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Avis de tempête (v. 2757-2817)

 

Une traduction de Simon Delagrée, Pierre Sailly, Florentin Viel et Aurélie Visentin, en octosyllabes à rimes plates.

 

 

De Cristal parlons à présent,
Qui voyage continûment
Par bois, par monts et par vallées :
Il trouva d’arides contrées,
Ainsi tout seul il chemina.
Oyez ce qui lui arriva :
Il eut quantité d’aventures,
Ou bien heureuses, ou bien dures.
Tout un jour il avait erré,
Il n’avait pas encor mangé :
Il va pensif, le chevalier !
Il entre dans un bois serré,
Hardiment et à grande allure,
Si bien que vient la nuit obscure.
Bien du souci lui fit la nuit,
Et pour redoubler ses ennuis,
La pluie vint sans miséricorde :
Dieu en jetait toutes les cordes.
Il alla dans le bois profond,
Et la nuit et le bois lui font
Bien du tort ; mais ce qui l’ennuie
Plus que nuit et bois, c’est la pluie.
La route était un tel calvaire
Que souvent jusqu’à la lanière
Son destrier fut embourbé.
Il pouvait être bien troublé
Dans ce désert, le chevalier,
Sans compagnie dans la feuillée.
Sache que telle nuit c’était
Qu’à peine ses pieds il voyait.
Tonnerre, éclair, comme en tempête !
Sachez que du bois nulle bête
Ne croyait qu’elle y survivrait.
Les arbres du bois se brisaient
Tant l’orage fut violent.
De trois lieux venait le vent ;
Nul arbre ne garda ramure,
Qui ne dût perdre sa stature.
Alors Cristal sentit grand-peur,
Il pria souvent le Seigneur
Qui fut mis sur la croix pour lui,
Que fût clémente cette nuit.
L’orage par Dieu arrêté,
Le chevalier fut soulagé.
Mais sitôt l’orage adouci,
Cristal ouït un très grand cri,
Poussé plus loin dans la forêt.
Et le chevalier, sans délai,
Alla sur le champ vers le cri,
Vers l’endroit qu’il l’avait ouï .
Puis, parvenu à cet endroit,
Dans un essart, il rencontra
Un chevalier laissé pour mort
Un pied, un poing coupés du corps,
L’œil droit enlevé de la tête.
Cristal, pour lui parler, s’arrête :
« Que Dieu vous garde, cher ami,
Et qu’il apaise vos ennuis !
Dites, qui vous a tant blessé ? »
Et l’autre, gravement lésé,
Ne pouvait presque pas parler.