Sommaire
- Au commencement : le « je » critique
- 1907 : la référence autobiographique
- Les pastiches : hors du
- Le jeu des réécritures programmées
- « Allons plus loin que Gérard »
- Programmes balzaciens et baudelairiens
- Contre les groupes littéraires, une vision paradisiaque
- Émergencedu « je » écrivant
- Notes de bas de page
L’un des traits caractéristiques du Contre Sainte-Beuve est, on le sait, l’émergence d’un Narrateur qui assume, à la première personne, le récit et les différentes parties de l’essai critique. Cette décision rompt avec le système énonciatif et narratif de Jean Santeuil. Si la réflexion critique est fréquente dans Jean Santeuil, le « je » du Contre Sainte-Beuve installe dès l’origine un lieu où s’articuleront autofiction et métafiction ; il délimite de fait un territoire romanesque qui sera, au terme d’une élaboration structurelle complexe, celui de la Recherche. Pour interroger la genèse et l’articulation de cette double instance énonciative, je partirai de deux hypothèses qui seront d’abord examinées indépendamment l’une de l’autre.
- Le Contre Sainte-Beuve est au moins autant un aboutissement qu’une origine : la rupture avec ce qui précède est beaucoup moins nette qu’on a pu le penser au moment de la découverte des cahiers de brouillon. L’interprétation des premiers feuillets du Cahier 3 comme lieu d’un spectaculaire « coup de texte », proposée par Claudine Quémar1, créait le lieu d’un clinamen irréversible, isolait le Contre Sainte-Beuve de ce qui avait précédé, déterminait fortement un avant et un après marqués respectivement du sceau de l’échec, au moins relatif, et de celui de la réussite. On peut au contraire choisir de le resituer dans une série de tentatives menées par un Proust conscient de ses objectifs, les précisant et les faisant évoluer à mesure qu’il varie les moyens de les atteindre. La mise en place des conditions de l’écriture fictionnelle, telle que l’écrivain la conçoit alors, s’achève avec le Contre Sainte-Beuve mais elle avait commencé dès 1905, dans la préface de Sésame et les Lys et s’était précisée grâce aux articles publiés en 1907.
- Le Contre Sainte-Beuve n’est pas séparable des Pastiches, dans la mesure où l’activité du pasticheur articule également, mais sur un autre mode, la fiction et la théorie littéraire. Proust justifie rétrospectivement les pastiches en mettant en avant leur valeur préliminaire et cathartique, mais il peut s’agir d’un écran destiné à dissimuler des relations triangulaires plus complexes entre trois types d’écriture : imitative, critique et fictionnelle. Les pastiches en série sont une nouveauté dans l’oeuvre publiée de Proust. Ils paraissent au moment où le Contre Sainte-Beuve s’écrit. À la fois extérieurs et proches du Sainte-Beuve, en quoi peuvent-ils l’éclairer?
Au commencement : le « je » critique
À examiner d’abord la genèse de la voix narrative, on constate qu’elle s’est éprouvée dans les articles critiques. Ils ont toujours été le lieu où se déploie un « je » auctorial, extrêmement souple et varié chez Proust. Dès l’origine, il comprend plusieurs facettes : le « je » de qui est investi d’autorité, esthétique ou morale, ou les deux à la fois, manié par un jeune auteur à peine moins pontifiant, parfois, que Sainte-Beuve ou Jules Lemaître2. Puis, dans la mesure où le discours critique reflète et consolide à la fois une position sociale, et éventuellement mondaine, un « je » de conférencier qui montre, qui guide un public, attire son attention, le met en garde, parfois se fond en lui et parfois s’en distingue3. La dimension dialogique est presque partout présente. De là on passe au « je » du témoin qui assiste au concert de Saint-Saëns, a rencontré Daudet, est reçu chez la princesse Mathilde et n’est pas mécontent de le faire savoir. On frôle ici le détail autobiographique mais il s’agit toujours de garantir la parole de l’auteur comme personnage social. On peut remarquer que le méta-langage, très développé, qui souligne la cohérence du discours, se réfère à une activité de parole plus que d’écriture . Quand l’auteur se représente en train d’écrire, c’est de l’extérieur : « J’ai devant moi en écrivant une photographie de M. de Montesquiou [...]4 ». Quand il rappelle que sa parole passe en fait par l’écriture, c’est pour en tirer un effet comique fondé sur le télescopage des deux temps : « Mais au moment où j’allais esquisser un portrait du célèbre humoriste et explorateur [Grosclaude], Reynaldo Hahn fait entendre les premières notes du Cimetière et force m’est de remettre à un de mes prochains « salons » la silhouette de l’auteur des Gaietés de la Semaine [...]5 »
Les préfaces aux oeuvres de Ruskin inaugurent une nouvelle période au cours de laquelle se met au point un « je » pseudo-autobiographique, qui sera celui du Contre Sainte-Beuve. Si dans la préface à La Bible d’Amiens, le traducteur évoque, comme précédemment, des expériences biographiques subordonnées à sa fonction critique : ses visites de la cathédrale sur les pas de Ruskin, la préface de Sésame et les lys innove : elle est, on le sait, divisée en deux parties, un récit de souvenirs d’enfance et une réflexion critique sur la lecture. Le lecteur se trouve donc d’abord entraîné dans un texte apparemment autobiographique pour découvrir ensuite qu’il s’agissait d’une démonstration destinée à lui faire, dit Proust, « recréer dans son esprit l’acte psychologique original appelé Lecture, avec assez de force pour pouvoir suivre maintenant comme au-dedans de lui-même les quelques réflexions qu’il me reste à présenter6 ».
Le « je » autobiographique apparaît donc à double titre comme l’émanation du « je » critique. D’une part il en est une facette supplémentaire, justifiée par les besoins de la démonstration comme ses précédentes apparitions par la nécessité de définir socialement l’auteur. D’autre part il fonde sa crédibilité sur la consistance supposée du « je » critique : si j’ai écrit ce que vous lisez, ce qui est une évidence, j’ai aussi vécu ce que vous lisez. Bien sûr les deux « je » n’ont pas la même extension, il se produit un glissement de l’un à l’autre mais, dans « l’acte psychologique appelé lecture », il n’est pas sensible et l’ambiguïté joue à plein. Elle joue du moins à première lecture car la seconde partie du texte nous incite à réexaminer la première pour en faire un exemple à l’appui d’une théorie. C’est la méthode que Proust emploie pour obtenir de son lecteur un regard rétrospectif sur la narration, en faisant réagir le récit et l’essai critique au contact l’un de l’autre. Le Contre Sainte-Beuve reprendra le même dispositif, vraisemblablement au service de la même ambition.
Cependant, si le « je » autobiographique est une illusion, c’est une illusion vivace. L’auteur encourage la lecture naïve de cette première partie de sa préface en y jetant le lecteur sans allusion à Ruskin et sans annonce préalable de ses objectifs théoriques. Il insiste ensuite à la fois sur l’inclusion du récit d’enfance dans la réflexion critique et sur l’autonomie subversive de ce récit de « sortilège », où l’on s’attarde dans « ces chemins fleuris et détournés » : « voulant parler d’elles [les charmantes lectures de l’enfance], j’ai parlé de toute autre chose que des livres [...]7 ». Bref il s’agit plus, semble-t-il, d’établir, par oscillation, une équivalence toujours remise en cause entre les deux « je » que de subordonner irrévocablement l’un à l’autre. Ainsi se trouverait close sans avoir été posée la question de l’autobiographie, grâce à la mise en place d’un dispositif narratif qui légitime toutes les réponses. Critique ? autobiographe ? Proust se protège comme la chauve-souris de La Fontaine8, qu’il cite. Le « je » critique soutient et limite à la fois l’émergence du « je » narratif, créant les conditions de l’autofiction proustienne.
