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On sait l’admiration de Flaubert pour les grandes épopées, d’Homère à la Légende des siècles1. Pour l’écrivain, l’écriture a aussi, métaphoriquement, quelque chose d’épique : « Je vais donc reprendre ma pauvre vie si plate et tranquille, où les phrases sont des aventures et où je ne recueille d’autres fleurs que des métaphores », écrit-il le 14 janvier 1857.La correspondance des années 1850 porte un rêve d’épopées, en contrepoint de Madame Bovary, mais elle inscrit aussi une réflexion sur l’épopée et la naissance de la prose. Michel Crouzet s’était intéressé au style épique dans Madame Bovary2. J’aimerais reprendre cette question de l’épopée en relation avec la prose de Bouvard et Pécuchet. Après avoir abordé la question de l’épopée et du roman, j’essaierai de voir d’abord en quoi Bouvard et Pécuchet est une forme d’épopée, puis comment le roman travaille l’allusion épique, et comment le montage critique de la prose romanesque se détache du modèle épique.
L’épopée, appelée longtemps « poème héroïque » est, dit le Larousse du XIXe siècle, « un poème de longue haleine sur un sujet héroïque ». Par extension, on donne ce nom à une « suite d’actions héroïques, merveilleuses ou étonnantes ». L’épopée, d’autre part, a trait à un passé et un univers distant du présent, univers hiérarchisé de nobles héros3. Quand Flaubert évoque la possibilité d’écrire l’épopée, surgissent des références à un récit d’actions, éloigné dans l’espace et le temps. Ceci, en contrepartie de l’œuvre d’« anatomie » que représente Madame Bovary :
« je suis entraîné à écrire de grandes choses somptueuses, des batailles, des sièges, des descriptions du vieil Orient fabuleux. J’ai passé jeudi soir deux belles heures, la tête dans mes mains, songeant aux enceintes bariolées d’Ecbatane. — On n’a rien écrit sur tout cela ! » ( 2 janvier 1854).
« Je veux faire deux ou trois longs bouquins épiques, des romans dans un milieu grandiose où l’action soit forcément féconde et les détails riches d’eux-mêmes, luxueux et tragiques tout à la fois, des livres à grandes murailles et peintes du haut en bas » (7 septembre 1853)4.
Salammbô condense en partie ce rêve, mais on sait aussi à quel point en inventant un roman sur ce dont on ne sait rien, Flaubert se démarque du modèle de Leconte de Lisle et de Chateaubriand, qui lui, fait des martyrs typiques5.
Mais avant d’être un genre, Flaubert le sait bien, l’épopée est un mode d’énonciation narrative6, qui s’oppose chez Aristote au mode dramatique, puis, plus tard, à l’énonciation lyrique7. Ainsi, pour Hegel8, l’objectivité caractérise l’épopée face à la subjectivité du poème lyrique et au genre mixte de l’œuvre dramatique : « il faut maintenant pour l’objectivité du tout que le poète en tant que sujet se dérobe devant son objet et disparaisse en lui. Seul le produit apparaît, pas le poète, et néanmoins ce qui s’exprime dans le poème est sien »9. On reconnaît une position clef de l’esthétique flaubertienne du roman. Pour Jakobson, comme plus tard chez Käte Hamburger, la différence de l’épique et du lyrique se manifeste d’ailleurs dans l’énonciation : « on peut dire que la première personne du présent est à la fois le point de départ et le thème conducteur de la poésie lyrique, alors que ce rôle est tenu dans l’épopée par la troisième personne d’un temps du passé. »10 De ce point de vue, le roman flaubertien à la troisième personne est bien une épopée moderne.
Mais, hormis quelques exemples, comme celui des Martyrs, ce qui distingue l’épopée du roman, c’est le vers, et la réflexion flaubertienne sur l’épopée n’est pas séparée d’une pensée de la prose comme modernité : « La prose est née d’hier, voilà ce qu’il faut se dire. Le vers est la forme par excellence des littératures anciennes. Toutes les combinaisons prosodiques ont été faites, mais celles de la prose, tant s’en faut. » (24 avril 1852). Flaubert fait ainsi en 1852 un état des lieux de la littérature, où l’épopée est un genre qui se meurt (sauf chez Victor Hugo) :
« La forme, en devenant habile, s’atténue; elle quitte toute liturgie, toute règle, toute mesure ; elle abandonne l’épique pour le roman, le vers pour la prose ; elle ne se connaît plus d’orthodoxie et est libre comme chaque volonté qui la produit. Cet affranchissement de la matérialité se retrouve en tout et les gouvernements l’ont suivi, depuis les despotismes orientaux jusqu’aux socialismes futurs. » (16 janvier 1852).
La réflexion, qui unit l’esthétique et le politique, s’inscrit dans une pensée de l’autonomie de l’œuvre d’art. Elle s’insère ponctuellement, entre la célèbre définition du « livre sur rien » et celle, non moins célèbre, du style comme « manière absolue de voir les choses ». La liberté de la prose est une liberté de rythme vis-à-vis des contraintes métriques du vers classique mais elle est aussi une liberté du sujet, au double sens du terme, par rapport aux contraintes normées des genres, qui préimposent une matière narrative, et par rapport à l’autorité de parole que subvertit la prose. La lettre de Flaubert appelle une lecture bakhtinienne, qui oppose la prose romanesque, polyphonique, comique, au sérieux de la parole épique, et à l’organisation hiérarchisée de son monde.
