Sommaire
« J’ai donc repris, depuis quelques jours, le Temps immobile, revoyant et complétant, une fois de plus, ce que j’en ai orchestré et m’étonnant de ce qui est déjà composé. J’ai l’espoir, cette fois-ci, non de mener à son terme une œuvre qui n’a point d’achèvement concevable, mais une ouverture, publiable dans un délai relativement proche.
Étouffé sous la masse de ces feuillets, succombant à leur nombre (ces images sont à peine exagérées), je pressens pour la première fois que le salut est pour moi non dans l’utilisation d’une très grande quantité de pages mais dans l’exploitation d’un petit nombre d’entre elles. Il me faut réduire au minimum mon terrain d’investigation et exploiter celui-ci en profondeur, tout au moins pour le premier volume du Temps immobile, pure réflexion sur le temps pur, apuration des impurs matériaux dont je dispose, recherche quasi alchimique où mon seul espoir est de trouver au fond du creuset, après des années et des années de travail, quelques grains de ce dont la nature est d’être immatériel, impalpable, évanescent, le temps, le temps, le temps pur. »
(Journal, 23 avril 1972 ; T. i. 1, p. 146-7)
Le monumental Journal de Claude Mauriac (1914-1996), journal d’un témoin scrupuleux tenu presque sans interruption pendant plus de soixante années, constitue un document de premier ordre sur la vie intellectuelle et politique française des années 1930 à 1990, mais aussi sur la personnalité fondamentalement inquiète, insatisfaite, frémissante de son auteur1. Fût-ce à ces seuls titres, il intéresse les historiens du XXe siècle comme les spécialistes du discours de soi. Il se trouve que son auteur en fit le matériau d’un projet esthétique tout à fait singulier, qui a fini par compter dix volumes, dont la publication s’est échelonnée entre 1974 et 1988 : c’est l’entreprise du Temps immobile2 dont on a pu écrire qu’elle était « une œuvre révolutionnaire »3, amorçant « la synthèse du journal et de l’autobiographie » 4.
Comment apprivoiser les quelque six mille pages du vaste massif textuel que constituent ces dix volumes du Temps immobile , sachant qu’il dissimule un territoire manuscrit plus vaste encore, les milliers et milliers de pages5 du Journal? Comment dresser la carte de ce pays, frontalier d’autres œuvres, avec lesquelles il dialogue constamment : œuvres tirées du même Journal, regroupées sous le même titre général de Temps immobile (Conversations avec André Gide, Une Amitié contrariée, L’Éternité parfois), ou en contrepoint explicite avec lui (Le temps accompli)6, ou encore œuvres romanesques, obsédées elles aussi par la figure du temps7?
Selon Claude Mauriac :
« Il y a […] plusieurs lectures possibles du Temps immobile, selon que l’on s’en tient à l’anecdotique et à la littérature, ou que l’on essaie d’entrer dans ce qui n’est qu’accessoirement pour moi non seulement un travail de mémorialiste mais d’écrivain. Il y a l’histoire de notre époque, il y a la création littéraire que j’ai tentée à partir du journal qui en tenait registre, mais il y a, surtout, au-dessus de tout cela, une expérience existentielle qui a seule un véritable prix à mes yeux. Je n’ai pas à retrouver un temps qui n’est pas perdu dans ces pages de journal, toutes datées et témoignant toutes du présent qu’elles reflètent. Présents contigus qui font à la limite le présent d’une vie pour laquelle, fondamentalement, il n’y a pas d’usure, ni de destruction. Malgré le paradoxe apparent et la trop certaine usure, la trop prochaine destruction de mon corps, il y a là, en certaines minutes privilégiées, une réalité vraie. […] L’expérience existentielle du temps immobile […] est pour moi la seule justification de l’expérience littéraire ou historique dont la même entreprise témoigne aussi » (6 juillet 1978, T. i. 6, p. 456-457)
Document historique, tentative littéraire, expérience existentielle : c’est sur ce niveau intermédiaire de l’écriture que la curiosité du généticien va commencer à s’exercer. Sur cet « avant-texte » du Temps immobile que constitue le Journal manuscrit, inévitablement, et en un retour incessant vers lui, la source ; mais aussi sur le lieu-passerelle où s’opère la transformation du premier en le second : en l’occurrence ici le manuscrit de travail du Temps immobile 1.
Sur l’entreprise du Temps immobile
L’écriture diariste saisit, par principe et vocation, le temps dans son irréversible défilement : toute publication de journal va donc épouser et reproduire la ligne temporelle, et s’inscrire dans une stricte continuité chronologique. C’est bien d’ailleurs ce que commence par faire Claude Mauriac lui-même, lorsqu’en 1951 il publie ses Conversations avec André Gide à partir de pages de son Journal de 1937, 1938 et 1939: le Journal rejoint alors le témoignage, ou plutôt le reportage. Le diariste s’efface devant la grande figure littéraire qu’il a approchée, et dont il relate, nouvel Eckermann, les propos. Claude Mauriac aura d’ailleurs souvent considéré son Journal comme une caméra enregistreuse des faits et gestes des personnalités intellectuelles et politiques que sa naissance, mais aussi son talent, l’amènent à côtoyer.
Le geste qui est plus tard le sien, geste d’invention simple mais décisif, a été de briser ce lien d’essence quasi « naturelle » entre publication du journal et respect de la chronologie, de « faire éclater » cette dernière (T. i .4, p. 212) . Dans le projet du Temps immobile, une entrée du journal n’est plus prescrite par la place qu’elle occupait dans la séquence temporelle initiale: elle se trouve libérée de son encastrement dans la chaîne, et, prélevée, devient susceptible de rejoindre un nouveau paradigme, où elle entrera en résonance avec d’autres entrées, soustraites à des séries temporelles parfois situées à des dizaines d’années de distance : c’est ce que Claude Mauriac appelle les « temps mêlés », titre qu’il avait d’abord songé à donner au projet dans son ensemble (T. i. 1, p. 98). Le Journal se trouve ainsi « démonté et remonté » (T. i. 1, p. 115).
Car à aucun moment il ne s’agit – c’est la règle du jeu que Claude Mauriac se donne – de traiter l’entrée comme un texte soumis à des réécritures ouvertes et indéfinies. Le projet est tout autre : le fragment prélevé conserve sa date, qui fonctionne en quelque sorte comme sa « griffe d’authenticité », et interdit toute modification de contenu : il s’agit de sauvegarder à chaque bloc de temps sa forme, reflet fidèle de ce qu’était, dans ses éventuelles faiblesses et insuffisances rétrospectives, le « moi » de ce jour-là, en ces coordonnées uniques de la vie du diariste. Ne pas se désolidariser, donc, de soi-même : et pourtant, il ne s’agit pas pour Claude Mauriac d’une quête « d’authenticité (à la Rousseau, à la Gide)» mais « d’une recherche sur le Temps » (T. i. 6, p. 422). Ainsi le Temps immobile est-il un montage polyphonique, intégrant volontiers dans ses collages des fragments d’autres voix, tirées de correspondances ou d’autres journaux : celui du père, François Mauriac ; du grand-père, Jean-Paul ; de Gombrowicz, Julien Green, Victor Hugo, Mircea Eliade, par exemple.