1907 : la référence autobiographique
La constitution du « je » pseudo-autobiographique se précise et se poursuit par un autre chemin au moins, celui de la référence autobiographique revendiquée. On pense aussitôt à « Sentiments filiaux d’un parricide », où se trouvent des références sans équivoque à la mère de l’auteur (« Madame Proust »), le texte d’une lettre adressée à Marcel Proust et l’histoire vraie de l’expéditeur de cette lettre, Henri Van Blarenberghe, assassin de sa mère au cours d’une crise de folie au début de 1907. Là aussi Proust fait oeuvre de critique en analysant le texte de la lettre et celui de l’article de presse relatant le meurtre, qu’il place dans la perspective de grandes oeuvres littéraires, mais le poids du « je » autobiographique est écrasant. L’auteur se présente pour la première fois ouvertement comme le fils écrivant (et peut-être écrivain) de ses parents morts, et utilise un système d’identification triangulaire : ses parents, lui-même et un personnage réel qui donne un sens à ce rapprochement, ici Henri Van Blarenberghe, l’autre assassin. Fils de madame Proust, fils écrivant, peut-être fils homosexuel9, le personnage de l’auteur se précise.
Un triangle du même type apparaît dans « Journées de lecture », le deuxième article de 1907, censé traiter des Mémoires de Mme de Boigne et qui les prend surtout comme prétexte10. Ici le personnage qui garantit l’ancrage autobiographique se dédouble : il s’agit de la duchesse de Maillé, née d’Osmond, nièce de Mme de Boigne (Proust l’a vue quand, tout jeune, il allait au bal) et de M. d’Osmond, son neveu, avec qui les parents de Proust ont souvent dîné. Ainsi se trouve tissée une « trame de frivolités » qui permet à l’auteur de relier « le présent au passé lointain et la vie à l’histoire ». Le thème des deux filiations parallèles précise l’identité concrète du critique d’une part et dessine de l’autre un rôle possible, celui d’un homme qui, comme Mme de Boigne, rendra compte à son gré du monde où il vit et en pèsera les élégances pour la postérité. La mort des parents n’est pas commentée (elle l’est dans « Sentiments filiaux d’un parricide ») mais elle est dite quand Proust mentionne leurs papiers parmi lesquels il a trouvé lettres et photographie de M. d’Osmond. Dans le passage sur les demoiselles du téléphone, la douleur d’entendre une voix désincarnée (« il m’a semblé que cette voix clamait des profondeurs d’où l’on ne remonte pas11 ») même si ce n’est pas celle de la mère12, amplifie les résonances du thème.
Le dernier article de 190713, le dernier aussi sans doute avant la grande entreprise romanesque, est rétrospectivement présenté par l’auteur comme une cellule séminale. Il s’agit de « Journées en automobile », publié dans Le Figaro en novembre 1907 et repris en tête des Mélanges en juin 1919. Proust a partiellement utilisé cet article pour en faire le premier texte noté par le narrateur enfant devant les clochers de Martinville. Il mentionne ce fait en note dans les Mélanges et ajoute : « Et dans le IVème volume (non encore paru) de À la recherche du temps perdu, la publication dans Le Figaro de cette page remaniée est le sujet de presque tout un chapitre ». Pourquoi alors le republier dans les Mélanges? Il se trouve que les éléments qui nous intéressent ici ne figurent pas dans la partie du texte attribuée au jeune héros de la Recherche, la publication de 1919 laisse donc penser que Proust y attachait du prix.
On retrouve dans cet article le mode d’identification autobiographique relevé précédemment : un narrateur, ses parents et un personnage réel, ici Agostinelli, présenté comme le chauffeur du narrateur, qui rejoint de ce fait l’auteur. Mais, si l’on admet que les deux articles précédents constituent un modèle, celui-ci s’en écarte sur plusieurs points : ce n’est pas un article critique mais un récit, le dispositif d’identification ne fonctionne qu’en apparence car les parents de Proust n’ont pas pu rencontrer Agostinelli14 et ces parents de fiction habitent « à mi-chemin à peu près entre Lisieux et Louviers ». Il s’agit donc, à la différence des deux autres, d’un décor autobiographique en trompe-l’oeil. Ce qui subsiste de commun, outre la référence à un personnage réel, ce sont les allusions métaphoriques mais très lisibles, à la vieillesse, sinon à la mort des parents15 et la référence voilée à l’homosexualité, commune à cet article et à « Sentiments filiaux ».
Dernier point commun à relever : on trouve dans chacun de ces articles des allusions à l’activité d’écriture, considérée souvent dans sa forme la plus matérielle et la plus physique. Qu’on pense à « Sentiments filiaux d’un parricide », où Proust commente la finesse et la netteté des caractères tracés par Henri Van Blarenberghe, en rappelant que lui-même vient de faire une copie de ces lettres. Dans « Journées de lecture », il met en parallèle les différentes formes d’écriture pratiquées par les femmes du monde, opposant les quelques mots tracés sur un carton au vrai livre que certaines d’entre elles écriront. Quand cette partie de son article est coupée par la rédaction du Figaro, il introduit une plaisanterie réflexive portant sur sa propre activité, supposant qu’il écrit non seulement pour mais sur Le Figaro : « Hélas, me voici arrivé à la troisième colonne de ce journal et je n’ai même pas encore commencé mon article [...] »16. « Journées en automobile », qui paraît aussi éloigné que possible du sujet, compare le narrateur-automobiliste au cavalier qui galope à marée basse au bord de la mer « faisant du paysage de mer que nous avons sous les yeux une « marine » qu’il date et qu’il signe ». Le « je » auctorial s’est fait traceur de mots de manière assez allusive, dans le métalangage sans doute, mais aussi par le biais du commentaire ou d’une métaphore complexe. Cette référence à l’écriture, plutôt vue par son côté solitaire, humble et précis, est-elle l’annonce, à demi-dissimulée, d’un début romanesque ou l’ajout d’un trait nouveau au futur « je » du Contre Sainte-Beuve (l’auteur lui assignera, on le sait, un territoire délimité par la rédaction de deux articles dans Le Figaro). On ne peut guère se prononcer.
Quand il aborde le Contre Sainte-Beuve (et peut-être déjà les soixante-quinze feuillets qui l’ont précédé), Proust dispose donc d’une instance énonciative constituée par l’expression autorisée de jugements critiques et par une série de traits pseudo-autobiographiques progressivement mis en place. Pseudo-, non qu’ils soient tous inexacts mais Proust ne conclut pas le moindre pacte autobiographique explicite. Il a aussi mis au point, en un seul exemplaire, une structure juxtaposant autobiographie et critique et imposant, par le biais de la seconde partie, une relecture de la première comme élément d’une théorie.