Le recours à la prose ainsi n’est pas une pure question de forme. Comme le suggère Lukacs, « la prosodie n’est pas un constituant dernier , mais bien un profond symptôme ». Le vers épique exclut la trivialité, et « c’est dans le vers épique que s’ordonne la totalité de la vie en tant qu’existence heureuse, selon une harmonie préétablie »11. À l’inverse, « seule la prose peut saisir avec autant de force la souffrance et la délivrance, le combat et le couronnement, le cheminement et la consécration »12. C’est la perspective de l’Esthétique hegelienne qui définit le roman, comme « l’épopée bourgeoise moderne ». « Ce qui manque, dit Hegel, c’est l’état originellement poétique du monde d’où procède la véritable épopée. Le roman, pris au sens moderne, présuppose une réalité déjà ordonnée en prose »13. La prose du monde implique le prosaïque. C’est aussi ce que dit Flaubert, mais comme un éloge :
« La forme antique est insuffisante à nos besoins et notre voix n’est pas faite pour chanter ces airs simples. Soyons aussi artistes qu’eux, si nous le pouvons, mais autrement qu’eux. La conscience du genre humain s’est élargie depuis Homère. Le ventre de Sancho Pança fait craquer la ceinture de Vénus. » (15 juillet 1853)
La prose du roman porte ainsi une nouvelle représentation du monde qu’elle fait advenir : « Vouloir donner à la prose le rythme du vers (en la laissant prose et très prose) et écrire la vie ordinaire comme on écrit l’histoire ou l’épopée (sans dénaturer le sujet) est peut-être une absurdité. Voilà ce que je me demande parfois. Mais c’est peut-être aussi une grande tentative et très originale ! » (27 mars 1853)14.
Bouvard et Pécuchet est-il ce conte de la vie ordinaire ? Ce n’est assurément pas un conte. Contre l’avis de Tourgueneff qui lui suggérait un récit vif « à la Swift, à la Voltaire », Flaubert choisit de développer son sujet15 dans un roman long, qu’il qualifie de philosophique et dont on peut dire qu’il inscrit une forme d’épopée des savoirs. D’abord prévue en trois parties (prologue, récit, copie), l’œuvre est finalement composée de douze chapitres, comme les douze ou vingt-quatre chants d’une épopée. Ce voyage à travers les savoirs adopte le modèle de l’Odyssée, comme l’a bien vu Queneau : « Car Bouvard et Pécuchet est une Odyssée, madame Bordin et Mélie sont les Calypso de cette errance à travers la Méditerranée du savoir et la copie finale est l’Ithaque où, après avoir massacré tous les prétendants, ils font avec un enthousiasme plein de sagesse l’élevage des huîtres perlières de la bêtise humaine »16. Il faut ajouter comme éléments de cette parodie, les tempêtes et la rencontre des monstres nombreux, qu’affectionnent Bouvard et Pécuchet. Mais ce ne sont plus des êtres fantastiques, comme dans les récits anciens, mais bien les cas d’espèces d’une tératologie savante. De même, l’amour n’est plus un épisode idyllique mais bien l’expérience ratée du chapitre 7, qui conduit les deux aventuriers à la découverte de la cupidité et de la vérole. Ce périple à travers les savoirs est tout aussi bien encore un voyage initiatique, comme il en existe dans certaines utopies17. D’une certaine manière, tout le roman est une utopie, la cité idéale n’ayant lieu nulle part, sinon dans les rêves de Bouvard et Pécuchet, qui s’expriment dans leurs projets du chapitre dix et dans leur conférence finale, puis dans leur décision de vivre par la copie.
De l’épopée, Bouvard et Pécuchet possède encore la structure ouverte18. Les chapitres juxtaposent des épisodes aux liens souvent digressifs. Le récit glisse d’une discipline à l’autre avec pour transition le hasard (le goût pour l’archéologie naît de la rencontre d’un bahut) ou bien la remontée d’une discipline à l’autre (de l’agriculture à la chimie), l’unité étant créée par le passage d’un rayon à l’autre de la bibliothèque, ou d’un espace lié aux recherches encyclopédiques à un autre, ce qui est une façon d’intégrer l’espace extérieur à celui de la bibliothèque19. Comme l’a noté Borgès, le roman mime alors le mouvement de régression infinie de l’encyclopédie vers l’inconnaissable20. À la différence d’Ulysse, toutefois les deux bonshommes ne regagnent pas leur port d’attache. La copie finale n’est pas un retour à l’activité antérieure mais la nouvelle boucle d’une spirale qui n’en finit pas. Claudine Gothot-Mersch a commenté cette structure interminable du récit, qui par un jeu d’annonces et de rappels revient sans cesse sur lui-même, mais pour un autre tour21. La copie des deux bonshommes reprend les livres ouverts précédemment pour les déchirer, en faire sortir des fragments absurdes, mis en parallèle et en contradiction, le Dictionnaire des idées reçues représentant un autre rapport de citation des discours du roman et de la parole narrative.