Cette volonté de respect de l’intégrité textuelle du fragment ne préjuge pas de la distinction qui s’opère entre le diariste de 1955 ou 1938 et l’auteur du Temps immobile. Cet auteur intervient par la sélection de telle entrée, la mise à l’écart de telle autre; par la définition de la forme de l’entrée choisie, dont il est fréquent que seul un fragment soit prélevé : « élagage, oui (la plupart des coupures étant indiquées), et mise en forme […] refonte dans la seule mesure où il y les découpages puis les collages du montage » (T. i. 8, p. 140). Intervention ensuite par ce que l’on pourrait appeler un acte de « narrativisation » : insérée dans une séquence, l’entrée reçoit de ses nouveaux voisinages un relief, un éclairage, des inflexions de sens neufs, comme elle est appelée à jouer le rôle différentiel de la touche colorée dans le tableau. Il arrive enfin fréquemment que l’auteur redevienne diariste, mais un diariste singulier, celui de son œuvre en genèse à l’événement de laquelle il assiste: tel fragment exhumé, tel rapprochement d’entrées, suscite un commentaire, commentaire qui va être daté du jour du travail (de l’exhumation, de la relecture), c’est à dire « mis en journal » en quelque sorte, et inséré – par l’auteur, cette fois, dans la séquence en cours.
Tout l’art, parfois très subtil, du Temps immobile est un art du montage. Claude Mauriac fut, on le sait, un grand amoureux du cinéma, et longtemps critique cinématographique. Son activité de diariste et d’auteur est, au fond, la transposition littéraire de celle d’un « film maker » : opérateur, lors du film perpétuellement « in progress » du Journal ; cadreur et monteur, lors de la composition des dix volumes du Temps immobile, quand il s’agit de choisir et « retailler » les entrées, puis de les agencer les unes par rapport aux autres pour obtenir des effets narratifs inédits -- effets moins de « flash-back » que de flash « back-and-forth », d’« allers et retours » sur tous les échelons de la pyramide du temps ; longs travellings, quand il arrive, et c’est assez fréquent, que la durée soit chronologiquement balayée, ou effets de syncope, par soudain décrochages temporels ; Claude Mauriac opérateur à nouveau, quand il doit, en marge du banc de montage, « filmer » les « raccords » indispensables, ses commentaires « en direct ». Il a fréquemment évoqué lui-même son « grand film du Temps immobile » (T. i. 1, p. 119 ;4, p. 133), chaque fragment de temps étant « un bout de pellicule à monter » (T. i. 6, p. 422) : « … Le Temps immobile : la première application systématique à la littérature de la technique cinématographique du montage d’actualités anciennes. Je suis comme un cinéaste qui aurait filmé sa vie depuis son adolescence et disposerait de kilomètres de pellicule » (T. i. 6, p. 404-5). On peut enfin assimiler le blanc typographique qui sépare les différentes entrées calendaires aux « noirs » qui ponctuent la respiration cinématographique.
Matérialité fondamentale de l’activité créatrice, en dialogue et en continuité avec les autres pratiques artistiques contemporaines. Activité matérielle aussi : de l’aveu même de Claude Mauriac, l’élément déterminant dans la composition du Temps immobile fut l’apparition de la photocopieuse privée (dont il usa plusieurs à la tâche). Sans elle, « la tentative du Temps immobile aurait été inconcevable, impossible », écrit-il8.
L’appareil élimine l’étape fastidieuse du recopiage, à la machine9, d’entrées du Journal10 ; surtout, il permet son « démontage » pièce à pièce, tout en préservant l’ intégrité physique de l’objet manuscrit, sa valeur irremplaçable, unique, d’archive datée. La photocopieuse en outre permet de tirer une série virtuellement illimitée de doubles, d’épreuves au sens photographique du terme, d’un même fragment plus ou moins long du passé -- qui peut donc être reproduit, avec le même découpage ou un découpage, un « recadrage » différent, dans des séries multiples ; elle permet, en abyme, de reproduire, en vue de nouveaux montages, des fragments des précédents volumes publiés, et de faciliter les manipulations quand les fragments « s’assemblent et se désassemblent » (T. i. 6, p. 24). Pour Claude Mauriac, la photocopieuse n’a pas seulement joué le rôle de simple adjoint ou outil, mais de véritable catalyseur et soutien de création. Elle a libéré une technique de composition.
Il faut souligner, après le cinéma, une autre convergence entre développements techniques et activité créatrice : c’est avec un grand intérêt que Claude Mauriac suivit, peu avant sa disparition, les premiers développements d’Internet, dont il avait saisi le caractère révolutionnaire pour nos pratiques intellectuelles. Le Temps immobile est, d’ailleurs, un hypertexte avant la lettre, au format papier : une gigantesque « toile » où auteur et lecteur, en dépit de la linéarité apparente du « Livre », circulent tête-bêche dans un espace-temps qui a perdu toute visée téléologique ; où la linéarité de la lecture elle-même est déjouée, puisque, au fur et à mesure du développement du cycle, du recul des limites du cercle, les remises en jeu de mêmes entrées, mais aussi d’autres fragments de mêmes entrées, se multiplient, et qu’ un système explicite de liens , de renvois, se met en place. Une circulation véritablement vertigineuse s’offre alors – « tubulures mouvantes qui s’entrecroisent, se coupent, se recoupent dans la capsule de notre espace-temps »11, sans fin envisageable, à l’intérieur de la circonférence définie par les dix volumes, sans qu’il y ait, dans cette œuvre, de progression vers une rédemption, fût-ce par l’écriture : « la symphonie […] ne se présentera pas sous la forme satisfaisante d’un temps perdu couronné, récupéré, valorisé, justifié par un temps retrouvé » (T. i. 6, p. 427).
La mise en œuvre est une expérience intense, épuisante, dont l’auteur évolue entre exaltation et déception, entre orgueil et humilité, entre paix et désespoir, en un incessant va-et-vient, où ce mystérieux « quelque chose » recherché, parfois appelé « l’expérience méconnue », se laisse passagèrement saisir (moments d’épiphanie, d’« éternité parfois » ) et à nouveau échappe – et cette expérience antithétique est indéfiniment dite, redite, dans cet espace du commentaire protéiforme que l’auteur confie au diariste, puis à peine énoncé aussitôt accapare, pour qu’il devienne, à son tour, l’objet virtuel d’une remise en jeu. Tout cela lié à une perpétuelle vitesse : vitesse de l’écriture du Journal (il faut saisir la pensée dans l’événement de son présent, à rebours de toute élaboration – « alittérature » –, d’où un style minimaliste, parfois en équilibre précaire, qui accélère encore pour ne pas tomber) ; vitesse soudaine du compositeur, après des années de lente gestation (il faut « pouvoir maintenir sous un seul regard intérieur l’ensemble de l’orchestration comme le détail des divers mouvements »12 ). Vitesse épuisante, pour une œuvre qui ne se fixera que « sous une de ses formes possibles »13 : « à chaque instant, toutes ces bifurcations virtuelles, ces façons possibles d’orchestrer le Temps immobile, qui sans cesse se détruit dans mon esprit pour se recomposer autrement »14. Vaste structure, articulée, suspendue et frémissante – comme un mobile.
Le manuscrit du Journal : repères
Un inventaire du Journal de Claude Mauriac15, matériau du Temps immobile, est indispensable. Parcours exhaustif de deux placards de sa bibliothèque où, depuis 1951, il avait serré, et continué à accumuler, son Journal, mais parcours seulement, points de repères, « bouées » pour appréhender dans toute son amplitude ce corpus manuscrit.
