03/12/2020 - 04/12/2020

Bevil R. Conway, artiste et chercheur en neurosciences affirmait il y a quelques années que : « Les neurosciences de l’art ont essentiellement traité de la perception des œuvres d’art finies, alors que la considération de la pratique artistique, plutôt que des produits de cette pratique, peut potentiellement éclairer la créativité et le goût d’une société à un moment donné. »[1] Les neurosciences et la psychologie cognitive se sont effectivement intéressées à la perception de l’œuvre d’art par l’œil du spectateur[2] mais aussi à l’art et à ses bienfaits sur des patients atteints d’affections diverses[3].

Or, il nous semble que la réflexion sur la pratique artistique à partir des neurosciences et de la psychologie peut constituer une voie d’accès à l’œuvre achevée. Il s’agit là de notre hypothèse de départ, inspirée par les méthodes et les questionnements la critique génétique en littérature. Née à la fin des années 1960 et institutionnalisée par l’Institut des Textes et Manuscrits Modernes (ITEM)  à Paris, elle a révélé de nombreux processus de création chez des écrivains et des poètes (et plus généralement des artistes) en s’appuyant sur les traces de leurs créations que sont leurs manuscrits, leurs brouillons et leurs papiers personnels.

L’idée que nous proposons de développer consiste à remonter dans ce processus de création en nous intéressant à la manière dont les idées viennent à l’esprit de l’écrivain avant même qu’elles ne soient couchées sur le papier. Ce questionnement nous amène à solliciter l’expertise des neurosciences et de la psychologie car si les premières pourront nous éclairer sur le fonctionnement du cerveau de l’artiste pendant l’acte de création, la seconde nous offrira la possibilité de comprendre le concept de créativité qui fait intervenir de multiples données psychologiques telles que l’émotion, l’intuition, l’expérience et le raisonnement pour n’en citer que quelques-unes.

Le projet CREACOG cherche à construire un pont entre la création artistique et plus précisément la création littéraire, la psychologie et les neurosciences cognitives. Cette collaboration interdisciplinaire entre les humanités et les sciences présente un objectif double : il s’agit, d’une part, de recenser les pratiques des artistes qui pourraient permettre d’éclairer certains mécanismes neurologiques et psychologiques à l’œuvre pendant l’acte créateur et, d’autre part, d’aborder la genèse d’une œuvre à partir des neurosciences cognitives et de la psychologie pour en éclairer le sens, sans pour autant délaisser le contexte de création.

Ce projet qui sollicite des chercheurs en littérature, en neurosciences et en psychologie est fondamentalement interdisciplinaire puisqu’il fait intervenir trois laboratoires de disciplines distinctes : le laboratoire PSITEC de psychologie de l’Université de Lille, le laboratoire HLLI (Histoire, Langues, Littératures et Interculturel) de l’Université Littoral Côte d’Opale (site de Boulogne-sur-Mer) et l’équipe Archivos de l’ITEM (Institut des Textes et Manuscrits modernes).

PROGRAMME:

Jeudi 3 décembre 2020 :  Critique génétique et neurosciences

14h : Jean-Louis Lebrave (Directeur de recherche émérite à l’ITEM – CNRS) : « Écriture, cognition, critique génétique »

14h45 : Denis Alamargot (Professeur des universités en psychologie cognitive, Laboratoire CHArt – Cognitions Humaine et Artificielle, Université de Paris-Est Créteil) : « Composer un texte : entre stratégies et contraintes cognitives »

15h45 : Nathalie Przygodzki-Lionet (Professeure des universités en Psychologie légale, laboratoire PSITEC, Université de Lille) : « L’impact psychologique de l’incarcération sur la création artistique »

16h30 : Fatiha Idmhand (Professeure des universités, Université de Poitiers, Institut des Textes et Manuscrits Modernes équipe Archivos) : « L’œuvre de Carlos Liscano (Uruguay) : une genèse carcérale »

Vendredi 4 décembre 2020: Création artistique et neurosciences

9h30 : Catherine Thomas-Antérion (Neurologue) : « Étude de brouillons d’un artiste et analyse neurocognitive des processus d’invention de L’après-midi de Mona-Lisade Vesselin Vassilev »

10h15 : Léa Martinon (Docteure en Psychologie, Post-doctorante à l’Université Clermont Auvergne) : « Fonctionnement cérébral et cognitif associé à la créativité »

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Deux demi-journées de séminaire auront lieu les 3 et 4 décembre 2020 en ligne.

Organisatrice : Isabelle Pouzet-Michel (MCF, UR H.L.L.I 4030, Université Littoral Côte d’Opale)

L’inscription est obligatoire et se fait en ligne: https://hlli.univ-littoral.fr/creacog-seminaire-creation-et-cognition-100-en-ligne/

Projet soutenu par le MESRI, le Conseil Régional Hauts-de-France et la MESHS dans le cadre de l’appel à projets partenariats 2019-2020.


[1] Patrick Cavanagh, Bevil R. Conway, David Freedberg, Raphaël Rosenberg et Étienne Jolle, « Sciences cognitives et histoire de l’art, une coopération en devenir ? », Perspective (en ligne), 1, 2013, consulté le 1 décembre 2019.

[2] Raphaël Rosenberg, « Que fait l’œil du spectateur ? Pour une histoire de la perception des œuvres d’art », leçon du 9 février 2012, au Collège de France (en ligne), consulté le 5 décembre 2019.

[3] Voir à ce propos Hervé Platel, Catherine Thomas-Antérion, Neuropsychologie et art. Théories et applications cliniques, Louvain-la Neuve, De Boeck Supérieur, 2014.