Pour Flaubert, toutes les grandes œuvres sont des encyclopédies de leur temps : « Les livres d’où ont découlé des littératures entières, comme Homère, Rabelais, sont des encyclopédies de leur époque » (7 avril 1854). La relation particulière que l’œuvre entretient avec les savoirs de son temps la relie aussi à la visée de l’épopée. Dans une lettre, souvent citée, à Mme Roger des Genettes, Flaubert définit son livre comme « l’histoire de ces deux bonshommes qui copient, une espèce d’encyclopédie critique en farce » (19 août 1872). L’édition de la Correspondance par Jean Bruneau22, ajoute une virgule entre ces deux expressions, qui les rend synonymes. L’histoire des copistes et leur copie (donc les deux volumes) créent une encyclopédie critique en farce. Cette relation particulière à l’encyclopédie – « l’encyclopédie de la bêtise humaine », écrit ailleurs Flaubert – retourne le rapport que l’épopée entretient avec les savoirs depuis l’antiquité homérique. Pour Hegel l’épopée unit le récit d’une action individuelle avec la totalisation d’une culture : « L’épopée, dès lors qu’elle a pour objet ce qui est, reçoit pour objet le développement d’une action qui doit parvenir à la visibilité avec toute l’ampleur des circonstances et des situations comme un épisode riche lié au monde en lui-même total d’une nation et d’une époque. Ce qui constitue le contenu et la forme de l’épique proprement dit, c’est toute la vision du monde, et toute l’objectivité de l’esprit d’un peuple ». Hegel insiste sur « ce genre de monde, à la fois total, et tout aussi bien, ramené en lui-même de manière individuelle »23. Forme moderne de l’épopée, le roman fait intervenir lui aussi « tout le vaste arrière-plan d’un monde total »24. Dans son livre, Modern epic, Franco Moretti s’intéresse précisément à des œuvres telles que Faust, Ulysse, ou L’Homme sans qualités, qui débordent la catégorie du roman simple pour celle de texte-monde, qu’il nomme « épopée moderne », et où il voit l’héritage – critique dans le cas de Bouvard et Pécuchet – de la tradition encyclopédique de l’épopée. On peut aussi rappeler l’idéeévoquée par Chateaubriand à propos de Shakespeare ou de Dante, d’« une épopée libre, qui renferme l’histoire des idées, les connaissances, des croyances, des hommes et des événements de toute une époque »25. Ce qui a changé, cependant, avec le monde moderne, c’est la fragmentation des savoirs. Il n’est plus possible de tenir ensemble tous les réseaux d’une culture. La société n’est plus un monde harmonieux tissé de liens de proximité, comme dans l’épopée homérique : elle est divisée, en lutte. Hegel souligne d’ailleurs que la situation épique n’est pas compatible avec la vie moderne, avec sa mécanisation et l’organisation de l’État26. Reprenant cette réflexion, Lukacs définit admirablement dans Théorie du roman la situation comparée de l’épopée et du roman : « Entre l’épopée et le roman — les deux objectivations de la grande littérature épique — la différence ne tient pas aux dispositions intérieures de l’écrivain, mais aux données historico-philosophiques qui s’imposent à sa création. Le roman est l’épopée d’un temps où la totalité extensive de la vie n’est plus donnée de manière immédiate, d’un temps pour lequel l’immanence du sens à la vie est devenue problème mais qui, néanmoins, n’a pas cessé de viser à la totalité 27». Cette analyse s’applique bien à la quête de Bouvard et Pécuchet qui ne cessent de viser une totalité désormais inaccessible, comme en témoigne leur impossible récit de la vie du duc d’Angoulême. Le monde résiste à leur tentative de le déchiffrer et de la maîtriser. On les a souvent comparés à Faust, « un Faust de la négation » dit Henry Céard. Et ils se retrouvent dans une société qui leur est de plus en plus hostile, sans pour autant être unanime. De ce point de vue, la référence à l’épopée intervient comme la nostalgie d’un monde unitaire qui s’est défait. En même temps, la narration ne cesse d’insister sur les limites de nos connaissances contre l’ambition positiviste de maîtrise du monde : « La science est faite, suivant les données fournies par un coin de l’étendue. Peut-être ne convient-elle pas à tout le reste qu’on ignore, qui est beaucoup plus grand, et qu’on ne peut découvrir »28.
On voit que le projet critique de Flaubert dérive du modèle de l’épopée (et le fait dériver) d’une manière sérieuse mais aussi ironique. Flaubert manie la parodie29, et il recourt aussi plus généralement au pastiche du modèle épique. Il y a en effet tout un réseau d’allusions à l’univers épique, qui fait système dans l’œuvre. On sait l’importance de la guerre et du thème guerrier dans le poème héroïque30. Ils reviennent dans le roman sous forme de comparaisons militaires héroï-comiques. C’est encore un décalage de l’épopée vers le roman : le langage formulaire est devenu cliché. Ces clichés appartiennent à la voix narrative mais sont redevables aussi bien du point de vue des personnages. Ainsi l’alambic explose « avec un bruit d’obus », le chien d’expérience passe « comme un boulet de canon par les carreaux ». Ces comparaisons interviennent comme des allusions à un monde héroïque perdu. Le haut et le bas se mêlent. Si les aspirations des héros sont élevées, ils sont de condition médiocre, de vieux autodidactes, dont les échecs sont soulignés ironiquement par le contre-modèle héroïque. Les allusions au monde guerrier se font sur le mode ironique. Au moment de la présentation du muséum, Pécuchet entre « la tête complètement recouverte d’un casque — un pot de fer à oreillons pointus » (p. 260). Lors des exercices de la garde nationale en 1848, Bouvard fait un arc avec son ventre et « Pécuchet confondait les files et les rangs, demi-tour à droite, demi-tour à gauche » (p. 222). De même, pendant l’épisode de la gymnastique, les deux bonshommes essaient des escalades militaires sur l’échelle de Bois-Rosé : « Malgré de prodigieux déhanchements, il leur fut impossible d’atteindre le deuxième échelon » (p. 272). De toute façon, l’héroïsme à Chavignolles est très modéré. Le texte souligne la peur sociale et les paniques de la garde nationale après juin 1848 : « une fois, tous les gardes nationaux s’enfuirent. Sous le clair de la lune, ils avaient aperçu dans un pommier, un homme avec un fusil — et qui les tenait en joue » (p. 232).