D’ailleurs la structuration du récit autofictionnel selon un paradigme (celui des chambres dans le Contre Sainte-Beuve puis dans l’ouverture de la Recherche) s’est également éprouvée dans les articles critiques. D’une préface ruskinienne à l’autre, l’évolution est nette. Pour La Bible d’Amiens, les fragments autobiographiques constituent une liste d’exemples, mêlés aux analyses de Ruskin. Mais la préface de Sésame et les lys, dans sa partie autobiographique, est structurée en fonction des lieux qui abritent les lectures de l’enfant. Lieux indissolublement liés aux moments de la journée comme les chambres le seront, dans Contre Sainte-Beuve, aux différentes époques de la vie du Narrateur. Les activités et les personnages s’ordonnent déjà à l’intérieur de ce paradigme. Il est difficile de savoir si, rapportée à la partie critique, cette organisation est un moyen (c’est ce qui est affirmé) ou une fin, le statut, assez lâche, de chaîne d’exemples, permettant au récit une autre cohérence que celle du déroulement chronologique. Quoi qu’il en soit, les paradigmes narratifs du Contre Sainte-Beuve (expériences de souvenirs involontaires dans la préface, et surtout tournoiement des chambres dans le Sainte-Beuve récit) s’appuieront, de la même façon, sur la critique de l’intelligence et sur l’étude du fonctionnement de la mémoire. Cette structure a donc une origine comparable à celle du « je » narratif.
Les pastiches : hors du Sainte-Beuve mais tout près
Dans cet environnement critique, si important pour un auteur qui s’attache à articuler fiction et théorie, figurent les pastiches. La relation de simultanéité qu’ils entretiennent avec le Contre Sainte-Beuve n’est sans doute pas fortuite, les conditions de la publication le prouvent. Alors qu’il cherche un éditeur pour les réunir en volume, en avril 1908, Proust écrit à Me de Caillavet : « L’infâme Calmann ne m’a toujours pas répondu ! Depuis onze jours ! Et c’était si urgent ! S’il refuse maintenant je n’aurai plus le temps de m’adresser à un autre. Enfin17 ! ». Il s’exprime exactement comme si l’intérêt des pastiches était lié à l’actualité de l’affaire Lemoine (Lemoine a été mis en liberté provisoire le 2 avril et s’enfuira en juin). Il devra pourtant attendre : l’édition en volume des pastiches ne paraîtra que onze ans plus tard en 1919, hors de toute référence à l’actualité judiciaire mais au moment où la publication de À la recherche du temps perdu est relancée : le volume paraît en juin en même temps que À l’ombre des jeunes filles en fleurs et qu’une réédition de Du côté de chez Swann. Proust fait rechercher le manuscrit des pastiches en juillet 1918, dès qu’il a donné le bon à tirer des Jeunes Filles à Gallimard18. Il avait déjà fait des tentatives auprès de Fasquelle, fin 1912 et début 1913, tandis qu’il cherchait un éditeur pour Du côté de chez Swann19. Il importe donc, semble-t-il, que le roman, Contre Sainte-Beuve ou Recherche, puisse être lu avec les pastiches (et avec un certain nombre d’articles critiques réunis plus tard dans les Mélanges). L’actualité qui donne du prix aux pastiches en 1919, comme sans doute en 1912 et en 1908, est en fait la publication du roman.
En 1919, Proust, romancier reconnu, insiste sur la valeur purificatrice des pastiches : « le tout était surtout pour moi affaire d’hygiène ; il faut se purger du vice si naturel d’idolâtrie et d’imitation », écrit-il à Ramon Fernandez20. L’écriture de pastiches serait donc un exercice salutaire si et seulement si elle est coupée de l’écriture romanesque. Mais en 1908 et 1909, il mettait surtout en avant leur fonction de « critique littéraire en action21 ». L’expression « en action » implique d’une part que ce type de critique est quasiment montrée en train de s’accomplir (l’auteur prend des risques, il s’en remet à la réaction immédiate du lecteur pour valider la pertinence de ses analyses) et d’autre part qu’il s’établit une relation circulaire entre la lecture critique et l’écriture imitative, toutes deux véhiculant le même contenu, l’une conduisant à l’autre. Outre l’intérêt pédagogique que Proust souligne, il s’approprie, par sa virtuosité de pasticheur, un espace où la critique littéraire débouche sur l’écriture de fiction, espace disponible alors pour des tentatives ultérieures.
Après le succès des pastiches parus dans Le Figaro, leur auteur, désireux de ne pas s’enfermer dans un genre qu’il qualifiait d’« assez secondaire22 », écrivait vigoureusement à R. Dreyfus « Merde pour les pastiches ! » et complétait par une « Explication par H. Taine des raisons pour lesquelles tu me rases à me parler des pastiches » qui se termine ainsi : « Vous voulez bien d’une ou deux caricatures dans un vestibule avant d’entrer dans la bibliothèque. Mais il est ennuyeux de rester indéfiniment dans le vestibule »23. Si les pastiches sont le vestibule, quelle est la bibliothèque ? Quand il publie Pastiches et Mélanges, Proust fait état d’un projet qui aurait groupé pastiches et articles critiques sur les mêmes auteurs, sans préciser à quel moment il l’aurait envisagé24. Mais à l’origine, la bibliothèque est probablement le Contre Sainte-Beuve puisque les articles critiques notés dans les premiers cahiers de brouillon relèvent de la conversation avec Maman. Ils doivent montrer la partie narrative sous un jour nouveau : « et quand on aura fini le livre, on verra (je le voudrais) que tout le roman n’est que la mise en œuvre des principes d’art émis dans cette dernière partie, sorte de préface si vous voulez mise à la fin25 ». On retrouve le dispositif de la double lecture inauguré dans la préface de Sésame et les Lys mais la mise en œuvre des « principes d’art » est ici plus complexe.
Le jeu des réécritures programmées
La relation entre théorie et fiction a été mise en évidence sur plusieurs points : B. Brun a montré que la critique de l’intelligence est inscrite dans le récit par le tournoiement des sensations et des souvenirs au début de la matinée Sainte-Beuve26. S’agissant des études sur les écrivains cependant, la relation ne semble pas univoque. Il paraît clair que Proust choisit ses maîtres parmi les écrivains méconnus par Sainte-Beuve. Il leur emprunte des thèmes et des structures, le Carnet 1 en porte témoignage. Mais cette influence s’accompagne, semble-t-il d’une entreprise d’écriture imitative, assumée. C’est là que les pastiches interviennent comme tableaux dans le vestibule de l’œuvre. Au seuil du Sainte-Beuve, ils pourraient être un avis au lecteur : attention, imitation. Mais imitation théorisée, si consubstantielle de l’originalité de l’auteur, si éloignée de tout démarquage servile qu’il faut un signe extérieur pour permettre au lecteur de la déceler. Ce signe, les pastiches le fournissent : n’oubliez pas que le romancier est aussi pasticheur et également théoricien. L’une des lectures rétrospectives programmées pour la partie narrative se ferait dans cette optique.