Le Journal manuscrit
Premier carnet, « le petit carnet saumon »16, dit « pour tout », en 1922 à l’âge de huit ans. Vient ensuite en 1925 un cahier d’écolier « Ma Vie / n° 1 » [1er janvier-19 mars]. En 1927, à 13 ans, Claude utilise un agenda des grands magasins du « Printemps », sur la tranche duquel il inscrit « Agenda journalier » [1er janvier-29 août]. Vers la fin de ces notes, il commence à utiliser un cahier brun doré sur tranche, intitulé : « Mon journal / Notes intimes » [12 août 1927-23 octobre 1930]17 : « le cahier de cuir – mon premier vrai Journal »18. Les entrées sont encore très éparses ; la période est marquée par un drame : la disparition de son cousin germain Bertrand Gay-Lussac (1914-1928). Claude est submergé par le chagrin : « cousin de sang nous étions frère de cœur » écrit-il le 6 août 1928, unité fraternelle dont témoigne ce singulier de l’orthographe enfantine. De ce deuil, Claude ne se remettra pas. L’année suivante, sur un cahier d’écolier, il rédige ses Souvenirs de Bertrand Gay-Lussac, dont il donnera quelques extraits dans le Temps immobile.19
À partir du 1er janvier 1930, le Journal se poursuit, quotidiennement désormais, sur un agenda des « Galeries Lafayette » [1er janvier-14 mars], puis, de 1931 au 1er juin 193720, sur sept agendas du « Printemps ». Saturés d’écriture manuscrite, ces agendas des grands magasins (voir fig. 1) comportent en outre de nombreux collages, très soigneux, de memorabilia divers (portraits et photographies familiales, coupures de presse, programmes de spectacles, fleurs séchées etc…21) – mais aussi, et de plus en plus, de feuilles additionnelles, quand l’espace réservé par l’agenda pour chaque entrée se révèle trop restreint (voir fig. 2). Le 1er juin 1937 est une entrée solennelle : « Aujourd’hui se termine la formule Agenda / je commence le CAHIER NOIR ».
Commence alors la « série des Cahiers noirs »22 – huit cahiers du type « registre »23 – qui, en l’espace de moins de deux ans (2 juin 1937-10 février 1939) va couvrir près de 1500 pages, foliotées par le diariste24.
Le « Journal 3è série » (11 février 1939-26 juillet 1939) compte cinq « tomes » (« I – V ») : ce sont des chemises cartonnées25, dans lesquelles sont recueillies des liasses de feuilles volantes26, pour la première fois dactylographiées27, Claude revenant ça et là à des entrées manuscrites. Le dernier des cinq tomes sera lui entièrement manuscrit. Il s’achève (26 juillet 1939) par une nouvelle réorientation : « J’abandonne ce Journal / un carnet le remplacera – que je porterai toujours sur moi. Des notes espacées – s’il le faut – remplaceront le journal quotidien. Depuis 1930… Cela devenait idiot ».
C’est donc le début de la « 4è série », et le retour à l’écriture manuscrite : des petits carnets bruns à spirales28, remplis recto verso par le « Soldat Mauriac ». Il y en aura cinq (27 juillet 1939-31 décembre 1939).
Le Journal suivant est dit « Journal hors-série n° 1 » à « n° 4 », et s’étend du 4 janvier 1940 au 11 juillet 1941, sur des supports variés 29.
Vient ensuite le « Journal 5e série », neuf carnets de formats divers30, « carnets de l’Occupation » qui « s’achèvent le jour de notre délivrance » (28 juillet 1941-25 août 1944)31.
Le 26 août 1944 commence une série, matériellement disparate, que Claude Mauriac a unifiée a posteriori sous l’initiale « G », de « G 1 » à « G 7 » – « G » pour général de Gaulle, dont il est devenu à la Libération le secrétaire particulier (26 août 1944-22 mars 1949)32. Pendant quelques mois de cette période (qui correspondent presque exactement à la période couverte par « G 6 »), d’août 1946 à mars 1947, Claude exerce l’ activité de chroniqueur au Figaro littéraire , où il donne sous le pseudonyme de Grippe-Soleil ses « Semaines d’un parisien » : chronique plus distanciée que celle du diariste, et dont il inséra plus tard les photocopies dans son Journal33, avec trois pages datées du 10 janvier 1947 déplorant l’absence depuis longtemps de « journal régulier ». Insérée à la suite des « Grippe-Soleil », la période couverte par « G 7 », du 11 mars 1947 au 22 mars 1949, va déboucher, pour la première fois, sur le silence.
Le Journal dactylographié
23 mars 1949-23 avril 1951 : ces vingt-cinq mois constituent la première, et la seule34, période d’interruption du Journal méthodiquement tenu depuis le 1er janvier 1930. En 1949 toutefois, Claude dessine, et écrira en 1980 que cette année-là , « à l’exception de ce qui concernait de Gaulle, il n’avait pas écrit une seule page de journal (exception dans sa longue existence) si bien que l’on pouvait, en un sens, considérer comme son journal d’alors ces dessins un peu fous […] » (T. i. 7, p. 398). Et l’existence d’un fragment manuscrit daté de mars 195035 suggère qu’il y a bien eu un cahier (détruit ?) pour une partie au moins de l’année suivante.
Sur un feuillet tapé à la machine, en date du 24 avril 1951 : « Il est dur, après une si longue interruption, de recommencer un Journal régulier – ou du moins souhaité tel ». 26 avril 1951 : « Il faut me forcer pour reprendre ce Journal. J’ai déjà eu plusieurs fois l’envie de détruire les deux pages qui en ont été écrites. Ce que j’ai à y dire [...] est tellement en contradiction avec ma paix intérieure... » Mais la reprise est encouragée par l’« incontestable succès » de la publication, dans la Table ronde, d’un extrait du Journal consacré à « Gide à Malagar »36.
Après une nouvelle interruption de cinq mois à la suite de son mariage en juillet, Claude reprend le 3 décembre 1951, pour de bon cette fois. Le Journal adopte alors sa forme « définitive » en quelque sorte, la forme « mûre » et stable qui sera la sienne pendant encore quarante-quatre années, jusqu’en 1995, quand une vue défaillante forcera Claude Mauriac à l’interrompre : des liasses de feuilles volantes, du format d’un demi-feuillet A437, dactylographiées, parfois enrichies de corrections et d’annotations manuscrites. Apparemment Claude Mauriac, par cet usage de la machine à écrire, fait figure d’exception parmi les diaristes38. Il est vraisemblable que c’est là une mesure préventive contre une graphie de plus en plus réduite et parfois presque illisible, même à lui-même : or la dimension de la relecture est pour lui fondamentale. Mais il y a certainement à cet emploi dès lors presque exclusif une raison plus profonde : par la plus grande vitesse rédactionnelle qu’elle autorise, la machine à écrire permet de serrer au plus près la rapidité du rythme intérieur, de « coller » à son événement avant qu’il ne bascule dans le passé – bref, d’être le plus possible le sismographe, le témoin de son Présent. Son usage massif pour l’écriture, chez Claude Mauriac diariste, est un autre symptôme de son obsession du Temps.
Les liasses dactylographiées, d’épaisseur très variable, sont insérées dans des dossiers souples, à raison d’un, deux, parfois trois voire plus dossiers annuels. Claude Mauriac a, sur chacun, inscrit non seulement le millésime, mais jusqu’en 1986 au moins, le numéro d’ordre dans la série : en tout, on dénombre 127 dossiers, dont 76 dossiers « Gaubert » (1951-1988) et 51 dossiers divers39 (1989-1995)40. À la fin de chaque dossier, et fréquemment dans des dossiers spécifiques, sont réunis des documents de types extrêmement variés liés à la période chronologique (lettres, articles, tracts, dessins etc).
L’ampleur de chaque dossier annuel, soigneusement folioté par le diariste, varie entre un minimum de 24 feuillets (en 1969) et un maximum de 694 (en 1989), avec une moyenne de 250, pour un total de onze mille pages dactylographiées (1951-1995). Mais il faudrait aussi comptabiliser, pour la période, les pages de Journal directement intégrées au(x) manuscrit(s) de travail du Temps immobile, et dont Claude Mauriac a négligé d’insérer les copies dans le manuscrit du Journal (c’est la raison pour laquelle, par exemple, les dossiers 1968 et 1969 sont demeurés comparativement si maigres). On va y revenir.
