Homo fabulator, la performativité des fabulations

12/12/2024, ENS, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris – Salle Celan (14h-16h)

Amadeo de Souza Cardoso, Le Moulin

Le concept de performativité, initialement introduit par J. L. Austin dans sa réflexion sur l’efficacité du langage, puis rapidement abandonné par lui, est désormais utilisé de manière très variée dans de multiples disciplines pour penser, souvent de manière relativement vague, une forme d’efficacité du langage qui amènerait au jour ce dont il parle. Cette analyse qui se fonde sur certains exemples avancés par Austin a pu être généralisée et évoquée notamment pour caractériser l’efficacité de la fiction (en tant que modalité du langage) : celle-ci, lorsqu’elle parvient à créer le monde fictionnel qu’elle évoque, n’agit-elle pas au même titre et sous les mêmes modalités que les énoncés performatifs ? Ne crée-t-elle pas cela même dont elle parle ? N’est-ce pas là que réside la magie de la littérature et sa capacité à faire illusion, à captiver le lecteur ou la lectrice ? Bref, la fiction n’est-elle pas performative (comme le baptême, la cérémonie d’ouverture ou un jugement) ?

Nous analyserons les attendus de cette hypothèse et reviendrons sur les conditions de possibilité de la performativité telles que Austin en avait établi le concept, afin d’analyser si, ce faisant, la littérature ne cède précisément pas à des illusions concernant sa puissance supposée. Il s’agira de mieux comprendre ce que les énoncés fictionnels sont susceptibles de produire (chez le lecteur ou dans le monde) pour analyser les conditions et les limites de cette production.

Bruno Ambroise est chargé de recherche au CNRS, à l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (ISJPS, UMR 8103), spécialiste de philosophie du langage et des théories des actes de parole. Il est notamment l’auteur de Langage et politique. L’efficacité du langage en question (Presses universitaires du Septentrion, 2016), qu’il a codirigé avec Bertrand Geay, De l’action du discours (ISTE, 2018), et le traducteur de Quand dire, c’est faire de John L. Austin (Seuil, 2024).