Le séminaire s’est tenu à l’Ecole normale supérieure (45 rue d’Ulm, 75005 Paris) durant treize séances hebdomadaires de deux heures, du 2 mars au 8 juin 2011. Il a accueilli une vingtaine d’étudiants inscrits issus de diverses écoles et universités (EHESS, ENS, Paris III, Paris IV, Paris VII, Paris X) et une quinzaine d’auditeurs libres (historiens, philosophes, conservateurs, auteurs photographes, écrivains).

Dans la continuité du travail entrepris en 2009 – 2010, le séminaire s’est efforcé de comprendre les processus de la création photographique contemporaine. Il s’agissait de relever un double défi :

- développer une lecture de la photographie qui distinguerait le « signifié » du « signifiant » (ou le medium du référent),

- soulever, à cet égard, le paradoxe de l’immédiateté en redonnant sa visibilité aux temps longs de la création photographique.  

Le but restait le façonnement d’un nouvel objet de savoir, l’ « avant-image ».  Au-delà, la mise en œuvre d’une nouvelle lecture de la photographie. Délaissant provisoirement la question de la réception photographique, le séminaire s’est intéressé à la conception, la fabrication, la création et leurs processus  Mieux encore, il a jeté les bases d’une approche théorique de cette avant-image. A cette fin, le dialogue avec les artistes a constitué une voie méthodologique privilégiée.    

Divers auteurs photographes ont été conviés, incités, par le dispositif même du séminaire, à révéler certains secrets de fabrication, qu’ils soient humains ou matériels. Les écouter longuement, prendre le temps de la lecture de leurs images, faire preuve ainsi d’une certaine empathie puis développer une analyse critique de qualité, fut l’exercice intellectuel demandé aux participants.

Les artistes choisis l’ont été pour l’importance exceptionnelle qu’ils accordent eux-mêmes à cette avant-image (Georges Rousse, Jean-Michel Fauquet, Hsieh Chun Te (Taïwan), Valérie Jouve,  Lorenzo Casali (Italie), Philippe Bazin).

A l’inverse, la présentation de l’œuvre de Bernard Plossu par l’artiste lui-même ou encore celle de travaux d’un historien tel Jean Laloum visaient à installer les prémices d’une dissociation, ici à peine ébauchée, entre medium et référent. La séance « Quand Plossu photographie la photographie » a facilité l’installation du concept de mise en abyme (de la photographie par la photographie même). Les travaux de Jean Laloum sur les archives photographiques des familles juives, en prenant appui sur le dispositif de l’album familial, ont aidé à rendre visible la part des « mediums » ; en corollaire, à questionner le concept.

Ces recherches développées au cours du semestre ont été aidées par l’intervention de deux historiens de la photographie : Giuliano Sergio (Italie) et Evelyne Rogniat.

Mettre en place un nouvelle interprétation de l’artefact photographique par sa genèse même, ouvre plus largement la voie de questionnements philosophiques sur la question technique, affaire humaine par excellence. Ainsi se mettent en place les outils d’une anthropologie de la photographie et de l’image dans le prolongement des travaux de Hans Belting.

La question des relations entre écriture littéraire et genèse photographique fut l’un des enjeux de ce séminaire, sans pour autant en constituer la thématique principale (réservée à des séminaires ultérieurs). Deux interventions à deux voix de couples auteurs littéraires/ auteurs photographes (Denis Lemasson et Philippe Bazin,  Jean-Michel Fauquet et Francis Cohen) ont permis de prendre la mesure de la richesse et de la complexité des interactions.  

Pour validation, les étudiants ont été conviés à conduire un entretien approfondi avec un auteur photographe de leur choix, selon le protocole de questionnement établi au cours du séminaire 2010. En outre, certains ont préparé et animé le séminaire au sein duquel est intervenue Valérie Jouve (travaux sur la Palestine). D’autres ont aidé au décryptage et à l’analyse critique de séances enregistrées. Je ne peux que remercier ceux qui se sont investis avec enthousiasme dans ces travaux de recherche collectifs. Constatant rétrospectivement le chemin parcouru par la pensée de la photographie et de l’image depuis une douzaine d’années, je me réjouis du bilan de cette année universitaire, modeste mais nouvelle étape dans un processus général de maturation.

Le séminaire 2011-2012 qui se tiendra durant le second semestre (mars-juin 2012) poursuivra les travaux entrepris. Il proposera non seulement l’écoute attentive de travaux d’artistes mais aussi celle de chercheurs spécialistes de la restauration des œuvres photographiques. Il laissera en outre une large place aux analyses théoriques internes (concepts de trace, d’avant-image, de medium, de processus, de dispositif et d’appareil).