Marges manuscrites du Journal dactylographié
Enfin, en sus du Journal dactylographié des années 1975-1995, il faut mentionner plus d’une trentaine de carnets et d’agendas41, qui remplissent des fonctions diverses, parfois entrelacées sur le même support :
agendas : plastifié bleu [1975], « Pléiade » [1986], enfin illustrés et de grand format, supports de notes manuscrites cursives, mais aussi de collages et montages [1988 à 1994] . L’agenda de 1996 contient deux entrées seulement, les deux dernières du Journal, les 21 et 22 janvier ; Claude Mauriac allait s’éteindre le 22 mars.
cahiers et carnets de Journal manuscrit : « Repères I » [1975], « Repères II » [1975], « Paris/ 75-76 », [sans titre] : Journal 11 octobre 1976-9 décembre 1977, « Journal marginal / Notes pour le Journal » [1977-78], « 79 », « 81 » (voir fig. 3), « 1982 », « Malagar 1984 », « I / Malagar / 1-2 juillet 1988 », « Venise 88 Paris », « fin 1994 & suite du carnet Gauguin ».
carnets de notes, prises en voyage par un Claude Mauriac séparé de sa machine à écrire, et qui, à son retour, servaient de base à la rédaction du Journal : Thaïlande [1978], Cambodge [1980], Turquie [1981], Amérique centrale [1985], Liban [1988, 1989], États-Unis [1989].
cahiers et carnets de régie pour la composition du Temps immobile : « T. i. 7 » [1982], « 1986 / Le Temps immobile / Notes de travail et journal ».
Où commence le Temps immobile, où finit le Journal : questions de frontière
Indépendamment de sa richesse intrinsèque, ce vaste Journal a aux yeux du généticien l’intérêt d’être l’avant-texte du Temps immobile , et cela de plusieurs façons : non seulement Claude Mauriac y prélève des entrées pour nourrir ses montages, mais certains montages sont déjà élaborés au sein même du manuscrit du Journal.
En effet le diariste se relit, et commente cette relecture par une annotation manuscrite « décalée », en regard ou à la suite immédiate d’une entrée qui peut être très éloignée dans le temps – agenda de mars 1930 relu en mars 1939, de 1933 en 1965 (voir fig. 4), cahier de 1938 relu en 1985 et 1988, agenda de 1936 relu en 198642, carnets de 1939 relus en 1965, 1975, 1979, carnet de 1941 relu en 1974, carnet de 1942-1943 relu en 1952, 1963 (voir fig. 5), 1968, 1972, 1974, carnet de 1944 relu en 1973 et 1983… Souvent, Claude s’amuse de ce que son écriture ait si peu changé que le glissement d’une date à l’autre, d’une entrée à l’autre, est presque indéchiffrable. Comme une attestation, parmi d’autres, du « temps immobile » : « Vingt ans dans cette seule ligne blanche. Et l’écriture est aussi semblable, dans ces deux paragraphes séparés par tant d’années, que le sera le corps, choisi à dessein le même, dans le texte imprimé de ce Journal […] »43. Claude Mauriac se reconnaît ici un prédécesseur – Amiel qui, « par ses notes marginales datées comme le journal auquel elles se référaient, a effleuré cette découverte », utiliser « le journal intime pour en faire autre chose que lui-même sans pour autant y apporter la moindre correction » (T. i. 6, p. 456). Énumération non exhaustive de chocs de dates ; le Temps immobile les intégrera pour la plupart, avec parfois des rétrospections en cascades : Claude relit en 1973 Claude relisant en 1953 son Agenda de 1933 (T. i. 1, p. 66-67, passim ; 90) ; Claude relit en 1973 Claude relisant en 1963 le journal de 1943, et croyant en 1963 relire 1933 (T. i. 1, p. 181-182) ; des années plus tard, dans un autre volume, l’orchestrateur de 1983, relisant 1943, aiguillera au passage, par un de ces liens hypertextuels déjà évoqués, vers l’enfilade 1973/63/43 (T. i. 8, p. 272 ; cf. 279) 44 Labyrinthes et vertiges.
Claude Mauriac va plus loin, dans le manuscrit de son Journal, que ces simples annotations marginales datées, ou même l’interpolation de feuillets (comme cette page d’août 1981 glissée dans un carnet de 1943). Si les premières (?) tentatives de montage pour le Temps immobile datent de juillet 1963 (date à laquelle Claude confie à son père qu’il se livre à des essais de « télescopage du temps »45 à partir des trente années de Journal dont il dispose alors), c’est en 1965 qu’apparaissent les premiers rapprochements opérés au coeur même d’une entrée de Journal, en une sorte de première mise en page des « temps mêlés ». Des fragments de 1941 et de 1939 sont ainsi transcrits au sein du Journal d’août 1965 (voir fig. 6) : à la recherche de sa forme, Claude Mauriac utilise alors de « petites flèches, venant du passé ou y retournant » pour signaler les décrochages temporels, et pense avoir trouvé là « l’artifice technique qui [lui] manquait pour la composition du Temps immobile »: « mais j’ai eu tort, poursuit-il, de souligner les extraits de journaux passés : il ne faudra point d’italiques, l’uniformité du corps employé devant marquer celle du temps. » (10 août 1965, Journal inédit). Au dos du second dossier de l’année 1965, pris tête-bêche, la mention suivante, biffée en croix, montre que Claude Mauriac avait commencé à réunir ses montages :
LES / TEMPS / MELÉS / IMMOBILE46
L’acquisition de la première photocopieuse personnelle aura lieu dès octobre 1968, à une époque où Claude Mauriac, surchargé de travail, n’écrit « pratiquement plus de journal » : « En prévision du montage éventuel du Temps immobile et pour le faciliter, j’achèverai sur le blanc qui restera chacune des -rares- pages de mon éventuel journal » (18 octobre 1968, inédit). Ce tropisme vers l’œuvre « in progress » est définitif ; en 1970, Claude Mauriac a « décidé, dans la mesure du possible, de […] préparer systématiquement [son Journal] pour des insertions immédiates ou ultérieures » (13 mai). D’où la décision, mais elle restera ponctuelle, d’utiliser par exemple pour sa rédaction des « grandes pages » qui peuvent être placées « directement à leur place dans le Temps immobile, immédiatement, – ou en attente » (ibid.)47. Ce n’est toutefois qu’à partir de 1972 que se déclenche véritablement la composition du premier volume : les montages préparés au cœur du Journal seront alors reproduits et intégrés tels quels aux manuscrits du Temps immobile.
Montages qui font éclater au sein même du Journal non seulement la chronologie, mais jusqu’à l’univocité de l’instance énonciative : en septembre 1973, Claude n’hésite pas à interfolier son journal avec les photocopies d’un autre journal, celui qu’avait rédigé en septembre 1873, soit un siècle plus tôt exactement, son grand-père Jean-Paul Mauriac… La frontière générique elle-même finit par s’abolir : le deuxième des quatre dossiers de 1981 n’est autre que La Fêlure dans la tasse de thé, avant-texte du roman Radio Nuit, roman qui épouse la forme du Journal, ou aussi bien, peut-on affirmer avec quelque raison maintenant, Journal publié comme roman. Avec les derniers dossiers de 1995, toute frontière entre le Journal et l’œuvre est désormais effacée : in fine manuscrits comme les premières années du Journal, ils sont intitulés « T. a. 5 – 1 », « 2 », « 3 », soit Le Temps accompli 5, cinquième volume demeuré inédit du cycle qui succéda au Temps immobile.