Il s’agit là d’imitation cryptée27 comme la Recherche en fournit de multiples exemples, à ceci près que le mode d’accès au décryptage varie. Dans le grand roman, les indications qui permettent d’identifier l’auteur sont incluses dans le texte : très brèves citations ou métaphores introduisant un personnage, une situation provenant de l’hypotexte28. Il est vrai qu’on trouve aussi des mentions de l’auteur concerné à peu de distance de la réécriture intertextuelle. Le Contre Sainte-Beuve fournit les clés dans les articles critiques de la seconde partie ce qui donne un dispositif à la fois moins allusif et quelque peu ludique, du type « solution des énigmes ». Il soulève pour tout lecteur, même naïf, des interrogations sur l’intertextualité : elles naissent de l’écart entre les deux lectures possibles, celle où on ignore l’intertexte et celle où on le perçoit.
Il n’est pas question d’analyser ici l’influence des auteurs du Sainte-Beuve sur Proust, mais simplement de donner quelques exemples des correspondances établies entre les articles critiques et la partie narrative. Si ces correspondances sont assez précises, elles vérifieront l’hypothèse que Proust, en dévoilant le fonctionnement de l’écriture imitative telle qu’il la pratique, entreprend une démarche concertée, qui a place dans sa démonstration. Prenons le cas de Nerval29 : à la consigne tonique du Carnet 1 : « Allons plus loin que Gérard […] » (f° 14 r°) répond, dans l’article critique des Cahiers 5 et 6, un mélancolique irréel du passé : « Et nous voudrions tant avoir écrit ces pages de Sylvie30 ». Mais ce sont d’autres pages que l’article programme. Proust y écrit de Sylvie : « Cette histoire que vous appelez une peinture naïve c’est le rêve d’un rêve […]31 ». Combray sera ainsi le souvenir d’un souvenir puisque le récit est fondé sur « une double analepse32 ». Quant à la naïveté de la peinture et à sa « grâce mesurée », c’est sur ce point surtout que Proust s’oppose à Jules Lemaître et à Barrès. Les noms de Sylvie, écrit-il, sont faits « non avec des souvenirs de temps réel, mais avec ce plaisir de fraîcheur, mais à base d’inquiétude, que ressentait « ce fol délicieux » et qui faisait pour lui de ces matinées dans ces bois ou plutôt de leur souvenir « à demi rêvé » un enchantement plein de trouble33 ».
« Allons plus loin que Gérard »
Aux matinées dans les bois répondent dans les Cahiers Sainte-Beuve les promenades champêtres de Combray. La première version, assez courte, que Proust en donne dans le Cahier 4 est étroitement bornée par le drame du coucher d’une part et par l’absence du baiser maternel les soirs de promenade vers Guermantes (Villebon à ce stade) d’autre part. L’angoisse guette l’enfant sur le chemin du retour tandis que le Narrateur adulte constate que la tristesse revient dans sa vie « à une certaine heure avec la régularité de la fièvre34 » ; c’est exactement le phénomène qu’il analyse dans son article sur Nerval : le souvenir d’une femme qu’il aimait en même temps qu’une autre « tous les soirs le reprend à une certaine heure35 ». On trouve dans le Carnet 1 une note encore plus claire : « Sylvie. Les deux états (plaisir jour, tristesse de perdre Maman soir […]) » (f° 13 r°). Quant au plaisir ressenti au cours de ces promenades, il a en lui-même quelque chose d’inquiétant : « La vue des pommiers36 des bleuets, des coquelicots, des trèfles violets me remplissait d’une telle joie si exaltée, me faisait pousser de tels cris que le Dr Piperaud que nous rencontrâmes un jour dit : Il a besoin de douches ce petit, ou bien il donnera plus tard de l’agrément à sa famille37 ! ». Là encore, l’article critique avertit de la réécriture en mentionnant « ce quelque chose qui faisait sauter, danser et chanter Gérard mais pas d’une joie saine38 ». La « grâce mesurée » n’existe pas plus à Combray que dans le Valois de Sylvie.
Si l’on compare attentivement l’analyse critique et les premiers développements narratifs, on distingue une autre réécriture programmée : le voyage en train des Cahiers 2 et 339 est repris de Sylvie. L’article critique montre les points de contact entre le texte de Nerval et celui de Proust. Et d’abord « l’atmosphère bleuâtre et pourprée de Sylvie40». C’est la vue d’un ciel rose ou rouge que le Narrateur associe au souvenir de ce voyage et, dans toutes les versions une métaphore travaillée assimile la lumière de l’aube à une « nacre bleuâtre ». La « jeune paysanne » rousse qui apporte du café au lait, « les joues plus roses encore du reflet du soleil levant » (Cahier 2, f° 8 r°) a tout d’une fille du feu ; on retrouve en elle « les traits rosés de Sylvie41 ». En revanche le caractère euphorique du sommeil dans le wagon en mouvement n’est nullement emprunté au voyage nervalien. Ce que Proust retient de Gérard et qui fonde sa réécriture, c’est l’arrivée, au terme d’une nuit de presque insomnie, en un lieu « pour ainsi dire détaché de la réalité ». « Telles sont ces matinées bénies, creusées par une insomnie, l’ébranlement nerveux d’un voyage, l’ivresse physique, une circonstance exceptionnelle, dans la dure pierre de nos journées, et gardant miraculeusement les couleurs délicieuses, exaltées, le charme du rêve qui les isole dans notre souvenir42 ». Ici s’affichent les principes qui guident la réécriture.
Les troubles de la demi-somnolence, « cet état où l’esprit résiste encore aux bizarres combinaisons du songe43 » apparaissent dans le Contre Sainte-Beuve critique comme le domaine propre de Nerval. Au passage, sous forme de comparaison, Proust évoque le cas d’un artiste qui « noterait en s’endormant les étapes de conscience qui conduisent de la veille au sommeil, jusqu’au moment où le sommeil rend le dédoublement impossible44 ». Cette indication renvoie probablement au morceau rédigé à l’envers du Cahier 145, (si ce n’est que les « étapes de conscience » y prennent la forme d’endormissements et de brefs réveils) et le place sous l’invocation de Nerval. Mais alors que Gérard revoit en s’endormant « les tableaux les plus saillants d’une longue période d’existence46 », Proust choisit « ces sensations qui ont à jamais disparu avec la dixième année47 », le retour à l’irrationnel et à l’inavouable de l’enfance.
Preuve supplémentaire, dans l’article critique reparaît le « je » pseudo-autobiographique, celui de la préface au Sainte-Beuve et des articles antérieurs, qui vient illustrer une analyse théorique. Parmi les matinées nervaliennes, définies comme réelles mais exaltantes et qui ont la couleur du rêve, Proust classe celles qu’on passe « dans les demeures où l’air vif de la nature vous exalte encore, dans les demeures paysannes ou dans les châteaux » et il enchaîne : « Que de châtelains positifs j’ai dû ainsi étonner par l’émotion de ma reconnaissance ou de mon admiration rien qu’en montant un escalier couvert d’un tapis aux diverses couleurs, ou en voyant, pendant le déjeuner le pâle soleil de mars faire briller les transparentes couleurs vertes dont sont patinés les troncs du parc48 et venir chauffer son pâle rayon sur le tapis près du grand feu, pendant que le cocher venait prendre les ordres pour la promenade que nous allions faire49 ». Or la même évocation, ou presque, se trouve dans le Cahier 350. Ses éléments : le feu, le soleil sur le tapis, la lumière d’hiver, le cocher caractérisent les chambres que l’on désire les jours de brume. Pourquoi cet écho ? Ici il ne s’agit plus d’une réécriture mais d’un renvoi direct à l’article critique. Bien sûr il peut s’agir d’une inadvertance qui aurait disparu si le Contre Sainte-Beuve avait été conduit à terme. L’interprétation pour laquelle j’opterai n’est pas moins vraisemblable, si l’on considère l’art proustien des rappels et des reprises avec variantes : l’auteur ménage un passage entre Sainte-Beuve critique et Sainte-Beuve narratif et appelle par là l’attention du lecteur sur l’intertexte nervalien.
