Cristal et Clarie : une anthologie numérique collaborative
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Rendez-vous manqué (v. 4529-4594)
Une traduction de Yassine Rochdi, Madeleine de Valicourt et Abel Voirriot.
Elle avait la chevelure longue et grande,
Déroulée jusqu’aux talons,
Le front gracieux et les yeux lumineux.
Elle avait le nez et la bouche bien faits,
Les lèvres rouges comme une cerise,
Dieu avait mis en elle beaucoup de beauté
Les dents petites et bien serrées,
Plus blanches que la noix posée dans les champs.
Elle avait le cou beau et gracieux,
Plus blanc que la fleur de lis :
Le corps et la poitrine bien faits,
La jeune fille était vraiment très belle.
Cristal lui dit : « Ma douce amie,
Je vous demande, par amitié,
De m’accorder un baiser.
– Seigneur, je ne veux pas éconduire.
Cristal la prend dans ses bras
Et l’étreignit avec beaucoup de douceur,
Il l’embrassa avec une grade affection.
Celle qui était blanche comme une fleur,
En éprouva une honte prodigieuse,
Son visage devint rouge vif,
Et elle lui tint ce discours : « Seigneurs, à vous je me donne ;
Pour toujours, que vous soyez proche ou loin,
Vous emporterez mon cœur avec le vôtre.
Pitié pour moi, beau et doux sire,
Car je vous aime au-delà de toute mesure :
Qu’ainsi Dieu me donne bonne fortune. »
Cristal lui répond en ces termes :
« Damoiselle, aussi que Dieu me garde,
Je vous aime beaucoup, et de bonne foi,
Par le Seigneur en qui je crois.
Je vous dirai vrai, je ne veux pas mentir à ce sujet.
J’ai déjà un amour, dont souvent je souffre
Car je n’ai pas le choix.
En ce lieu-là j’ai donné mon cœur,
Et jamais ne pourrai le reprendre :
Ce n’est pas une chose que je puisse faire
Car je l’aime au-delà de toute mesure,
Tel m’ont fait l’amour et la nature ;
Je ne puis l’oublier, ni le jour ni la nuit,
Sous le sein, elle me brûle et consume
Le cœur que j’ai en moi ;
Je ne pourrai jamais le guérir,
Si ce n’est par celle qui me fait ressentir
De la chaleur, du froid et beaucoup de tourments.
Elle est la fille d’un roi et d’une reine,
La jeune fille est vraiment très belle. »
Quand la jeune fille entendit cela,
Elle lui répondit tout aussitôt :
« Seigneur, dit-elle, Dieu, qui nous créa,
Et insuffla des âmes dans nos corps,
Qu’Il nous accorde bonheur, honneur et joie,
Autant que je voulais en avoir pour mon propre compte,
Parce que vous aimez si loyalement.
Sachez, de toute évidence,
Que si vous n’aviez pas d’amie,
Mon amour vous serait accordé.
Mon cœur, mon corps et ma vie,
Je les mettrais entièrement en votre possession.
Mais maintenant, je serai intelligente,
Je ne veux plus penser à vous ;
Aimez celle que vous aimez,
Car vous êtes bien loti :
Que Dieu vous accorde une joie sans faille ! »
A ce moment-là, leur échange prend fin.