Ainsi le manuscrit du Journal est-il, et de plus en plus inextricablement, entrelacé avec l’entreprise du Temps immobile : de plus en plus il la prévoit, la prépare, travaille à la nourrir ; et parfois il s’y engouffre par pans entiers, quand l’orchestrateur écrit directement son Journal dans le manuscrit de l’œuvre en train d’être composée – et omet dans la hâte, la fièvre, l’épuisement ou le vertige du travail, l’acte mécanique et « rétrograde » que serait l’insertion d’un « témoin » dans son Journal48 : ainsi n’y a-t-il, par exemple, aucune entrée dans le Journal entre les 5 et 30 juillet 1973, mais, dans le Temps immobile 1, vingt-cinq fragments datés de cette période, disséminés dans la composition, et qui viennent ponctuer cette phase d’intense activité créatrice. C’est ainsi que le Journal se continue « hors les murs », en quelque sorte, dans ces manuscrits de travail d’un genre très particulier que sont les manuscrits du Temps immobile.
Ces pratiques de relecture, d’anticipation compositionnelle, et finalement de déterritorialisation du Journal produisent des types inédits d’entrées. Certaines sont à la fois éclatées dans le temps de leur rédaction, et disséminées dans l’espace de leur inscription. Le journal du 24 octobre 1968, par exemple, se distribue en dix occurrences réparties sur trois supports : une note manuscrite marginale au carnet du 30 décembre 1942, mentionnant le Temps immobile que le scripteur « compose actuellement » ; une occurrence dans le Journal dactylographié, où le diariste se décrit « insérant directement à leur place quelques notations datées de ce jour » dans son manuscrit de travail49 ; huit occurrences enfin dans le (manuscrit du) Temps immobile 1 50 : la première le montre « recopiant [un] ancien agenda [de 1930], à dix heures trente ». Pour dix inscriptions forcément éclatées dans le temps, un seul et même présent de l’énonciation, à charge pour nous de jouer à reconstituer l’ordre des fragments de cette sorte de Temps immobile en miniature : relecture dans la matinée d’un agenda de 1930, montages, relecture et annotation du carnet de 1942, nouveaux montages… La « vraie » entrée du Journal saisit Claude Mauriac à la fin de sa journée de travail : « 19h30. Exténué mais heureux » ; mais elle, elle ne sera publiée que des années plus tard, dans le Temps immobile 6, puis, cette fois précédée de la note au carnet de 1942, dans le Temps immobile 8, avec un système de renvois (T. i. 8 T. i. 6 T. i. 1).
Claude Mauriac lui-même avouait se perdre parfois dans ces dédales. C’est d’abord pour lui venir en aide qu’un de ses fervents lecteurs, Jean Allemand, établit sur six cahiers d’écolier, sans passer un seul jour de 1922 à 199651, le relevé systématique de chaque utilisation d’une entrée calendaire du Journal dans les dix volumes du Temps immobile, ainsi que dans les six autres volumes du cycle, et dans les quatre du Temps accompli. Ce très précieux travail demeure fondamental pour toute recherche à venir. Il serait souhaitable qu’il soit informatisé, mais aussi complété, de manière à permettre, dans un premier temps : de repérer rapidement les entrées calendaires qui n’ont donné lieu à aucun Journal ; de signaler les entrées demeurées inédites, totalement ou en partie, et, pour les emplois multiples, leurs « cadrages » textuels respectifs (l’idéal étant évidemment de pouvoir comparer systématiquement le profil de ce qui a été rédigé dans le Journal avec ce qui en a été effectivement publié dans les différents volumes du Temps immobile); de distinguer les entrées rédigées au sein du Journal lui-même des entrées directement insérées dans l’oeuvre (ce qui permettrait notamment de repérer facilement les périodes de travail sur le Temps immobile) … Entreprise de longue haleine, qui nous laisserait encore sur les marges de cet autre continent, les manuscrits de travail proprement dits.
Le manuscrit du Temps immobile 1
Présentons enfin le manuscrit définitif du Temps immobile 152 qui a été préparé pour l’impression : composé de 512 feuillets (21 x 29,7 cm), c’est un vaste collage d’entrées de journal, une mosaïque de papiers et de temps, aussi matériellement hétéroclite que chronologiquement mêlée. La formalisation s’en révèle assez délicate. Il faut tout d’abord distinguer entre les feuillets qui ont servi de base à des collages de supports divers (très soigneusement effectués, au scotch, parfois par-dessus un précédent collage), et ceux qui sont eux-mêmes entièrement constitués à partir d’un collage de fragments ; distinguer ensuite ce premier groupe des simples photocopies (voir fig. 7) qui peuvent, mais ce n’est pas le seul cas de figure, correspondre à d’anciens montages photocopiés pour plus de lisibilité, et sur lesquelles des collages peuvent avoir été effectués.
Dans le premier groupe on trouve, tantôt sur le feuillet, tantôt sur un papier collé sur le /du feuillet, un ou plusieurs des éléments suivants (voir fig. 8 et 9) :
1) frappes originales :
transcription (de fragments) d’entrées de Journal (manuscrites ou dactylographiées)
entrées rédigées au moment et en contrepoint du montage
transcription des entrées précédentes, lors de remontages
2) photocopies :
photocopies (de fragments) d’entrées de Journal (manuscrites et dactylographiées),
photocopies des frappes originales précédentes
photocopies de précédents montages
citations diverses, y compris auto-citations (photocopies d’entrées de Journal, articles etc. déjà publiés)
3) copies au carbone : elles correspondent à des entrées rédigées en cours de composition, et dont l’exemplaire original a été placé dans le Journal (ce type de report est resté marginal).
Tous ces feuillets portent la trace d’interventions manuscrites restreintes : suppressions évidemment, retouches de style, gloses discrètes quand une explicitation s’impose, raccords exigés par une coupure, ajout d’une date qui vient « signer » la dernière étape d’un montage.
Sur le manuscrit définitif, plusieurs paginations se sont succédé :
celles en chiffres arabes, portées au crayon en bas de page à droite, qui portent les numérotations les moins élevées, et correspondent aux premiers montages, effectués encore sans assignation précise dans la diégèse.
celles en chiffres romains qui se substituent aux précédentes et correspondent à une attribution de chapitre [p. ex. : II 58], éventuellement complétées par une numérotation alphabétique [II 58 G], éventuellement biffée et modifiée [II 58 G I 17 D], ou encore gonflée [IV 38 A 4 (16)]
celles portées en haut à droite du feuillet, entourées, et éventuellement surchargées, qui correspondent à la pagination définitive.