Programmes balzaciens et baudelairiens
On n’abordera pas ici l’exemple de Flaubert et à peine celui de Balzac. Dans le cas de Flaubert, on ne dispose pas de l’article critique écrit probablement pour le Contre Sainte-Beuve mais seulement d’un fragment portant la mention « À ajouter à Flaubert », dans le Cahier 2951. En ce qui concerne Balzac, l’article critique n’est pas une réhabilitation, comme dans le cas de Nerval. Il exprime les jugements ambivalents de Proust, admirateur, contempteur et rival de Balzac. Or on constate que les développements narratifs, sur les deux thèmes qui relèvent de l’influence balzacienne, sont traités sur le mode du contrepoint. C’est très évident pour l’étude de l’aristocratie. Proust stigmatise l’admiration naïve de Balzac pour ses propres personnages, censés représenter le comble de l’esprit et de la distinction. Or, dans les cahiers Sainte-Beuve, le comte de Guermantes se distingue d’abord par la vulgarité de son langage et la banalité de sa conversation. Dans le traitement de l’homosexualité, on note la même démarche, mais l’écart est plus subtil. Proust salue la nouveauté et l’originalité de Balzac ; son propre traitement du thème (et dans ce domaine, ses réécritures de Balzac seront multiples), est tout entier contenu dans l’éloge adressé à son prédécesseur : « […] chaque mot, chaque geste a ainsi des dessous dont Balzac n’avertit pas le lecteur et qui sont d’une profondeur admirable. Ils relèvent d’une psychologie si spéciale, et qui, sauf par Balzac, n’a jamais été faite par personne, qu’il est assez délicat de les indiquer52 ». En effet, dans le Sainte-Beuve narratif et au-delà, Proust assumera la tache délicate de briser le secret, de préciser les dessous de chaque geste. Programme à la fois balzacien et anti-balzacien dont on trouve une première application dans les Cahiers 7, 6 et 51 : l’inversion de M. de Guercy y est progressivement dévoilée puis soumise à une analyse serrée qui en détruit le mystère.
Ce n’est pas la seule indication programmatique contenue dans l’article critique. Commentant les titres de Balzac, Proust note que dans La Recherche de l’absolu, il est peu question d’absolu : « le sujet du livre est bien plutôt les ravages que l’égoïsme d’une passion étend dans une famille aimante qui la subit, quel que soit d’ailleurs l’objet de cette passion », et il ajoute : « Celui qui écrira la vie de la famille d’un neurasthénique pourra faire une peinture du même genre53 ». Or, dans le Contre Sainte-Beuve l’emprise du Narrateur, « despotique malade » (p. 118) sur une famille à qui il impose ses horaires et qui cherche à le distraire est évidente54. Il y a là sans doute un indice.
Dernière remarque : les lecteurs de Balzac que Proust met en scène dans le Contre Sainte-Beuve narratif55 remplissent la même fonction que la matinée nervalienne dans un château : ils établissent un lien direct avec le Sainte-Beuve critique. Cette fois, la reprise peut difficilement relever d’une inadvertance. Le comte de Guermantes, son frère et la jeune marquise de Cardaillec, férus de Balzac, la comtesse de Guermantes et la marquise de Villeparisis, qui ne l’apprécient pas, sont tous de mauvais lecteurs : incapables d’accéder à un jugement fondé sur des critères artistiques, ils jugent l’œuvre de Balzac comme ils jugeraient un spectacle tiré de la réalité ou, pour certains d’entre eux, comme un témoignage des mauvaises manières qui rendent l’auteur infréquentable. Leurs erreurs naissent des défauts conjugués de Balzac et de Sainte-Beuve tels qu’ils sont exposés dans la partie critique, où figurent également des réactions de lecteurs. L’analyse théorique, en s’inscrivant ainsi dans la fiction, établit une superposition thématique évidente entre les deux parties du Sainte-Beuve, plaidant pour une lecture attentive à d’autres rapprochements.
Dans le cas de Baudelaire, c’est le traitement cruel de la vieillesse qui semble être au centre de la relation entre Sainte-Beuve critique et Sainte-Beuve narratif. A. Compagnon a mis en évidence les liens entre le commentaire que Proust fait des « Petites Vieilles » et diverses visions de la mère et de la grand-mère, notamment un rêve du Cahier 50 où celle-ci apparaît humiliée, « à la fois souffrante et méchante »56. Contre sa mère qui reproche à Baudelaire les « choses cruelles sur sa famille57 », trouvées dans ses lettres, le Narrateur défend « la subordination de la sensibilité à la vérité, à l’expression58 » et limite la cruauté baudelairienne au domaine de l’art : « les souffrances qu’il raille, qu’il présente avec cette impassibilité, on sent qu’il les a ressenties jusqu’au fond de ses nerfs59 ». À l’époque de Contre Sainte-Beuve, cette recherche de la beauté par la précision féroce et l’émotion dissimulée renvoie probablement, mais pas uniquement, au « Bal de têtes », dont la première version connue se trouve dans le Cahier 51 et la suivante dans le Cahier 57. L’œuvre de Baudelaire se prêterait mal à des réécritures empruntant et modifiant un schéma narratif mais un épisode de la biographie du poète signale peut-être les passages où son influence s’est exercée. Baudelaire mourant ne se reconnut pas dans le miroir que lui présentait une amie « barbare » et salua60. On retrouve le miroir que Françoise présente à la grand-mère, avec la même inconsciente cruauté61. Par là le traitement romanesque de l’agonie, qui intègre toutes les constatations cliniques et n’omet pas un détail douloureux, pourrait s’affirmer baudelairien62.
Si le miroir est attribué à la grand-mère, le salut de Baudelaire égaré est donné à un autre personnage : M. de Guercy qui, rencontrant le Narrateur après avoir subi deux attaques (« dans cette convulsion métallurgique de sa face, ses yeux vifs et impertinents étaient devenus atones63 »), lui adresse un profond salut. D’autre part, dans le « Bal de têtes », deux traitements de la vieillesse s’affrontent : l’un poétique au sens idéalisant du terme, étayé par des comparaisons empruntées au conte et à la féerie ; l’autre procédant par la description, à la fois terrible et grotesque, de corps dont le mouvement et l’expression échappent à la volonté. Dans le Cahier 51, le seul portrait de ce type, le premier de cette série baudelairienne64, est celui de Mme de Villeparisis. Elle est « projetée en avant, cassée en deux, prête à tomber65 », autre rappel possible du salut effrayant exécuté par le poète.
