Cristal et Clarie : une anthologie numérique collaborative
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Mauvaise rencontre… (v. 2819-2884)
Une traduction de Célia Barillot, Amélie Boiret, Marine Boisseau et Diane Caretto-Chaize.
Le mot des traductrices :
Dans ce passage, un chevalier raconte son combat face au seigneur Alimagot – et à ses hommes – qui voulait faire valoir son droit de cuissage et lui prendre sa compagne. Le récit s’achève sur la mort du chevalier.
Nous avons choisi d’en faire une adaptation théâtrale, pour rendre d’abord l’oralité typique de nombreux textes médiévaux en ancien français, et également souligner la spécificité de ce texte, comportant principalement du discours direct (la parole du chevalier) et de certaines paroles rapportées (avec le récit enchâssé de l’attaque du seigneur). L’adaptation théâtrale nous a permis de souligner la mise en abyme, le récit dans le récit, et de proposer une mise en scène pour ce dédoublement du temps, de l’espace et de l’action. Nous avons aussi proposé une version versifiée, en alexandrins, toujours sous forme théâtrale, pour accentuer la dimension épique et archaïque du texte.
Nous avons, pour ce faire, travaillé d’abord avec Claude.ai et avons remanié la version proposée, ce qui nous a permis d’étudier les potentialités, mais surtout les limites, de l’intelligence artificielle dans le domaine de la traduction, notamment des textes médiévaux. L’IA ne conserve pas une grande cohérence dans le choix du nombre de pieds, et plus globalement dans la structure versifiée, mais apporte des idées intéressantes du point de vue du lexique. Nous avons ainsi essentiellement remanié la forme et amélioré le choix des rimes et des expressions lexicales, pour tenter d’ancrer notre traduction dans une tradition poétique et théâtrale épique. Les remaniements par rapport à la version produite par Claude.ai apparaissent en couleur.
Dans les deux textes, nous avons choisi de mettre en valeur l’oralité du passage, tout en conservant, néanmoins, certaines marques du texte originel, comme les temps du passé et quelques expressions anciennes qui contrastent avec la modernité et la sobriété de la mise en scène. Certains ressorts de la mise en scène laissent également place à une ambivalence dans l’interprétation, entre le tragique pur et quelques notes comiques.
Enfin, nous proposons comme illustration à ce dossier une image créée par notre groupe (produite à la main sur un logiciel de graphisme), qui tente de rendre au mieux l’aspect épique et tragique de notre mise en scène théâtrale. Nous avons voulu mettre l’accent sur la simplicité de la mise en scène, ainsi que sa violence, avec un fort contraste de lumière et de couleur, soulignant à la fois la dangerosité de la forêt, qui apparaît comme un lieu sombre et mystérieux, ainsi que la vaillance et la souffrance du héros, figure à peine humaine qui, même mourant, reste baigné dans une lumière quasi-divine, image de la pureté de ses intentions. Nous avons rajouté le détail de la cape, qui se confond avec une mare de sang, pour ajouter à la dimension tragique. Enfin, pour contrebalancer la modernité du style de l’image, nous avons fait le choix d’ajouter des enluminures qui font un clin d’œil à la tradition artistique du Moyen Âge, notamment les tapisseries, en ajoutant du contexte à l’illustration (le tonnerre et la forêt sauvage encerclant le chevalier).
Texte théâtral en prose
Personnages
Cristal
Le chevalier blessé
Le seigneur des bois
Mise en scène : Le plateau est presque vide. Il y a des panneaux de papiers blancs au fond de la scène, avec l’ombre de quelques arbres qui se dessinent en contraste. Un projecteur éclaire vivement le milieu de la scène et forme un cercle de lumière, à l’image d’une clairière.
Acte 28 – Scène 19
Un chevalier est étendu au milieu de la scène, dans un cercle de lumière. Il lui manque une main et un pied, et son œil droit est crevé. Cristal entre sur scène et s’approche de lui.
Cristal :
Par tous les saints, mais que t’est-il arrivé ?
Le chevalier blessé, serrant son moignon contre lui et cachant son œil ensanglanté :
“Oh Seigneur, hélas ! Hier, autour de l’heure de prime, je pénétrai dans cette forêt. J’étais accompagné d’une jeune fille, de descendance princière, qui était bien belle. Cela fait bien cinq ans que je suis avec elle. J’ai d’elle trois beaux enfants. Je devais aller en pèlerinage à Saint Nicolas, pour lui rendre son culte, et je les emmenais tous là-bas avec moi.