Est-il possible de retracer les étapes de l’élaboration de la mosaïque ? ou le manuscrit définitif témoigne-t-il déjà d’un stade trop avancé du travail pour qu’on puisse y repérer autre chose que les dernières étapes génétiques (printemps-automne 1973) ? Faut-il classer les feuillets par leurs caractéristiques matérielles (papier, frappe, « style » des entrées…), et croiser ces données avec la datation auto-génétique, pour définir des ensembles à peu près contemporains ? Comment les séquences émergent-elles ? Comment les thèmes s’organisent-ils, s’infléchissent-ils, en fonction de ce que Claude Mauriac lui-même appelle les « corrections » successives, moins au sens scriptural que d’une navigation orientée ? Peut-on repérer des gonflements, des éclatements, des déplacements, les imbrications successives ? Comment articuler toutes ces questions au volumineux corpus des « chutes » ? Car le dossier génétique comprend encore, outre le Journal évidemment et en ce qui concerne les Temps immobile 1-4, une vingtaine de centimètres de dossiers : y sont accumulés – sous l’intitulé « utilisé ou non » – dans des sous-chemises, des listes de dates, des montages et fragments de montages qui n’ont pas tous trouvé place dans le(s) volume(s) publié(s), et de nombreuses photocopies. Sorte de caverne d’Ali-Baba du généticien : comment comprendre sans défaire, comment défaire sans effacer malgré soi quelques traces discrètes, mais qui peuvent s’avérer capitales ? Quel inventaire peut-on faire de ces bribes qui, dans l’empilement, se sont recomposées en montages cubistes ? Questions en attente…
Prenons pour finir l’ouverture du Temps immobile 1, que Claude Mauriac appelle « l’ouverture vénitienne » (ms., p. 1-9 ; T.i., p. 9-18). L’auteur y introduit d’emblée ses thèmes majeurs, les questions de la création (et donc, pour Claude, de la filiation) et du temps (et donc de la mort) : allusion à la parution dans la NRF de 1936 d’une courte note d’un jeune homme de vingt-deux ans, Multiplication de la présence, et au projet d’un petit article, intitulé « Réflexions sur le temps, par exemple »; figure à la fois vivante (1936) et disparue (1972) du père François Mauriac ; ombre de Proust, reflétée dans la rencontre de ses contemporains, Jean-Louis Vaudoyer (1936) et la princesse de Polignac ou dans la visite de San Marco (1972) ; déchiffrement dans les numéros des rues vénitiennes de millésimes, où se réfléchissent « de maisons en maisons, toutes les dates du passé et de l’avenir », parmi lesquelles, invisible mais présente, celle de la mort. L’unité thématique n’est pas obtenue sans sacrifice dans la riche matière du Journal tenu pendant le séjour vénitien de l’été 1972 : une brève indication, ensuite biffée, sur le manuscrit (p. 5) montre une velléité d’introduire la figure de Pier Paolo Pasolini, que Claude était allé alors interviewer pour L’Express ; une rencontre avec le peintre Giorgio De Chirico longuement évoquée est d’emblée tenue à l’écart du tableau.
L’examen de la pagination « à rallonge », en bas à droite du manuscrit, indique que cette ouverture vénitienne constitue une addition tardive (« I 1. A » à « I 1. I/J »). Comme le montre une autre pagination située en bas de feuillets finalement déplacés dans le dernier chapitre53, Claude Mauriac avait d’abord prévu d’ouvrir le Temps immobile par la reprise de l’incipit d’Une amitié contrariée (1970), premier tome du cycle du Temps immobile (T. i., p. 393-394). Ensuite, jusqu’à une date qu’il sera possible de préciser plus loin, le livre débutait sur la séquence de « La Croix du Sud » qui donnera finalement son titre au premier chapitre54 : retour sur une épiphanie, sorte d’ « impression obscure » proustienne, éprouvée un soir de 1954 au Brésil. Les pages suivantes développaient – toujours à travers des juxtapositions a-chronologiques – le thème de l’œuvre à faire, de ses anges oraculaires (Augusto Frederico Schmidt, Marc Chadourne, Emmanuel Berl), de ses modèles reconnus (Roussel, Joyce, Huxley), de ses premières incarnations romanesques confondues avec l’accomplissement qu’est seul le Temps immobile (Toutes les femmes sont fatales, Le Dîner en ville).
Quelques pages seulement après le début de cette séquence de la « Croix du Sud », une entrée datée du 1er octobre 1973 précise : « […] c’est à Venise que commence, par la fin (alors que je venais de le finir), ce livre »55 « Alors que je venais de le finir » : l’ouverture vénitienne, en effet rajoutée dans l’après-coup, l’aurait-elle donc été après l’achèvement du livre, acquis au plus tard au 1er octobre 1973? Pas exactement, puisque, comme le montre le tableau suivant, la date-butoir en sera finalement repoussée au 9 novembre 1973 :
Livre fini, défait, refait, couronné de son ouverture, à deux reprises amputé de sa cinquième partie, et qui n’en finit pas de (ne pas) s’achever : la genèse se donne à voir, dans le temps présent de ses événements successifs, en des instantanés qui, à notre regard rétrospectif, surplombant et critique seulement, peuvent apparaître comme ses mirages, ses aveuglements successifs. Elle est livrée par l’auteur dans une poussière de présents, d’instants en partie obscurs à eux-mêmes, dont la dissémination, hors chronologie, semble d’ailleurs vouloir prévenir toute réduction téléologique.
Achèvement évoqué à l’incipit vénitien, et symétriquement, évocation du projet esthétique à la conclusion : car la sorte d’« achevé d’écrire » qui coïncide presque avec la fin du livre se trouve aussitôt remis en jeu, en un clin d’œil proustien, par l’ultime entrée du 23 septembre 1963, où le diariste se propose de « composer le Temps immobile » – c’est à dire autant le livre que nous venons de lire que ceux encore à écrire. Le premier volume s’achève donc par une entrée à la Janus, qui ouvre à la circulation en tous sens caractéristique de l’esthétique du Temps immobile.
Une genèse en direct
Le Temps immobile fait partie de ces œuvres qui s’interrogent sur leur genèse la plus lointaine, cherchent passionnément à éclairer le mystère de leur origine, et commentent inlassablement leur enfantement au moment même où il a lieu. Claude Mauriac aura certainement été son premier généticien, et il y aurait un passionnant, et très ample, relevé de ce perpétuel commentaire réflexif à faire au travers des dix volumes du cycle, qu’il faudrait ensuite affiner au contact des divers corpus manuscrits. Et au premier chef du Journal lui-même, dont l’intégralité est loin d’avoir été aspirée par l’entreprise du Temps immobile, et qui en demeure le « journal de bord », comme en témoigne par exemple la page suivante, restée inédite :
« Paris, lundi 23 décembre 1974
Le temps est plus que jamais mobile, cette lourde année tombe si vite dans l’abîme (lourde pour l’Occident, lourde, si lourde dans ma petite histoire personnelle). Il n’y a plus de temps immobile, s’il en fut jamais – il n’y a que le manuscrit du Temps immobile 2, auquel j’ai travaillé avec acharnement depuis août, - dont j’ai remis le manuscrit à mon éditeur, après l’avoir maintes fois recomposé de fond en comble – mon premier travail, équilibré, composé, ayant abouti, je le découvris une fois achevé, aux Temps immobile 2 et 3 – je veux dire pour le nombre de pages… Si bien qu’il me fallut tout revoir, repenser – seul, sans aide de personne, n’ayant eu hélas aucun lecteur, pas même chez Grasset, qui eut plusieurs fois mon manuscrit sous des formes différentes sans que personne s’en aperçoive puisque personne ne l’a lu – l’attention s’étant seule portée, il le fallait bien, sur tant de pages peu lisibles, directement photocopiées dans d’anciens journaux manuscrits…
Des chapitres entiers ont été coupés dans le manuscrit, remis, réenlevés, d’autres montages d’autres dosages ont été tentés, il semble qu’une fois de plus le chapitre déjà sacrifié l’année dernière56, celui auquel j’aurais travaillé vingt ans, Les Barricades de Paris (intitulé parfois Quinze jours, trente ans, six siècles) doive sauter de nouveau cette fois-ci… J’ai procédé à ces opérations avec des chances diverses – parfois dans le noir complet…
Simultanément, ces dernières semaines, travail considérable au Figaro renouvelé, où, à la fin des fins, j’ai ma chronique Un autre regard – ce qui me fait, avec celui du Littéraire, une moyenne de quatre articles par semaine.