Les indications qui, dans la partie critique du Sainte-Beuve, renvoient au récit viseraient donc à modifier le regard du lecteur sur ce qu’il vient de lire. Au parcours candide d’un récit autobiographique succède alors une lecture induite par la réflexion critique et apte à distinguer, dans le texte, le jeu des influences et des convergences littéraires. La lecture critique serait-elle « la bonne », celle qui annule la précédente ? C’est peu probable : la force émotionnelle du récit d’enfance est suffisante pour permettre le mouvement de balancier déjà noté dans la préface à Sésame et les Lys entre « je » autobiographique et « je » critique. On peut juger invraisemblable l’hypothèse d’une double lecture programmée : quel écrivain serait assez irréaliste pour escompter une lecture naïve suivie d’une lecture plus savante du même ouvrage ? Mais si l’un d’eux est susceptible de l’avoir fait, c’est bien Proust, qui espérait que les lecteurs comprendraient la pensée véritable de l’auteur66 et la composition de l’œuvre67 en considérant rétrospectivement À la recherche du temps perdu dans son ensemble.
Quoi qu’il en soit, les réécritures dégagées par une lecture post-critique du Sainte-Beuve roman se placent à bonne distance des pastiches. Dans ce cas l’écriture imitative ne se révèle que lorsque l’imitateur veut bien l’avouer pour telle et à ce stade, l’originalité du texte n’est plus à démontrer. Il y a sans doute un plaisir de l’écrivain dans ces reprises décalées, si puissamment réinterprétées qu’il peut les conduire à leur terme avant d’en donner le mot. Cependant l’objectif n’est plus de faire illusion bien que ce dispositif garde du pastiche le plaisir du jeu littéraire, inséparable d’une certaine connivence avec le lecteur. D’ailleurs, les indications restant allusives, elles peuvent, suivant les lecteurs, être élucidées dans une proportion variable, ou toutes ignorées, sans que le Sainte-Beuve narratif perde son intérêt. Si les réécritures ne sont pas inférieures aux modèles choisis, le romancier débutant se place parmi les grands écrivains mais sans renoncer à la malice sans prétention du pasticheur. Les articles critiques renvoient à la fois aux pastiches et à ces réécritures ; cependant les pastiches restent extérieurs, comme la forme figée d’une écriture qui, dans la partie romanesque du Sainte-Beuve, s’affirme véritablement créative68.
Contre les groupes littéraires, une vision paradisiaque
Quelle relation ces réécritures entretiennent-elles avec la démarche anti-beuvienne de Proust ? Il faut noter que la « critique en action », qu’elle prenne la forme de pastiches ou de réécritures, se fait directement d’œuvre à œuvre, d’écrivain à écrivain. Ce qui, de la personnalité de l’auteur, ne passe pas dans l’œuvre, perd tout intérêt et le critique beuvien se trouve implicitement disqualifié puisque analyse et pratique littéraires s’affirment indissociables. Dans son article de 1920 sur Flaubert, Proust exprime clairement cette conception à propos des pastiches : « Notre esprit n’est jamais satisfait s’il n’a pu donner une claire analyse de ce qu’il avait d’abord inconsciemment produit, ou une recréation vivante de ce qu’il avait d’abord patiemment analysé69 ». Du reste la notion de groupe littéraire, si chère à Sainte-Beuve, se trouve également contestée. Proust élit, parmi les victimes du critique, les grands prédécesseurs qui donneront une impulsion à son œuvre. Mais s’il constitue son groupe littéraire, ce n’est pas en formant une communauté d’idées et d’ambitions résolue à s’imposer dans la société, c’est par la reconnaissance de parentés subtiles transcendant les écarts temporels. Les positions qui sous-tendent le Sainte-Beuve se retrouvent, beaucoup plus tard, dans la réponse à une enquête de 1922 : « Enfin vous me questionnez sur les « écoles ». Elles ne sont qu’un symbole matériel du temps qu’il faut à un grand artiste pour être compris et situé entre ses pairs, pour que l’Olympia honnie repose auprès des Ingres, pour que Baudelaire, son procès révisé, fraternise avec Racine […]70 ».
L’idée d’une coexistence harmonieuse des grandes œuvres n’est pas nouvelle chez Proust qui contemplait déjà, dans le Cahier 57, un paysage littéraire sans frontières et sans conflits : « .[…] voici que ton œuvre apparaît comme si semblable aux grandes œuvres des autres que toutes barrières individuelles tombées, il semble que comme les morceaux indûment séparés d’une même peinture murale, on pourrait les rentoiler dans un même panneau où cette colline que tu [Bergotte] as si bien décrite serait continuée sans heurt par la prairie de Tolstoï ou fauche Levine71 ». Le verbe rentoiler72, terme rare, éveille l’attention. Cette technique qui rapproche des œuvres « indûment séparées » pourrait être une métaphore de la réécriture, surtout si l’on prend en compte la définition un peu différente que Littré donne du mot : « Terme de peinture. Coller un vieux tableau sur une toile neuve, ou transporter une peinture d’une vieille toile sur une neuve ». Dans ce contexte, un auteur moderne peut en « continuer » un autre « sans heurt » et restaurer par là l’éclat de son œuvre. Mais l’usage du mot implique aussi un risque : un romancier débutant qui réécrit l’œuvre de grands anciens s’expose au reproche de pauvreté dans l’invention, sinon de plagiat.
Ce risque, la coloration édénique du morceau vise peut-être à le conjurer. En effet, dans les cahiers de 1909-1910, quand Proust mentionne des sujets identiques, ou peu s’en faut, traités par des écrivains différents, il recourt aux métaphores de la végétation et du fleurissement. C’est le cas lorsqu’il compare, dans le Cahier 29, la manière d’Henri de Régnier et celle d’Anatole France :
« Sans doute quand Régnier et France ont commencé tous deux à écrire, avaient-ils la même culture, la même idée de l’art, ont-ils cherché à faire de même. Et ces tableaux qu’ils essayaient de peindre ils avaient sur leur réalité objective à peu près la même idée. Pour France la vie est le rêve d’un rêve, pour Régnier les choses ont le visage de nos songes. Mais cette identité similitude de nos pensées et des choses, Régnier […] est plus tourmenté d’en saisir d’en marquer le prolongement de n’oublier jamais de vérifier, de démontrer la coïncidence, il reprend sans cesse sa pensée, sa phrase s’allonge et, se précise, se tortille, sombre et minutieuse comme une ancolie, quand celle de France rayonnante, épanouie et lisse est comme une rose de France73 »
Les différences de tempérament qui fondent l’originalité littéraire ont la permanence vivante et productrice des espèces végétales.