Le tonnerre gronde alors au loin et le seigneur des bois apparaît au milieu du public, et s’avance vers la scène. Il est vêtu d’habits somptueux, et porte à son pourpoint une épée et à la main un bouclier.
Le chevalier blessé, se relevant en direction du seigneur :
Lorsque je pénétrai dans ce lieu défriché, un orage extraordinaire éclata, je tombai là sur un chevalier, qui m’exhorta à lui livrer ma compagne.
Le seigneur, dans le public, pointant son épée vers le chevalier :
Faites halte, messire ! Par les droits de seigneur qui me sont conférés, je réquisitionne la belle demoiselle qui t’accompagne. Elle sera mienne dès à présent.
Le chevalier blessé, s’adressant à Cristal puis au seigneur, d’un ton offusqué :
Je lui répondis qu’il ne l’aurait point, que ce serait pour moi impardonnable et bien trop méprisable de lui remettre ainsi ma compagne.
Le seigneur, d’un ton assuré, au public :
Cette forêt m’appartient ; pour quiconque passe par ce bois, si une femme l’accompagne et que je lui mets la main dessus, alors, en vertu d’une juste coutume, elle doit demeurer auprès de moi. J’en fais ce que je veux ; et je la rends quand bon me semble. Et si d’aucuns ne veulent céder, et que par la force, je peux le vaincre, alors je lui tranche une main et un pied. Et je ne manquerai pas de lui crever un œil ! Alors jamais il ne sera aussi terriblement blessé. Tel est le prix à payer pour passer le bois et le bon droit du seigneur qui y fait régner sa loi.
Le chevalier, se levant en s’appuyant sur son épée, s’adressant tour à tour à Cristal et au seigneur :
Quand j’entendis cela, je lui dis que je ne la lui livrerais pas ainsi ; que j’aurais plus tôt fait de combattre trois ou quatre chevaliers; que rien ne me ferait plus grande honte que de la lui livrer si facilement.
Il regarde autour de lui :
Je ne vis aucun homme l’accompagner, je crus bien qu’il était seul.
Son regard se fixe derrière le seigneur et il pointe le public du doigt, et il cède progressivement à la panique :
Mais là, derrière lui ! Ils sont là : dix hommes armés jusqu’aux dents, qui le suivent. Et ils arrivent tout près de moi ! Ils lâchent la bride de leurs chevaux, ils foncent sur moi à toute allure, sans me mettre au défi ! Ils vont me rouer de coups !
Il tombe au sol et se protège de coups imaginaires avec son bouclier. Il attrape la jambe de Cristal et sanglote. Le seigneur éclate d’un rire triomphal.
Il reprend, d’une voix défaite :
Ils m’eurent bientôt mis à terre ; ils me prirent une main et un pied, me causant une grande douleur, puis me crevèrent l’œil droit. Ils emmenèrent ma compagne et mes enfants, et quand ils s’en allèrent, ils me dirent que si quelqu’un venait me trouver ici et me demandait qui m’avait blessé de la sorte, je devais répondre :
Le seigneur et le chevalier, d’une même voix :
C’est Alimagot, le seigneur de la forêt ; son château est tout près d’ici. Il se nomme le Château des Embûches, dans la Forêt des Encombres.
Le seigneur range son épée et s’assoit parmi le public, redevenant spectateur. Le chevalier sanglote puis émet un râle avant de s’immobiliser.
Cristal, gravement :
Il est mort.
Des cloches sonnent au loin. Cristal s’agenouille auprès du corps du chevalier et lui referme les yeux et le couvre de sa cape. Puis, il s’éloigne et sort de scène. La lumière s’éteint.

Illustration réalisée par Célia Barillot.
Texte théâtral en alexandrins*
*Ce texte a été rédigé avec l’aide de l’intelligence artificielle. Les interventions humaines sur les vers apparaissent en gras.
Un chevalier est étendu au milieu de la scène, dans un cercle de lumière. Il est blessé à une main et à un pied, ainsi qu’à un œil. Cristal entre sur scène et s’approche de lui.
Cristal :
Par tous les saints du ciel ! Quel malheur vous accable ?