Il n’y a plus de temps immobile et, dans cette chute libre, il n’y a plus de journal. Je me force à écrire celui-ci, le dernier de l’année sans doute – et qui serait le dernier si je me laissais aller, je vais sans doute peut-être, me laisser aller, il faut un minimum d’une attention à soi-même autre que résignée (sinon désespérée) pour tenir un journal, il faut se croire encore un avenir, il faut croire en un temps futur où l’on sera là, encore, pour avoir le goût de regarder en arrière. »
Mais le Journal sera tenu pendant plus de vingt ans encore. En 1965, analysant ce qui lui rend si pénible ces plongées dans une « vie engloutie », Claude Mauriac écrivait : « Sans doute est-ce cette impression d’être déjà mort que je fuis en refusant de relire mes anciens journaux. Mort, j’y revivrai. Vivant, j’y meurs une première fois ». « Mort, j’y revivrai » : « mon journal sera situé dans sa continuité, dans sa totalité, non pas tant dans le même passé que dans le même présent par ma mort […] je devrais donc avoir le courage de regarder dans cette lumière intemporelle ces images anciennes de moi-même »57. Avoir le courage de se relire comme si l’on était déjà mort, contemporain de tous les instants de sa vie : c’est l’auteur du Temps immobile qui émerge consciemment ce 16 mars 1965. Or par la composition de cette œuvre Claude Mauriac sera plus encore que cette contemporanéité conquise, plus encore que la somme de tous ses présents : il devient l’instance singulière qui habite entre tous ces temps. S’il est, en une belle formule, un « temps non plus immobile mais anéanti : celui d’une œuvre en cours de composition »58, si une partie de l’orchestration se poursuit en rêve59, ce « hors-temps » que cherche passionnément, désespérément parfois, Claude Mauriac est peut-être, à son insu, celui de l’inconscient : un pur battement, quelque chose qui se trouverait dans cette « invisible non-matière interstitielle qui légitime le montage », dans ces « blancs qui sont à lire et que presque personne encore n’a appris à lire »60. Dans ces blancs où il se tient, présence humaine singulière, présence hors-temps intermittente.
1 Voir à ce sujet François George, « Claude Mauriac et la souffrance du témoin », Critique, mai 1990, tome XLVI, n° 516, p.364-370.
2 Aux Éditions Grasset : Le Temps immobile (1974) [= T. i. 1] ; Les espaces imaginaires (1975) [= T. i. 2] ; Et comme l’espérance est violente (1976) [= T. i. 3] ; La Terrasse de Malagar (1977) [= T. i. 4] ; Aimer de Gaulle (1978) [= T. i. 5] ; Le Rire des pères dans les yeux des enfants (1981) [= T. i. 6] ; Signes, rencontres et rendez-vous (1983) [= T. i. 7] ; Bergère ô tour Eiffel (1985) [= T. i. 8] ; Mauriac et fils (1986) [= T. i. 9] ; L’Oncle Marcel (1988) [= T. i. 10 ; ce volume comporte un index nominum général, établi par Jean Allemand. Précisons que l’édition du Livre de Poche comporte une pagination différente de celle de l’édition Grasset]. Dès 1970 Une amitié contrariée , montage non chronologique de journaux consacrés à Jean Cocteau, était surmonté du titre : Le Temps immobile. Claude Mauriac inclura finalement cinq autres titres dans ce cycle : Conversations avec André Gide (1951 ; 1990) ; Une certaine rage (1977) ; L’Éternité parfois (1978) ; Laurent Terzieff (1980) ; Qui peut le dire ? (1985).
3 Philippe Lejeune, « Comment finissent les journaux », in Genèses du « Je ». Autobiographie et manuscrits, sous la direction de Philippe Lejeune et Catherine Viollet, CNRS Editions, 2000, p. 221.
4 Philippe Lejeune, Libération, 14 mai 1998, p. III.
5 Claude Mauriac écrit, le 31 juillet 1982 (il a encore plus de dix ans de Journal devant lui) : « […] il faudra que je me décide un jour à compter, ne fût-ce qu’approximativement […] j’ai sans doute dépassé les 17000 pages d’Amiel » (T. i. 10, p. 260.). En 1990, il ne s’en accorde plus que quinze mille ! (« Journal, 19 mai 1990 », in Le Journal personnel, publié sous la direction de Philippe Lejeune, collection RITM, Université Paris X, 1993, p. 244). Voir aussi T. i. 6, p. 412. Le dénombrement exact reste à faire ; le Journal au complet occupe plus de trois mètres linéaires.
6 Elle a été suivie à partir de 1991 de la série des quatre volumes du Temps accompli, dont le dernier, Travaillez quand vous avez encore la lumière, a paru à titre posthume en 1996.
7 Dans son article « La production romanesque de Claude Mauriac de 1957 à 1966 : une quête de l’indicible » (in François Mauriac et d’autres, Mélanges en l’honneur de K. Goesch, Macquarie University, 2000, p. 222-234), Roda Kanawati propose une synthèse du premier cycle romanesque regroupé sous le titre Le dialogue intérieur.
8 T.i. 3, p. 551 ; 22 septembre 1975.
9 « Il m’arrive de nouveau […] de travailler au Temps immobile […] Je travaille avec deux machines, recopiant avec l’une, composant avec l’autre un journal 1965 […] » (T. i. 6, p. 399).
10 Cependant, malgré la photocopieuse, Claude Mauriac devra souvent transcrire les entrées manuscrites, plus difficilement lisibles.
11 T. i. 3, p. 558. Voir aussi T. i. 7, p. 384 : « Et c’est le mot perspectives [...] qui dit le mieux ce qu’en vain j’essaye de retrouver, d’exprimer. Suites de salons immenses, de chambres, de bureaux, de bibliothèques, de pièces petites ou grandes de toutes sortes, dont l’agencement compose l’édifice du Temps immobile, où l’on ne cesse de se perdre et de se retrouver [...] »
12 T. i. 1, p. 119.
13 T. i. 6, p. 429.
14 T. i. 1, p. 415-416 ; et T. i. 9, p. 85.
15 Claude Mauriac a souhaité que son Journal entre un jour à la Bibliothèque nationale de France, où se trouvent déjà certains manuscrits du Temps immobile et de ses romans. Voir Genesis, 1993, n°3, p. 177, et infra, note 50.
16 T. i. 1, p. 142.
17 Cahier cartonné,16,5 x 20 cm. En janvier 1928, Claude lance « le plus petit journal du Monde / le seul journal du monde entier dirigé exclusivement par un enfant » : L’Aviateur, « organe du C.A.M. » [Club Aéronautique Mauriac]. La feuille ronéotée mensuelle aura sept numéros, jusqu’en juillet.
18 T. i. 1, p. 406.
19 T. i. 1, p. 198-200.
20 Claude Mauriac écrit, le 24 octobre 1968 : « Mon vrai Journal n’a commencé qu’à la fin de1936 » (T. i. 1, p. 402).
21 Et même des « Débris du R.101 recueillis dans les restes calcinés du beau dirigeable anglais » [6 octobre 1930].
22 Ecrit-il à la date, ultime de la série, du 10 février 1939.
23 17 x 22 cm. Achetés à la papeterie Gaubert, où il se fournira régulièrement jusqu’à la fin de sa vie. Seuls les rectos sont remplis.
24 1449 exactement.
25 18 x 24 cm.
26 13,5 x 21 cm. Journal, 10 février 1939 : « Ici finit – provisoirement ?- la série des Cahiers noirs (2) / une nouvelle série (3) commence pour mon Journal à la date du samedi 11 février 1939 : celle des feuilles volantes ».
27 Et foliotées, pour un total de 592 pages.
28 8 x 13,5 cm (« 1 »), puis 8,5 x 13,5 cm.
29 Le n° 4 est classé dans le même dossier que le n° 1. Il s’agit de feuilles volantes, regroupées dans une chemise cartonnée de même type que celles utilisées pour le Journal « 3è série ». La chemise qui contient les n° 1 et n° 4 contient également un « Supplément au Journal / Novembre-Décembre 1940 / Lettres à Malagar ». Le n° 2 est un calepin (8.5 x 14,5 cm) , le n° 3 un cahier à spirales (12,5 x 20,5 cm).