Lorsque Proust examine quel traitement des thèmes presque semblables ont reçu à des époques différentes, il reprend les métaphores de la floraison nécessaire. Ainsi, dans le Cahier 26, à propos de Marguerite Audoux74 :
« Alors nous avons beau être seuls, ne connaître personne, ne pouvoir avoir appris de personne, pourtant nous faisons le même chemin que nos compagnons du siècle. Marguerite Audoux bergère ne savait rien des autres. Mais la nature l’avait exactement disposée comme une fleur au point exact sur le rameau du temps où elle croissait, de sorte que son livre brille, tout semblable, entre ceux où il a pris place, de Charles-Louis Philippe et de Gérard d’Houville. Et ayant à traiter par exemple dans son livre le petit épisode d’une vache rêveuse déjà traité par George Sand dans François le Champi, il y a entre leurs deux manières de le concevoir et de le traiter une certaine distance, une distance qu’exactement avec une justesse mathématique la bergère a respectée et qui est celle du chemin qu’a fait la sensibilité poétique depuis le romantisme réaliste de George Sand que l jusqu’à celle de nos plus modernes auteurs, sans que la bergère ait connu le point de départ, ni fait elle-même le trajet, ni connu le point d’arrivée des autres, simplement parce qu’elle expri reflète à sa manière comme tout cas particulier les lois plus générales de l’espèce, et le moment de l’évolution. Ainsi si original qu’il faille être pour être, si nouveau, est-on harmonieusement fondu avec ce qui précède et ce qui suit (sans que ces mots aient naturellement une signification exclusivement chronologique)75 ».
Ici affleure la question de l’écriture imitative. Imaginons que Marguerite Audoux ait repris à dessein l’épisode de la « vache rêveuse ». De l’œuvre de George Sand à la sienne, les écarts de la sensibilité collective et de la vision individuelle ne l’auraient pas moins protégée d’un « rentoilage » banal et appauvrissant. Proust s’attache à donner de la réécriture une image sereine. Dans le Cahier 57, il conclut ainsi le morceau sur la réunion des grandes œuvres en une seule « peinture murale » : « […] l’originalité si elle semble se fondre dans cette unité immense était pourtant nécessaire pour y accéder. Aucune ressemblance ne s’atteint du dehors. Elle n’est que l’extériorisation d’un âme en harmonie à son insu avec d’autres âmes76 ».
Émergencedu « je » écrivant
L’argumentation proustienne, sur ce point, reste donc largement défensive. L’évocation d’un jardin paradisiaque des grandes œuvres dispense l’écrivain d’expliciter sa pratique de la réécriture, pratique plus ludique et plus audacieuse que les théories dont il l’entoure. Il est vrai que nous ignorons comment le Sainte-Beuve achevé aurait traité la question. Ce qui paraît clair en tout cas, c’est que Proust, dans ce jeu avec d’autres écrivains et avec le lecteur, se montre en train d’écrire, conscient, à la différence de Marguerite Audoux, de son point de départ et de son point d’arrivée et donnant à voir le parcours qu’il accomplit. Entre le « je » narratif et le « je » critique du Contre Sainte-Beuve se précise le lieu d’un « je » réécrivant, au sens où Merleau-Ponty peut parler du « je travaillant » de Claude Simon dans un entretien rapporté par le romancier : « Je lui dis : ce Claude Simon dont vous avez parlé doit être très intelligent. Il me dit : Oui, très. Mais ce n’est pas vous. C’est vous travaillant. C’est ce personnage que nous suscitons par le travail de la langue et qui disparaît dès que nous cessons de travailler77 ». De la même façon, seul le « je » écrivant de Proust assume pleinement la nouveauté de sa démarche.
1 « Autour de trois « avant-textes » de l’ « ouverture » de la Recherche : nouvelles approches des problèmes du Contre Sainte-Beuve », Bulletin d’informations proustiennes n° 3, 1976.
2 Ainsi : « Mais il est temps d’en venir à l’erreur d’esthétique que j’ai voulu signaler ici et qui me semble dénuer de talent tant de jeunes gens originaux » (« Contre l’obscurité », Essais et articles, p. 390), ou : « Je sais reconnaître aussi en un roi et en un prétendant une véritable grâce royale » (« La personne d’Alphonse Daudet, « œuvre d’art » », Essais et articles, p. 399).
3 « Si je connaissais ce jeune homme, je ne le détournerais pas d’aller au Louvre, je l’y accompagnerais plutôt » (article sur Chardin et Rembrandt, Essais et articles, p. 373).
4 Essais et articles, p. 405
5 « La cour aux lilas et l’atelier aux roses, le salon de Mme Madeleine Lemaire », Essais et articles, p. 463.
6 Essais et articles, p. 172.
7 Essais et articles, p. 172.
8 La Fontaine, « La chauve-souris et les deux belettes ».
9 Proust avait écrit à Henri Van Blarenberghe pour tenter de retrouver un employé des chemins de fer. On pense aux chasseurs et aux télégraphistes de M. de Charlus.
10 Essais et articles, p. 527-533.
11 Ibid., p. 529.
12 C’est le cas dans Jean Santeuil (JS, p. 356).
13 Si l’on excepte le compte-rendu des Éblouissements d’Anna de Noailles, paru le 15 juin 1907, et deux articles nécrologiques, qui laissent moins de liberté à l’auteur.
14 Ils meurent en 1903 et 1905, alors que Proust rencontre Alfred Agostinelli pendant l’été 1907.
15 Juste après les parents sont mentionnées les maisons rencontrées en route « appuyées tendrement sur un poirier que leur vieillesse aveugle avait l’illusion d’étayer encore » (Essais et articles, p. 63).
16 Dans les notes à la préface de Sésame et les lys, on trouve une mention assez comparable, mais sérieuse, de la correction des épreuves que l’auteur est en train d’effectuer (Essais et articles, p. 190).
17 Corr., VIII, 100
18 Corres. P/G, lettre 62 du 14 juin 1918.
19 Corr., XI, lettres 166 et 167 ; XII, lettre 8.
20 Corr., XVIII, lettre 213. Dans son article sur le style de Flaubert, en 1920, il reprend la même idée : faire un pastiche volontaire pour « ne pas faire toute sa vie du pastiche involontaire » (Essais et articles, p. 394).
21 Corr., VIII, lettres 24 et 25. Proust définit aussi les pastiches comme « une forme indirecte, plus discrète, plus brève et plus élégante de critique littéraire » (lettre 32).
22 Corr., VIII, lettre 24.
23 Corr., IX, lettre 69, du 7 juillet 1909.
24 Il écrit à R. Fernandez en août 1919 : « j’avais d’abord voulu faire paraître ces pastiches avec des études critiques parallèles sur les mêmes écrivains, les études énonçant d’une façon analytique ce que les pastiches figuraient instinctivement (et vice-versa), sans donner la priorité ni à l’intelligence qui explique ni à l’instinct qui reproduit » (Corr. XVIII, lettre 213)
25 Lettre à A. Vallette d’août 1909 (Corr., IX, lettre 78).
26 Voir B. Brun, « Le dormeur éveillé, genèse d’un roman de la mémoire », Cahiers Marcel Proust 11, Études proustiennes IV, p. 241-316.
27 Voir A. Bouillaguet, Proust lecteur de Balzac et de Flaubert : l’imitation cryptée, Champion, 2000.
28 A. Bouillaguet, ouvrage cité, chapitre VIII notamment où l’auteur étudie les « balzaquèmes » et « balzacismes » ; F.Goujon, « Morel ou la dernière incarnation de Lucien », BIP n° 32, p. 41-64 ; « Références balzaciennes et cryptage autobiographique dans DCS », BIP n° 33, p. 51-74.