Mais les comparaisons militaires, fruits de l’imagination de Bouvard et Pécuchet, inscrivent aussi le fantastique. Au deuxième chapitre, la description des meules en feu, fait apparaître, dans la tranquillité des champs, l’univers d’une bataille sanguinaire, sous le regard halluciné de Bouvard :
« Sous les flammes dévorantes la paille se tordait avec des crépitations, les grains de blé vous cinglaient la figure comme des grains de plomb. Puis la meule s’écroulait par terre en un large brasier, d’où s’envolaient des étincelles ; — et des moires ondulaient sur cette masse rouge, qui offrait dans les alternances de sa couleur, des parties roses comme du vermillon, et d’autres brunes comme du sang caillé. La nuit était venue ; le vent soufflait ; des tourbillons de fumée enveloppaient la foule ; — une flammèche, de temps à autre, passait sur le ciel noir » (p. 71-72).
Le détail du « sang caillé », alternant avec le « vermillon », est développé dans les dernières versions. Dans un premier brouillon, le texte évoquait le brasier « pareil à du sang répandu »31. L’imagination de Bouvard ouvre un autre monde possible, comme, au moment de l’épisode géologique elle lui fait croire à la fin des temps. Quelques instants plus tôt l’incendie était comparé à un cataclysme naturel : « Toutes les meules, çà et là, flambaient comme des volcans — au milieu de la plaine dénudée, dans le calme du soir », p. 71). Flaubert retourne un lieu commun de l’épopée, qui décrit la bataille comme un cataclysme naturel32. La représentation épique de l’incendie est immédiatement suivie d’un commentaire sur la tristesse du personnage (« Bouvard contemplait l’incendie, en pleurant doucement. Ses yeux disparaissaient sous leurs paupières gonflées ») et sur la morosité de son compagnon devant l’inéluctable (« Pécuchet ne pleurait pas. Très pâle ou plutôt livide, la bouche ouverte et les cheveux collés par la sueur froide, il se tenait à l’écart, dans ses réflexions », p. 72) – attitudes d’autant plus remarquables qu’elles contrastent avec l’amusement des spectateurs devant le feu. La nature, dans Bouvard et Pécuchet, joue le rôle du destin dans l’épopée. Il n’y a plus de dieux mais une force brute, qui échappe à toute maîtrise. Hegel souligne la force du destin dans l’épopée : « le destin du personnage épique lui est fabriqué, et cette puissance des circonstances, qui impose à l’acte sa figure individuelle, impartit à l’homme son sort, détermine l’issue de ses actions, est le gouvernement proprement dit du destin […] – et il ne reste rien d’autre à l’individu que d’obéir à cet état substantiel, à ce qui est, de lui être conforme ou non, et dans ce cas, de souffrir autant qu’il peut et doit » 33. D’où la mélancolie de l’épopée, qui atteint dans le roman les personnages eux-mêmes : « nous voyons ce qu’il y a de plus magnifique périr précocement ».
Dans Bouvard et Pécuchet, cependant, le tragique se résout en grotesque triste34. L’adverbe « Tout à coup » manifeste l’irruption du destin : « Tout à coup, avec un bruit d’obus l’alambic éclata » (p. 95). Un des scénarios du chapitre désignait précisément l’événement comme un cataclysme : « une pétarade dans le fournil, l’alambic se casse. Les pots se renversent. C’est comme un volcan, un cataclysme »35. Les tempêtes, et la présence, récurrente du vent, scandent cette puissance de la nature sur les héros. Nous sommes assurément en Normandie, où le temps n’est pas toujours serein. Mais le style flaubertien, qui anime les objets, pourvoit les éléments d’une intention moqueuse : « le vent s’amusait à jeter bas les rames des haricots » (p. 64)36. L’apparition des orages et des tempêtes règle le cours des expériences de Bouvard et Pécuchet, comme dans l’épisode de l’arboriculture. Le texte laïcise le coup de tonnerre jupitérien : « Quand tout à coup le tonnerre retentit et la pluie tomba, — une pluie lourde et violente. Le vent, par intervalles, secouait toute la surface de l’espalier » (p. 77). Le résultat est un désastre héroï-comique, métaphorisé en défaite militaire par les noms des poires, associés de façon grotesque aux noms des pêches : « Les passe-colmar étaient perdus, comme le Bési-des vétérans et les Triomphes-de-Jodoigne. À peine, s’il restait parmi les pommes quelques bons-papas. Et douze Tétons-de-Vénus, toute la récolte des pêches, roulaient dans les flaques d’eau, au bord des buis déracinés. » (p. 77). La version définitive de l’épisode efface l’impression de Pécuchet qu’explicitaient les brouillons : « il croyait assister à quelque cataclysme de la Nature […] et tandis que Germaine poussait des baquets sous les gouttières, il répétait : « c’est un véritable déluge »37. On se souvient de cette lettre où Flaubert se réjouit de la destruction de son jardin par la grêle : « On a cru à Rouen à la fin du monde (textuel) […] Ce n’est pas sans un certain plaisir que j’ai contemplé mes espaliers détruits, toutes les fleurs hachées en morceaux. En contemplant tous ces petits arrangements factices de l’homme que cinq minutes de la Nature ont suffi pour bousculer, j’admirais le Vrai Ordre se rétablissant dans le faux ordre. — Ces choses tourmentées par nous, arbres taillés, fleurs qui poussent où elles ne veulent, légumes d’autres pays, ont eu dans cette rebiffade atmosphérique une sorte de revanche. — Il y a là un caractère de grande farce qui nous enfonce. » (À Louise Colet, 12 juillet 1853). La tempête et le vent réinterviennent de manière spectaculaire dans le chapitre de la religion, pour rythmer la discussion de Pécuchet et de l’abbé Jeufroy sur les martyrs, et pour égaliser les positions sous le ruissellement de la pluie38. Dans Salammbô, aussi, le tonnerre gronde lors dela scène sous la tente, puis de nouveau après les sacrifices, où il est interprété comme « la voix de Moloch ». Mais dans ce contexte, l’intervention du ciel entre dans un système de croyances. Ce n’est plus le cas de Bouvard et Pécuchet, qui joue du langage de l’épopée.
