Séminaire :
Séminaire général de critique génétique / 2017-201815/05/2018, Salle de conférences, École normale supérieure, 46 rue d’Ulm, 75005 Paris, 17h30 à 19h30.
Pendant longtemps on a cru que Valéry lisait peu ; que la table rase de toute connaissance qu’il préconisait – cette volonté de tout repenser à partir de zéro – se faisait dans un vide parfait, comme si rien n’avait jamais été écrit ou pensé auparavant. Mais si Teste annonce : « il y a vingt ans que je n’ai plus de livres », et si l’on peut imaginer Robinson « jeté dans soi, refaisant dans son île voulue, sa vérité, et les instruments qu’elle demande », le cas de Valéry lui-même est tout autre. Car nous savons maintenant qu’il possédait au moins 3,000 livres et articles dans sa bibliothèque personnelle, dont un tiers témoignent de sa présence active en tant que lecteur.
J’essaierai au courant de cette séance d’évoquer la double genèse de la bibliothèque de Valéry. On évoquera la composition de la bibliothèque du vivant de Valéry, sa recomposition actuelle dans des fonds disponibles aux chercheurs, mais surtout sous forme virtuelle, telle qu’elle sera publiée en ligne sur le site de l’ITEM, comprenant des livres aujourd’hui dispersés ou disparus. La bibliothèque matérielle s’accompagne d’une bibliothèque mentale, permettant d’interroger la genèse de la pensée de Valéry. La base de données réunissant en un seul endroit des documents restés jusqu’ici presque complètement inconnus, offrira un outil de recherche qui permettra d’examiner non seulement ce que Valéry lisait, mais comment il lisait et comment ses lectures se rapportent à d’autres manifestations de sa pensée à travers ses écrits. Les nombreuses dédicaces nous montrent un Valéry engagé dans le monde culturel et intellectuel de son époque, la variété des sujets abordés dans les livres illustre l’étendue frappante de ses préoccupations intellectuelles et la façon dont il suivait de près les développements nouveaux. Les traces inscrites dans les marges des livres sont la manifestation visible d’un dialogue avec les auteurs, d’une interrogation du sujet, telle une fenêtre s’ouvrant sur un grand paysage de réflexions et intégrant ainsi la « suite infinie de traductions » qui constituent la vie mentale de Valéry.
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Professeur émérite de français de l’Université de Newcastle, Brian Stimpson, qui a été nommé Chevalier dans l’ordre des Palmes Académiques, est aussi membre à vie de Clare Hall Cambridge et membre de l’équipe Valéry de l’ITEM (ENS/CNRS). Il s’intéresse à la littérature du vingtième siècle, à la critique génétique, à la traduction, aux arts visuels et à la musique. Rédacteur en chef de la traduction en anglais des Cahiers/Notebooks de Paul Valéry (5 vols., Peter Lang, 2001-2011), il a écrit de nombreux ouvrages sur Valéry, parmi lesquels Paul Valéry : L’Écriture en devenir (Peter Lang, 2010) – une étude de la genèse de ‘La Jeune Parque’ et ‘La Pythie’–, Paul Valéry and Music: a study of the techniques of composition in Valéry’s poetry (CUP, 1984, 2010), et, en collaboration avec P. Gifford, Reading Paul Valéry: Universe in Mind (CUP, 1999, 2010). Il a aussi écrit de nombreux articles sur Colette, Marguerite Duras, Edgar Degas, Nadia Boulanger et sur la génétique des manuscrits littéraires, y compris, en collaboration, Marguerite Duras: l’écriture dans tous ses états (Minard, 2006).