalité mémorielle, provisionnelle ou rédactionnelle, marquant des idées, des rêves, des projets, ou des indications de travail, qui prennent place sur des supports variés selon les circonstances (carnets, bloc-notes, feuilles volantes, livres).
• Annotation du manuscrit ou du livre imprimé (commentaires, notes de régie).
• Note de bas de page figurant dans certains manuscrits (Michelet) comme un mode d’écriture.
Hist. Depuis l’antiquité, la pratique des notes est inséparable de la lecture, qu’elle prenne la forme d’annotations du manuscrit ancien, ou de compilations d’extraits. De la glose antique et médiévale à l’annotation humaniste, jusqu’au développement des notes érudites de bas de page dans l’imprimé au 18esiècle (Grafton 1998), l’histoire de la note est celle d’une longue pratique de lecture et d’écriture qui mêle la notation, la citation, et le commentaire. À la période humaniste, le commentaire marginal d’éditions imprimées est une étape vers de nouvelles éditions, et la circulation des livres annotés devient le point de départ d’échanges entre érudits (C. Jacob 1999). Dans la continuité avec cette forme ancienne de l’érudition, le manuscrit moderne d’auteur donne une nouvelle légitimité à l’écriture des notes personnelles et des notes de travail, dont les traces sont aussi mieux conservées. E. Poe apporte une première réflexion sur l’annotation marginale de l’imprimé. (« Marginalia » 1844, dans Ferrer 2004), que commente Valéry (Valéry 1927, cité ibid.). Bénéficiant de la promotion du fragment par le Romantisme allemand, la note acquiert un statut esthétique au cours du 19e siècle, lié à la mise en crise de l’œuvre comme totalité impossible (Carnets de Joubert, notes poétiques de Mallarmé) et à l’intérêt au 20e siècle pour l’auteur et la genèse de l’œuvre (édition des Carnets de Flaubert, Zola, James, Joyce,Cahiers de Valéry ® carnets, fragment). La note de travail devient partie prenante de l’œuvre, notamment chez Flaubert, à travers les différentes couches de la copie, qui passent au crible de l’écriture les éléments de la lecture. Elle s’expose comme une partie de l’œuvre artistique en perpétuel inachèvement avec Marcel Duchamp.
Théor.Si la pratique des notes concerne la création littéraire et artistique et la préparation de l’enseignement, elle joue un rôle important dans l’écriture de la théorie, en philosophie (Sartre, Merleau-Ponty), en linguistique (Saussure, Benveniste), ou en histoire (fichier de F. Braudel), ou encore dans la genèse des œuvres scientifiques (Carnets de Pasteur ou de Marie Curie).
La note a une fonction mémorielle de marque du notable, liée au rôle de l’écrit (traces de choses vues, de mots entendus, phrases, idées qui surgissent, références…). Elle exerce aussi une fonction délibérative ou de consigne pour le travail à faire. Elle n’est cependant pas toujours écrite en vue d’un projet. La note est une forme d’écriture fragmentaire. De ce point de vue, R. Barthes distingue pour lui-même la note du carnet de poche, prise dans l’instant, au stylo bille (notula), de la note recopiée à l’encre, sur une fiche, à la table de travail (nota), qui, ainsi reprise, acquiert une solidité d’écriture : « Recopier dévalorise ce qui n’est pas assez fort » (R. Barthes 2003 : 139). Apparentée au fragment par sa discontinuité et sa brièveté, la note se caractérise le plus souvent par un style infrarédactionnel, ou elliptique. Elle peut prendre cependant des styles très différents, selon les auteurs, les formes et les genres impliqués (aphorisme, écriture du poème, du roman, de l’essai), sur des supports variables selon les situations et les finalités : notations sur le motif dans des calepins d’enquête, ou des carnets de voyage, notes d’idées et de projets, notes de travail, sur des feuilles, des fiches (F. Braudel, R. Barthes), des bloc-notes, des carnets ou des cahiers, sur des bouts de papier, despost-itou des livres.
Si les notes peuvent s’écrire indépendamment d’une genèse précise, elles jouent souvent un rôle déterminant dans l’exogenèse de l’œuvre de fiction. Écrivains-chercheurs, Flaubert et Zola prennent dans leurs calepins des notes de repérage sur le terrain, qui attestent souvent que l’écrivain se projette déjà dans la fiction, alors en cours d’invention (Flaubert 1988, Zola 1986). Ils travaillent aussi à des notes de lecture, qui prépareront, au fil de la réécriture, la mise en texte de l’œuvre. Cette activité de lecture, de notes et de copie, est représentée en miroir dans la fiction encyclopédique de Bouvard et Pécuchet. Chez Flaubert, ces notes ont une forme suivie sur des feuilles volantes, ou plus discontinue, dans ses carnets. De même, P. Michon note dans de petits carnets des extraits de ses lectures, et des remarques personnelles. D’autres écrivains ne constituent pas des dossiers de lectures, mais consignent des éléments divers – rêves, fragments, listes de noms – dans leurs carnets de notes (Proust).
La note prend souvent la forme d’une annotation, liée à la relecture par l’écrivain de son travail (commentaires, évaluations, consignes). Stendhal entoure le manuscrit de La Vie de Henry Brulardde notes marginales qui composent un journal de l’écriture, comprennent des commentaires sur la graphie et le style, et des notes de régie (®régie, note ou indication de). Dans les cahiers de brouillon de Proust, les notes de régie, pour l’œuvre à faire, s’écrivent parfois en continuité graphique et énonciative avec les fragments déjà rédigés. La note de régie gouverne l’état manuscrit en vue de l’écriture à venir : elle est une forme spécifique de la genèse, qui se retrouve en marge des scénarios, ou des brouillons de nombreux écrivains, de Sade à R. Barthes.
→ AGENDA, ANNOTATION, BLOC-NOTES, CAHIER, CALEPIN, CARNET, DOCUMENTAIRE (PROCESSUS), EXOGENESE, FEUILLE, FICHE, INACHÈVEMENT, INFRAREDACTIONNEL, MARGE, NOTES DE LECTURE, NOTES DE VOYAGE, RÉGIE (NOTE OU INDICATION DE), PREREDACTIONNEL, PROVISION/PROVISIONNEL, REPÉRAGE (NOTES DE)
Auteurs :