L’orage y est aussi un comparant reçu du peuple en révolte. Bouvard et Pécuchet ne répète pas de ce point de vue la représentation de l’histoire de l’Éducation sentimentale : il la déplace en province. En écho de la vision grotesque du peuple aux Tuileries, le texte nous présente un embryon d’épopée – le peuple réclamant du travail au printemps 1848 : « Bientôt on entendit comme un grondement d’orage. Puis le chant des Girondins ébranla les carreaux ; — et des hommes, bras dessus bras dessous, débouchèrent par la route de Caen, poudreux, en sueur, dépenaillés ». Le grotesque ne réside pas seulement dans la chute ternaire de la phrase. Il apparaît, dès le début, dans la tension du « comme », qui n’introduit pas une comparaison mais une approximation métaphorique (« presque », « pour ainsi dire »). Le mouvement épique s’esquisse dans sa virtualité et son inactualité même avant de retomber dans la trivialité.
Cette représentation du peuple s’insère dans un mouvement général de désymbolisation qui atteint l’Histoire comme le fonctionnement général des signes39. Témoin cet arbre de la liberté, qui finit en morceaux sur une brouette (p. 239). Le texte souligne la possibilité d’une amplification épique et sa retombée à travers l’admiration exclamative des personnages devant leurs conserves : « Pour continuer l’expérience, ils enfermèrent dans d’autres boîtes, des œufs, de la chicorée, du homard, une matelotte, un potage ! — et ils s’applaudissaient, comme M. Appert « d’avoir fixé les saisons »; de pareilles découvertes, selon Pécuchet, l’emportaient sur les exploits des conquérants. » (p. 91) — effet d’héroï-comique qui cite un texte de Josué Casanova sur la découverte du haricot40. Le décalage entre le sublime et la trivialité, entre l’auto-admiration et l’échec, se manifeste à plusieurs reprises dans le roman par la manière dont Bouvard et Pécuchet cherchent à transformer le réel en signes41. On le voit dans l’épisode de l’Architecte des jardins. Le texte juxtapose en un effet de polyphonie le point de vue des créateurs et celui, anonyme, de la narration, reliés par « c’est-à-dire » : « Ils avaient sacrifié les asperges pour bâtir à la place un tombeau étrusque c’est-à-dire un quadrilatère en plâtre noir, ayant six pieds de hauteur, et l’apparence d’une niche à chien »42. Inversement, « Au sommet du vigneau six arbres équarris supportaient un chapeau de fer-blanc à pointes retroussées, et le tout signifiait une pagode chinoise. » (p. 81). Le sublime ne se reverse pas seulement en trivialité. Dans la multiplication des relais analogiques, liés à la diversification des points de vue, c’est l’intention de signifier qui se perd. Ainsi, le rocher est-il d’abord comparé « à une gigantesque pomme de terre », puis, devant le regard des invités, on nous dit que « le rocher comme une montagne occupait le gazon, le tombeau faisait un cube au milieu des épinards, le pont vénitien un accent circonflexe par-dessus les haricots — et la cabane, au-delà, une grande tache noire; car ils avaient incendié son toit pour la rendre plus poétique ». La possibilité de symboliser s’annule : « Mais le tombeau ne fut pas compris, ni la cabane incendiée, ni le mur en ruines » (p. 87). Il en va de même dans l’épisode archéologique. De même que le casque de Pécuchet est un vulgaire pot de fer don quichottesque, de même, « la grosse chaîne dans le corridor » « ressemblait suivant le notaire, aux chaînes des bornes devant les cours d’honneur. Bouvard était convaincu qu’elle servait autrefois à lier les captifs » (p. 157). De même, encore, le font baptismal est une cuve druidique selon Larsonneur, ou n’est qu’une cuvette en grès selon le point de vue désymbolisant. Loin d’être présence de la poésie dans la prose, l’allusion au monde épique ou au registre sublime ne fait que renforcer le prosaïsme de la prose.