Qui donc vous a mis dans cet état pitoyable ?
Le chevalier blessé, serrant son moignon contre lui et cachant son œil ensanglanté :
Hélas ! Hier au matin, à l’aube nouvelle,
J’entrai dans ces bois en compagnie de ma belle.
Cinq ans que je partage avec elle mon sort,
Trois beaux enfants sont nés de notre doux accord.
Pèlerin guidant mes pas vers Saint-Nicolas,
Je les emmenais tous en ces lieux avec moi.
Le tonnerre gronde alors au loin et le seigneur des bois apparaît au milieu du public, et s’avance vers la scène. Il est vêtu d’habits somptueux, et porte à son pourpoint une épée et à la main un bouclier.
Le chevalier blessé, se relevant en direction du seigneur :
Lorsque j’atteignis là cette vaste clairière,
L’orage déchaîna sa fureur meurtrière.
Un chevalier surgit, le regard plein d’ardeur,
Réclamant ma compagne avec grande fureur.
Le seigneur, dans le public, pointant son épée vers le chevalier :
Messire ! Par les droits saints par mon rang conférés
Votre compagne aussitôt vous me céderez.
Dès cet instant présent elle sera mon bien,
Car tel est mon plaisir, et je n’y change rien.
Le chevalier blessé, s’adressant à Cristal puis au seigneur, d’un ton offusqué :
Je lui dis aussitôt que pour toucher ma dame,
Il lui faudrait bien aussi tâter de ma lame,
Qu’il me serait infâme et par trop méprisant
De livrer ma compagne à ce cruel tyran.
Le seigneur, d’un ton assuré, au public :
Cette forêt est mienne, c’est là mon territoire !
Quiconque y passe doit se plier à ma gloire.
Celui qui y chemine en bonne compagnie
Doit me céder, sans combattre, sa douce amie.
J’en dispose ma guise selon mon bon vouloir,
La rendant la tombe du jour, ou plus tard.
Mais si l’on me tient tête et que j’ai l’avantage,
L’insolent se repentira de son courage :
D’une main et d’un pied il paiera son mépris
Et son œil droit crevé sera le juste prix.
Tel est le châtiment pour qui passe ces bois,
Car le seigneur ici fait respecter sa loi !
Le chevalier, se levant en s’appuyant sur son épée, s’adressant tour à tour à Cristal et au seigneur :
Je lui dis que jamais je ne céderais l’âme
Qui partage ma vie et inspire ma flamme.
J’aurais plutôt lutté contre trois chevaliers
Ou même quatre ou cinq, avant de la livrer.
Son regard se fixe derrière le seigneur et il pointe le public du doigt, et il cède progressivement à la panique :
Mais voyez ! Derrière lui ! La troupe menaçante !
Dix hommes en armure à la mine effrayante !
Sans paroles, sans honneur, par la rage menés,
Ils se jettent sur moi sans même me défier !
Il tombe au sol et se protège de coups imaginaires avec son bouclier. Il attrape la jambe de Cristal et sanglote. Le seigneur éclate d’un rire triomphal.
Il reprend, d’une voix défaite :
Bientôt je fus à terre, accablé par leurs coups,
Privé de main et pied, soumis à leur courroux.
Mon œil droit crevé me causa grande douleur
Tandis qu’ils emmenaient enfants et âme sœur.
En partant, ils m’ont dit de dire à qui viendrait
Me trouver en ces lieux, déchu dans la forêt,
S’ils venaient s’enquérir sur l’identité,
De celui qui m’avait ainsi déshonoré :
Le seigneur et le chevalier, d’une même voix :
C’est Alimagot, lui qui, seigneur de ces bois,
Depuis son château fait régner sa juste loi.
Château des Embûches en est le funeste nom,
De la Forêt des Encombres il est le bastion.
Le seigneur range son épée et s’assoit parmi le public, redevenant spectateur. Le chevalier sanglote puis met un râle avant de s’immobiliser.
Cristal, gravement :
Dieu, aie pitié de cette âme tourmentée,
Chevalier dont l’honneur sera bientôt vengé !
Des cloches sonnent au loin. Cristal s’agenouille auprès du corps du chevalier et lui referme les yeux et le couvre de sa cape. Puis, il s’éloigne et sort de scène. La lumière s’éteint.

Image créée par intelligence artificielle.