29 L’influence de Nerval sur Proust continue à jouer bien au-delà du Contre Sainte-Beuve ; la technique de réécriture elle aussi perdure. Ainsi P.-L. Rey prouve que la scène du furet, dans les Jeunes Filles reprend celle de la ronde et du chant d’Adrienne dans Sylvie. L’hésitation entre les jeunes filles qu’il analyse dans le Cahier 12 est programmée dans le Carnet 1 (f° 14 r°) mais pas dans l’article critique. (P.-L. Rey, « Proust lecteur de Nerval », BIP n° 30, 1999, p. 19-28). De la même façon, M. Miguet-Ollagnier montre comment l’opposition des deux côtés de Combray recouvre celle d’Oriane-Adrienne, aristocrate et sainte de vitrail, et de Gilberte-Sylvie, plus prosaïque et moins éthérée. Mais, dans l’article critique du Contre Sainte-Beuve, seule une note sur Adrienne (« Cette Adrienne […] ces châteaux, ces personnes nobles qu’il semble voir vivre plutôt dans le passé […] », p. 158) annonce les développements sur Guermantes (M. Miguet-Ollagnier, « De la lecture de Sylvie à l’écriture de la Recherche », BMP n° 34, 1984, p. 199-215.
30 Contre Sainte-Beuve, éd. Fallois, coll. Folio Essais, p. 256. Sauf mention contraire, toutes les paginations renvoient à cette édition.
31 Ibid., p. 257.
32 C. Quémar fait le rapprochement avec Sylvie, « cette autre recherche du temps perdu, qui déjà se présentait, pour l’essentiel, sous la forme d’un récit analeptique engendré par la résurrection fortuite de souvenirs de jeunesse » (article cité, p. 10 et note 73).
33 Contre Sainte-Beuve, p. 154-155. Il critique plus loin l’expression de Barrès « fol délicieux » qu’il attribue ironiquement à « un manque de goût charmant ».
34 Cahier 4, f° 44 r°.
35 Contre Sainte-Beuve, p. 157-158.
36 Les pommiers sont-ils un rappel de Sylvie ? La vision que Nerval en a est presque violente : « Plus loin que Louvres est un chemin bordé de pommiers dont j’ai vu bien des fois les fleurs éclater dans la nuit comme des étoiles de la terre : c’était le plus court pour gagner les hameaux » (Les Filles du feu, coll. Folio, 1972, p. 137).
37 Cahier 12, f° 24r°, transcription C. Quémar.
38 Contre Sainte-Beuve, p.155 ; Essais et articles p. 240.
39 On en trouve au moins quatre versions : dans le Cahier 3, f° 27r°-29r°, dans le Cahier 2, f° 7r°-8r° puis à l’envers du cahier, f° 28v°-27v° et f° 29r°-25v°.
40 Contre Sainte-Beuve, p. 157.
41 Les Filles du feu, coll. Folio, 1972, p. 141.
42 Contre Sainte-Beuve, p. 157 et p. 158.
43 Citation de Nerval (Contre Sainte-Beuve, p. 151)
44 Contre Sainte-Beuve, p. 150
45 Cahier 1, f° 71v°-000 ; Contre Sainte-Beuve, p. 51-57.
46 Citation de Nerval (Contre Sainte-Beuve, p. 151).
47 Contre Sainte-Beuve, p. 53.
48 A. Simon a étudié les convergences entre le passage sur le Bois en automne, fin de Du côté de chez Swann et la fin de Sylvie. La lumière verte sur les troncs d’arbres est un des éléments réutilisés dans l’évocation du Bois et peut-être constitue-t-il un indice mais la première version connue du morceau ne se trouve pas dans les Cahiers Sainte-Beuve (A. Simon, « De Sylvie à la Recherche ; Proust et l’inspiration nervalienne », Romantisme n° 95, 1997).
49 Contre Sainte-Beuve, p. 159.
50 Contre Sainte-Beuve, p. 66.
51 Voir M. Naturel, Proust et Flaubert, un secret d’écriture, Rodopi, 1999, chapitre V.
52 Contre Sainte-Beuve, p. 212.
53 Contre Sainte-Beuve, p. 200.
54 D’autre part les échos rythmiques et phoniques entre « la recherche de l’absolu » et « la recherche du temps perdu » ne sont sans doute pas fortuits.
55 Cahier 1, f° 54v°-24v° et 20v°-18v° ; Contre Sainte-Beuve, chap. XII.
56 « Le rêve de la grand-mère crottée a tout d’un petit poème en prose, avec cette insensibilité qui faisait que, dans le Contre Sainte-Beuve, la mère n’aimait qu’à demi Baudelaire » (A. Compagnon, « Ce frémissement d’un cœur à qui on fait mal », Proust entre deux siècles, Seuil, 1989, p. 156).
57 Contre Sainte-Beuve, p. 170.
58 Contre Sainte-Beuve, p. 173.
59 Contre Sainte-Beuve, p. 170
60 Contre Sainte-Beuve, p. 184.
61 CG, II, p. 629.
62 La première version connue de la mort de la grand-mère se trouve dans le Cahier 14, qui, selon F. Leriche n’est pas antérieur au printemps 1910 (F. Leriche, « Du nouveau sur le Cahier 14 », BIP n°21, 1990). Mais le morceau du Cahier 14, clair et peu raturé, pourrait être un recopiage.
63 Cahier 51, f° 18r° ; Matinée chez la princesse de Guermantes, éd. H. Bonnet et B. Brun, Gallimard, 1982, p. 63.
64 Elle se développe dans le Cahier 57, f° 46r°-50r°.
65 Cahier 51, f °65v° ; Matinée chez la princesse de Guermantes, p. 34. On se rappelle cette strophe des « Petites Vieilles » citée par Proust (CSB, p. 171) :
À moins que, méditant sur la géométrie,
Je ne cherche, à l’aspect de ces membres discords,
Combien de fois il faut que l’ouvrier varie
La forme de la boïte ou l’on met tous ces corps.
66 On sait comment Proust programme la lecture de son roman : « Je suis donc forcé de peindre des erreurs, sans croire devoir dire que je les tiens pour des erreurs […] Le second volume accentuera ce malentendu. J’espère que le dernier le dissipera » (Lettre à J. Rivière du 6 février 1914, Corr., XIII, p.100).
67 Corres. P/G, lettre 31.
68 C’est pourquoi j’ai préféré au terme de « pastiche intégré » qu’utilise A. Bouillaguet celui, malheureusement plus vague, de réécriture.
69 . Essais et articles, p. 594-595.
70 Réponse à une enquête des Annales, 26 février 1922(EA, p. 641).
71 Cahier 57, f° 17 v°, Matinée chez la Princesse de Guermantes, p. 184.
72 Proust l’emploie, dans le même contexte, au f°35v° du Cahier 57 ; Matinée chez la Princesse de Guermantes, p. 360 ;TR, IV, Esquisse XXXV, p. 859.
73 Cahier 29, f° 67r°-68r°. La transcription est simplifiée.
74 Son premier roman et le plus célèbre, Marie-Claire, parut en 1910.
75 Cahier 26, f° 17v°-18v° ; TR, IV, p. 1391, note 5.
76 Cahier 57, f° 38v° ; Matinée chez la Princesse de Guermantes, p. 185.
77 C. Simon, « Le présent de l’écriture, entretien avec Jacques Neefs et Almuth Grésillon », Genesis n° 13, 1999, p. 119.