La prose de Bouvard et Pécuchet se construit ainsi en dialogue et en opposition avec la poésie de l’épopée. « Encyclopédie critique en farce », Bouvard et Pécuchet récupère la visée encyclopédique au sein d’un montage critique de la prose. Le comique, un « comique d’idées » dont Flaubert souligne la nouveauté, fait voisiner la recherche abstraite et le grotesque des corps, le rire des personnages quand Pécuchet imite l’aspic de Marmontel ou quand il prétend, devant Bouvard, trouver le meilleur système : « et dans le rire dont Bouvard fut pris, ses épaules et son ventre sautant d’accord. Plus rouge que les confitures, avec sa serviette sous l’aisselle, il répétait : « Ah, ah! ah! d’une façon irritante» (p. 254). Mêlant les registres et dissolvant le sérieux de l’épopée43, la prose romanesque de Bouvard et Pécuchet met aussi en œuvre une juxtaposition et une fragmentation qui n’ont plus rien à voir avec l’organisation libre du récit épique. La juxtaposition n’est pas seulement la succession d’épisodes rattachés de façon plus ou moins nécessaire au récit principal. Elle sert la mise en cause critique des disciplines, et la dissolution des croyances. L’ironie tient dans la contiguïté plus ou moins aléatoire des matières encyclopédiques mais surtout dans le montage critique des énoncés. Ainsi, dans le récit de l’explosion de l’alambic, la syntaxe et le rythme produisent l’effet même de dispersion du réel dénoté par la phrase :
« Tout à coup, avec un bruit d’obus, l’alambic éclata en vingt morceaux, qui bondirent jusqu’au plafond, crevant les marmites, aplatissant les écumoires, fracassant les verres ; le charbon s’éparpilla, le fourneau fut démoli — et le lendemain, Germaine retrouva une spatule dans la cour. » (p. 95).
Ce principe de juxtaposition et de fragmentation régit l’organisation des discours dans le roman. L’ironie de la prose est bien visible dans l’histoire du duc d’Angoulême, qui associe de brefs paragraphes sans hiérarchisation du sens. Mais c’est surtout dans l’exposé et le résumé des livres, que se manifeste de façon la plus visible la perturbation du sens. Le texte aligne des idées dont la succession est souvent le seul lien. D’autant plus que se multiplient les alinéas qui soulignent l’autonomie des assertions. Ainsi, au chapitre de la philosophie, Bouvard et Pécuchet s’attaquent à un manuel (de nom d’ailleurs fictif, le Manuel de philosophie de Guesnier) et ils étudient les facultés de l’âme :
« Dans la faculté de connaître, se trouve l’aperception rationnelle, où l’on trouve deux mouvements principaux et quatre degrés.
L’Abstraction peut offrir des écueils aux intelligences bizarres.
La mémoire fait correspondre avec le passé comme la prévoyance avec l’avenir.
L’imagination est plutôt une faculté particulière, sui generis. » (p. 306).
L’énumération de phrases sans suite crée un effet d’absurdité où sont pris uniment les livres et les personnages. Ainsi, encore, au moment de l’archéologie, sur la question de l’origine égyptienne de la Normandie, le texte juxtapose les citations :
« Rien ne s’oppose » dit Mangon de la Lande « à ce qu’il y ait eu, près de Bayeux, des monuments druidiques. — « Ce pays » ajoute M. Roussel « ressemble au pays où les Égyptiens bâtirent le temple de Jupiter-Ammon ». Donc, il y avait un temple. Tous les monuments celtiques en renferment. » (p. 167).
Le discours des auteurs est placé sur le même plan que l’énoncé de l’idée reçue (« Tous les monuments celtiques… ») et l’on ne sait à qui attribuer le saut argumentatif inscrit par « donc », qui apparaît dans un syllogisme tronqué fondé sur une énonciation reçue.
Le « second volume », laissé en chantier par Flaubert devait accentuer ce montage critique. Si l’on prend par exemple « les beautés de la religion », on s’aperçoit que le dossier est composé de citations ayant pour point commun les absurdités, et les atrocités des religions. Comme les « beautés de la Bible » qui alignent en une liste les différents meurtres recensés dans le Dictionnaire philosophique de Voltaire :
« David assassine Urie.
Isboseth et Miphiboseth sont assassinés.
Absalon assassine Ammon.
Joab assassine Absalon.
Salomon assassine Adonias son frère.
Baza assassine Nadeb.
Zimri assassine Ela.
Hamri assassine Zimri.
Achab assassine Naboth.
Jehu assassine Achab et Joram.
Les habitants de Jérusalem assassinent Amasias fils de Joas.
Silom, fils de Jabès assassine Zacharias, fils de Jéroboam.
Manahaim assassine Sélom, fils de Jabès.
Phacée, fils de Roméli, assassine Phaceia, fils de Manahaim.
Ozée, fils d’Ela assassine Phacée, fils de Roméli.
Voltaire, Dict. ph., art. Histoire »44.
L’ironie de la prose provient de la fragmentation des énoncés liée à la répétition des mêmes formules, à la transformation du catalogue épique. Elle procède ailleurs du point de vue énonciatif commun qui rassemble sur un même sujet des citations coupées de leur contexte, parfois contradictoires ou au contraires à l’unisson dans l’éloge de l’atrocité (par exemple les citations sur les férocités religieuses)45. Parmi celles-ci, sous la rubrique « style des grands écrivains » figurent dix-huit citations extraites de La Henriade de Voltaire46.