30 11 x 17 cm pour les trois premiers ; 10,5 x 17 cm pour les suivants. Le n°1 (28 juillet-6 novembre 1941) est intitulé : « LE/CAHIER DE/LA/DÉLIVRANCE » ; le n°2 (10 novembre 1941-2 juin 1942) « LE CAHIER / de la / TRANSITION » ; le n° 3 (3 juin-13 octobre 1942) contient à la fin quelques pages arrachées d’un carnet disparu de même format, et intitulées « n° 3 bis » (19 octobre-19 novembre 1942). Dans cet ensemble seul le carnet n° 4 (8 décembre 1942-19 mars 1943) est paginé (1-87). Une trentaine de pages ont été arrachées au début du neuvième et dernier carnet de cette série, qui, en l’état actuel, couvre la période du 7 au 25 août 1944.
31 Ces carnets ont été assez régulièrement caviardés, par découpages partiels, et par surcharge : parfois des notes ultérieures viennent rétablir les noms masqués, ou dont seule l’initiale avait été donnée. Claude Mauriac a plus tard regretté ces suppressions, et d’autres : voir le T.i. 4, p. 178.
32 « G 1 » (26 août-13 septembre 1944) : carnet 8,5 x 13,5 ; « G 2 » (7 septembre 1944-24 janvier 1945), « G 4 » (9 février-12 mai 1946), « G 5 » (20 mai-27 août 1946), « G 6 » (14 septembre 1946-9 mars 1947) : carnets, 13 x 21 cm. « G 2 » avait d’abord été intitulé « Journal / 6è Hors série », et « G 4 », « G 5 », « G 6 » « Journal / 6è Série », respectivement « N°1 », « N°2 » et « N°3 ». Le « G 3 » est atypique : Claude Mauriac a regroupé sous ce titre dans une chemise cartonnée (23 x 32 cm) des documents disparates de la période (presse, correspondance, photos etc), et un journal en fragments : un fascicule de vingt feuillets manuscrits r°-v° (21 x 27 cm) couvrant la période du 27 janvier au 15 mai 1945 ; 54 feuilles volantes (21 x 27 cm) dactylographiées (sauf f°44 et f°45), avec corrections manuscrites, couvrant la période du 25 juin au 21 septembre 1945 (les 4 derniers feuillets, tapés sur une autre machine, sont en date du 6 novembre 1945) ; douze feuillets manuscrits r°-v° arrachés à un carnet (9 x 14,5 cm), couvrant la période du 28 octobre 1945 au 21 janvier 1946, et intitulées « Points de repère pour un journal rétrospectif ». Le « G 7 » est un ensemble de 129 feuilles volantes dactylographiées (13,5 x 21 cm).
33 Il avait même songé à les inclure dans le Temps immobile 9, des épreuves duquel elles furent finalement écartées.
34 A l’exception de la période juillet-novembre 1951. Voir infra.
35 Voir la note suivante.
36 24 avril-5 juillet 1951 : 55 feuillets dactylographiés (17 x 22,5cm), insérés dans un classeur. Fragment de Journal, arraché d’un cahier d’écolier à spirales, daté du 21 mars 1950, inséré entre les feuillets 54 et 55 ; également insérés dans le classeur, deux feuillets dactylographiés intitulés « JOURNAL PUBLIC » (1er et 2 juin 1948).
37 Papier filigrané « GAUBERT PARIS – JAPON », 15 x 21 cm.
38 Voir le catalogue de l’exposition Un journal à soi, établi par Philippe Lejeune avec la collaboration de Catherine Bogaert, Association pour l’Autobiographie et Amis des Bibliothèques de Lyon, 1997, p. 35.
39 Dossiers 15 x 21 cm, confectionnés par Claude Mauriac à partir de cartons d’invitation à des vernissages d’expositions : il les coupe en deux, et fabrique, très soigneusement, une reliure avec du papier collant.
40 Pour ne pas alourdir cette présentation, je n’en dresse pas ici l’inventaire complet.
41 Il faut aussi mentionner les très nombreux agendas « Hermès » (quatre annuels), source de renseignements innombrables sur l’emploi du temps de Claude Mauriac.
42 Avec ce constat clinique, à la suite de l’entrée du 25 avril 1936 (« vingt-deux ans ») : « 25 avril 86 : soixante-douze ans ».
43 Je donne le texte du Journal, qui est légèrement différent dans T. i. 1, p. 192-193.
44 À quelques pages de distance dans les mêmes volumes, Claude Mauriac utilise d’autres annotations au carnet de 1943. Voir T. i. 1, p. 192-193, et T. i. 8, p. 279-280.
45 T. i. 1, p. 193, et p. 104.
46 La correction de « LES TEMPS MELÉS » en « LE TEMPS IMMOBILE » peut être précisément datée; voir T. i. 1, p. 104, 17 juillet 1963 : « Titre (provisoire) : les Temps mêlés » (cf. ibid., p. 98), et p. 105, 18 juillet 1963 : « Difficultés imprévues dans mon travail. Titre possible : le Temps immobile ». À la fin du premier dossier de l’année 1965, une petite coupure de l’Argus de la Presse, en date du 11 octobre 1966 : « Claude Mauriac retient les titres suivants : LE TEMPS IMMOBILE / ICI, MAINTENANT ».
47 Journal inédit.
48 Il va de soi que dans bien des cas une telle insertion serait de toute façon absurde, le journal de l’œuvre n’ayant ici de sens qu’en son sein.
49 Dossier n° 22, p. 57 ; intégrée au T.i. 6, p. 401-402.
50 Pp. 398, 399-400, 402, 406-407, 407, 411, 416-417, 422 ; ms., pp. 377, 378, 380, 385, 388, 394, 397.
51 Car il en a continué la mise à jour après la disparition de Claude Mauriac.
52 Les manuscrits des Temps immobile 2, 3, 6, 7, 8 et 9 ont été donnés par Claude Mauriac à la Bibliothèque nationale de France en 1992. Il s’est moins agi de sa part d’un choix de ces volumes précis, que du hasard de manuscrits retrouvés dans la masse de ses papiers.
53 La p. 373 porte en bas à droite la pagination « 1 ». Le passage se trouve finalement au début du chapitre IV.
54 Ms., p. 10 sq. La p. 10 porte en bas à droite la pagination « 1 », surchargée en « I 1 J »; T. i. 1, p. 18.
55 Ibid ., p. 25.
56 Voir le manuscrit du Temps immobile 1, p. 155 ; Quelvezin, jeudi 12 juillet 1973 : « c’est sur elle [cette partie du Temps immobile] que s’achève ce premier volume forme un autre volume que je n’ai pas encore publié ». Cf. T. i. 1, p. 164.
57 T. i. 6, p. 396.
58 T. i. 1, p. 51.
59 Voir T. i. 1, p. 116 : « Souvent, ces temps-ci, et de façon particulièrement intense, fatigante, cette nuit-ci, je ne fais qu’un même long rêve, consacré à la même longue obsession, au même piétinement : non pas tant aux traces enregistrées dans mon Journal des années disparues qu’à ces années mêmes, mes années, tant d’années, que j’essaye désespérément d’assumer, de rassembler, de situer, de distribuer, de commenter dans un manuscrit qui est celui auquel je travaille à l’état de veille mais qui n’existe que de façon idéale, virtuelle, puisque je rêve » (4 juillet 1973). Ibid., p. 118 : « Dernière nuit ici. Je n’ai cessé de découper et de coller des bouts de rêves, en rêve […] » (29 juillet 1973). Ibid., p. 119 : « Nouvelle nuit d’absurde, méticuleux, exténuant, insensé travail sur des pages rêvées, vainement insérées dans un manuscrit imaginaire » (18 août 1973).
60 T. i. 6, p. 425.