Si l’ironie critique de la prose sépare irrémédiablement le roman de l’épopée, il est un autre point qui les éloigne, c’est la relation au temps. Pour Queneau, Bouvard et Pécuchet est un récit de temps plein, comme l’Odyssée, qu’il oppose aux iliades qui sont des recherches du temps perdu. « Mais, riche ou vide, écrit-il, le temps des épopées n’est pas susceptible de s’organiser selon la chronologie précise des “romans purs et simples” »47, ce qu’avait souligné la critique de Descharmes à propos des invraisemblances de la chronologie de Bouvard. Mais, si la temporalité n’est pas réaliste, si elle suit la durée de chaque expérience, elle n’est pas pour autant de nature épique. Le temps fondamental de l’épopée, c’est le passé, distant de l’énonciation présente. C’est l’aoriste de l’histoire au sens de Benveniste. Or, Bouvard et Pécuchet, « contrepartie moderne » de la Tentation de saint Antoine désigne un passé proche de son écriture.Flaubert dit y faire une « revue de toutes les idées modernes ». Et, à côté des temps narratifs, passé simple et imparfait, qui conduisent le fil du récit, et qui ont bien la valeur de signaux de la fiction, ce qui domine l’énonciation de Bouvard et Pécuchet, c’est le présent des discours. Non pas seulement le présent des dialogues, comme dans Salammbô, mais bien le présent intemporel des résumés de pensée, qui donne une voix anonyme et hors temps à l’exposé hétéroclite des savoirs, et aux idées reçues. Le temps de l’épopée est aspiré dans cette spirale des discours.
Enfin, si Bouvard et Pécuchet est bien un roman philosophique, qui reprend à l’épopée son ambition encyclopédique, ce qui l’en distingue encore c’est le rapport du prosateur à son œuvre. Il faut que le poète épique adhère au monde qu’il représente, dit Hegel : « s’il manque en revanche la parenté de la croyance effective, de la vie et de la représentation mentale ordinaire des choses imposant au poète leur présence propre, d’un côté, et par ailleurs des épisodes qu’il décrit de manière épique, son poème ne pourra être que disparate et scindé en lui-même. […] il survient alors une scission que nous percevons comme inadéquate et qui nous trouble. Car d’un côté nous voyons alors des scènes d’un monde passé, et de l’autre des formes, des mentalités, des façons de voir les choses qui sont celles d’un temps présent qui en diffère »48. Précisément, c’est à l’intérieur du temps présent, et de l’intérieur du roman que Flaubert pose le problème de la croyance dans Bouvard et Pécuchet. On peut dire que cette question traverse l’œuvre de Flaubert depuis Madame Bovary, et particulièrement Salammbô et La Tentation de saint Antoine, que Michel Foucault rapproche de ce point de vue de Bouvard et Pécuchet : « Pour les deux bonshommes, être tenté, c’est croire »49. Dans Bouvard et Pécuchet la scission du poète avec la croyance se trouve au cœur de l’œuvre, non comme un défaut, mais comme le principe critique d’une prose qui rend problématiques ensemble la croyance et le jugement50.
1 Pendant la rédaction de Salammbô, Flaubert relit aussi L’Énéide. Voir la lettre adressée vers le 25 janvier 1861 à Feydeau : « Tous les après-midi je lis du Virgile et je me pâme devant le style et la précision des mots ». Voir aussi la lettre au même du 21-25 février 1861.
2 Michel Crouzet, « Le style épique dans Madame Bovary », Europe, 1969.
3 Voir Daniel Madelénat, L’Épopée, PUF, 1986. Plus récemment sur l’épopée, voir, sous la direction de Gisèle Mathieu-Castellani, Plaisir de l’épopée, PUV, 2000.
4 Voir encore : « J’ai des prurits d‘épopée. Je voudrais de grandes histoires à pic, et peintes du haut en bas. Mon conte oriental me revient par bouffées » (26 août 1853).
5 Lettre du 23-24 décembre 1862, à Sainte-Beuve : « Or le système de Chateaubriand me semble diamétralement opposé au mien ? Il partait d’un point de vue tout idéal. Il rêvait des martyrs typiques. moi, j’ai voulu fixer un mirage en appliquant à l’Antiquité les procédés du roman moderne, et j’ai tâché d’être simple ».Voir aussi, le 3 juillet 1860 : « La réalité est chose presque impossible dans un pareil sujet. Reste la ressource de faire Pohëtique. Mais on retombe dans quantité de vieilles blagues connues, depuis le Télémaque jusqu’aux Martyrs. » et le 4 juillet 1860 : « Ce n’est pas une petite besogne que la narration et description d’une bataille antique, car on retombe dans l’éternelle bataille épique qu’ont faite, d’après des traductions d’Homère, tous les écrivains nobles ». Flaubert écrit encore le 15 juillet 1861 aux Goncourt : « Non ! mes bichons, ça ne va pas ! Ça ne va pas ! Il me semble que Salammbô est embêtante à crever. Il y a un abus évident du tourlourou antique. Toujours des batailles, toujours des gens furieux. » Sur Salammbô roman historique, voir Jacques Neefs, « Salammbô, textes critiques », Littérature, 15, 1974.
6 « Il faut écrire les dialogues dans le style de la comédie et les narrations avec le style de l’épopée » (30 septembre 1853).
7 Voir l’histoire de la triade, lyrique, épique, dramatique, dans Gérard Genette, Introduction à l’architexte, Seuil, 1979.
8 L’Esthétique de Hegel figure dans les lectures mentionnées dans le Carnet 15 de Flaubert (Carnets de travail, Balland, 1988, p. 509).
9 Hegel, Cours d’esthétique, trad. fr., Aubier, tome III, 1997, p. 314.
10 Roman Jakobson, « Notes marginales sur la prose du poète Pasternak » (1935), dans Questions de poétique, trad. fr.,éd. du Seuil, 1973 (coll. « Points », Huit questions de poétique, 1977, p. 56). Käte Hamburger, dans, Logique des genres littéraires, trad. fr., Seuil, 1986, oppose la « fiction épique » au « genre lyrique ».
11 Georges Lukacs, La Théorie du roman, trad. fr., Gonthier, « Médiations », 1963, p. 49 et 51.
12 Ibid., p. 52
13 Hegel, op. cit., p. 368-369.
14 Ibid., p. 287.
15 « S’il est traité brièvement, d’une façon concise et légère, ce sera une fantaisie plus ou [moins] spirituelle, mais sans portée et sans vraisemblance, tandis qu’en détaillant et développant, j’aurai l’air de croire à mon histoire, et on peut faire une chose sérieuse et même effrayante » ([25] 29 juillet 1874).
16 Queneau, Bâtons, chiffres et lettres, Gallimard, 1965, p. 116. Gilles-Gaston Granger ajoute que Pécuchet possède un Fénelon, dont les Aventures de Télémaque pourrait bien être un autre modèle pour les deux bonshommes (« Savoir scientifique et défaut de jugement dans Bouvard et Pécuchet », Littérature, 82, mai 1991.
17 Voir à ce sujet Roland Schaer et al., Utopie. La quête de la société idéale en Occident. « Le cahier », Bibliothèque nationale de France, 2000.
18 Voir à ce sujet Hegel, op. cit. p. 355 (« À cet égard, il n’est aucun autre genre où l’épisodique ait, autant que dans l’épopée, le droit de s’émanciper jusqu’à l’apparence de l’autonomie débridée »)et plus près de nous, D. Madelénat, op. cit. ainsi que Franco Moretti, Moderne epic, London-NewYork, Verso, 1996. Sur la juxtaposition comme principe de composition, en particulier dans le chapitre 2 de Bouvard et Pécuchet, Claude Mouchard « Terre, technologie , roman », Littérature 15, 1974.
19 Voir sur ce point Franco Moretti, op. cit., première partie, chapitre 2.
20 Borgès, « Défense de Bouvard et Pécuchet », Discussions, trad. fr., Gallimard, p. 141-142.
21 Claudine Gothot-Mersch, « Le roman interminable : un aspect de la structure de Bouvard et Pécuchet », dans Flaubert et le comble de l’art, SEDES, 1981.
22 Pléiade, tome IV, 1998.
23 Hegel, op. cit., p. 309.
24 Ibid., p. 368.
25 Cité par Jean-Claude Berchet, Préface à l’édition des Mémoires d’Outre-tombe, tome I, 1989, p. LIII.
26 Hegel, op. cit., p. 319.
27 Lukacs, op. cit., p. 48.
28 Bouvard et Pécuchet, Le Livre de Poche, 1999, p. 123. Les pages renvoient à cette édition.
29 Flaubert est un lecteur du Lutrin de Boileau.
30 « De la manière la plus générale, on peut dire que la situation la plus adéquate à l’épopée est le conflit de l’état de guerre », Hegel, op. cit., p. 327.
31 Bibliothèque de Rouen, ms g 2251, f° 145. Le passage évoque Salammbô.
32 Voir, par exemple, la description de la bataille de Waterloo dans Les Misérables (« Une certaine quantité de tempête se mêle toujours à une bataille », Le Livre de Poche, p. 446).
33 Hegel, op. cit., p. 341.
34 Sur cette notion, voir Michel Crouzet « Le grotesque triste dans Bouvard et Pécuchet », dans Flaubert et le comble de l’art.
35 Éd. Alberto Cento, Nizet,1964, p. 49.
36 De même, les abricotiers se révoltent contre la taille (p. 75).
37 Bibliothèque de Rouen, ms g 225 1, f° 157 v°.
38 Voir Jacques Neefs, « Bouvard et Pécuchet, la prose des savoirs » TLE, n° 10, 1992.
39 Sur la désignifiance de l’histoire dans Bouvard, voir Claude Duchet, « Écriture et désécriture de l’histoire dans Bouvard et Pécuchet », dans Flaubert à l’œuvre, Flammarion, 1979.
40 Voir Bouvard et Pécuchet, p. 91, note 3.
41 Sur cette perspective, voir Michel Crouzet, » Flaubert et le grotesque triste », art. cit.
42 Voir aussi, dans l’épisode de la gymnastique : « Les “bâtons orthosomatiques” d’Amoros lui plurent davantage, c’est-à-dire deux manches à balai reliés par deux cordes » (p. 270).
43 Bien qu’il y ait du comique dans l’épopée médiévale.Voir à ce sujet Plaisir de l’épopée, op. cit.
44 Bibliothèque de Rouen, ms g 2261, f° 209, publié par Lea Caminiti dans Le Second volume de « Bouvard et Pécuchet ». Le projet du sottisier, Liguori, 1981, p. 611-612. Voir, du même ordre, les « beautés des Papes », f° 210, Publié dans Lea Caminiti, op. cit., p. 612.
45 Ibid. f° 211-212, publiés en partie op. cit., p. 612-614.
46 Ms g 226 3, f° 103-105, publiés op. cit., p. 72-75.
47 Queneau, op. cit., p. 117.
48 Hegel, op. cit., p. 312-313
49 Michel Foucault, « La bibliothèque fantastique », dans Travail de Flaubert, Seuil, 1983, p. 119.
50 Voir Claude Mouchard, « La consistance des savoirs dans Bouvard et Pécuchet », ibid. et Gilles-Gaston Granger, art. cit.