Sommaire
C’est une banalité de dire qu'un livre renvoie à tous les autres, que chaque livre porte en lui la mémoire et l'écho de tous ceux qui l'ont précédé. On dit parfois d'un ouvrage qu'il est « de première main ». Mais la « seconde main », pour reprendre un titre d'Antoine Compagnon, n'est-elle pas toujours organiquement associée à la première, sous toutes les formes de la citation, de la réminiscence, de l'emprunt, de l'allusion ? « Un livre, écrit Aragon dans Le Mentir vrai, est un être bien équilibré qui doit à la réflexion et à la connaissance des ouvrages passés les qualités qui lui donnent droit à l'existence ».
C'est vrai en particulier du dictionnaire, et de l'encyclopédie. Le Grand Dictionnaire Universel de Pierre Larousse condense tout le savoir et aussi tous les préjugés, tous les fantasmes, du XIXe siècle. Boris Vian donne un tour humoristique et paradoxal à ce constat dans L'Arrache-cœur (chap. IX) : « Les jours où Jacquemort se sentait intellectuel, il se retirait dans la bibliothèque d'Angel et lisait. Il n'y avait qu'un livre, amplement suffisant, un excellent dictionnaire encyclopédique où Jacquemort retrouvait, classés et ordonnés alphabétiquement sinon logiquement, les éléments essentiels de ce dont se composent les bibliothèques ordinaires sous un volume hélas si encombrant ».
Réduire la bibliothèque à un seul livre, tout le savoir d'une époque à une œuvre unique. Ne peut-on dire, presque sans paradoxe cette fois, que cette idée tenta les écrivains de l'école positiviste, celle même qui vit naître les dix-sept volumes du Grand Dictionnaire Universel de Pierre Larousse ? Cela pouvait se faire avec gourmandise et jubilation, comme dans Les Rougon-Macquart, à soi seul « histoire naturelle et sociale du Second Empire », en vingt volumes ; ou au contraire avec un sens désespéré de l'inutilité des livres et des bibliothèques, submergés par la bêtise ou l'incertitude, comme dans Bouvard et Pécuchet; ou encore en un exercice exacerbé de la paraphrase, comme dans les romans de Huysmans après À rebours. De toute manière, chacune de ces œuvres se nourrit de la substance des livres antérieurs, et sa genèse se confond avec une frénétique activité de lecture : son avant-texte est d'abord un intertexte.
À l'inverse, et complémentairement, l'éditeur de ce temps-là réunit ses publications dans des séries, des collections qu'il dénomme volontiers « bibliothèques » : chez Hachette, la Bibliothèque des Merveilles, la Bibliothèque des chemins de fer, chez Charpentier la Bibliothèque Charpentier. C'est une manière tout à la fois d'afficher la solidarité, l'intertextualité des ouvrages qui composent ces séries, par parenté des genres, des thèmes, des tons, des objectifs; de faire de la « bibliothèque » une sorte de livre unique en multiples tomes : de contribuer, de façon ordonnée, à découvrir, rassembler et diffuser les connaissances ; et d'imposer une conception valorisante de la bibliothèque, comme lieu du plaisir d'apprendre. La génération de 1860 reprend volontiers l'héritage de l'encyclopédisme des Lumières, selon deux figurés inverses qui dialectisent l'un et le multiple : tout livre est une bibliothèque, et toute bibliothèque peut équivaloir à un seul livre.
À cet égard, Zola présente presque un cas d'école. Il prétend réunir en un seul ouvrage les « cinq mondes » qui lui paraissent composer la société entière. Mais cet ouvrage compte vingt tomes, c'est-à-dire, à soi seul, une petite bibliothèque ; et de ses origines jusqu'à son achèvement, il prend ses racines dans la bibliothèque, de multiples façons.
Zola, on le sait, est entré en littérature par la librairie – qui est une autre forme de la bibliothèque (laquelle s'appelait, au temps de Montaigne, « librairie »). Il a appris son métier et fortifié sa vocation au cours des quatre années qu'il a passées à la Librairie Hachette, de 1862 à 1866, en qualité de chef du bureau de la publicité (on dirait de nos jours : directeur de la communication...). Il a trouvé son inspiration première, ses modèles initiaux, les sources de son imaginaire dans les livres qui ont passionné son adolescence et ses vingt ans : d'abord les romans d'aventures, de cape et d'épée, puis Musset, Hugo, puis Michelet, George Sand, Montaigne, Molière, et pour finir Stendhal, les Concourt, Balzac. Le terreau profond des Rougon-Macquart est pétri de lectures. Dans le travail de la préparation et de la composition, Zola a toujours associé les documents humains, choses vues, et les documents livresques, choses lues. Il a conçu une théorie doublement documentariste du roman, exposée notamment dans Le Roman expérimental : comme le chercheur, le romancier travaille sur documents, tire son savoir de l'observation du réel biologique et social et de l'étude des ouvrages de référence; et son œuvre, en retour, non seulement divertit le public, mais aussi l'informe sur le monde. Enfin, et surtout, Zola a diversifié dans des proportions inouïes l'usage intertextuel des livres dans la genèse de son œuvre romanesque. C'est ce que je voudrais rapidement examiner, à partir des dossiers préparatoires de Zola conservés à la Bibliothèque nationale.
Car le livre n'est pour lui ni un document inerte, ni un instrument unifonctionnel. Il intervient dans la genèse selon divers modes, à divers moments et à divers niveaux. C'est pourquoi l'exploration des dossiers préparatoires des Rougon-Macquart permet d'affiner le profil professionnel de Zola (en dissipant quelques idées reçues sur sa relation à la culture), et, aussi bien, la problématique des sources et de l'intertextualité, si importante en matière de critique génétique. Elle permet en particulier de déconstruire et d'approfondir des notions telles que source, plagiat, avant-texte, intertexte ; et réalisme, par voie de conséquence.
Il faut pour cela établir une typologie, même approximative, des relations entre l'œuvre et ses textes de référence et d'écho. À partir d'un survol des avant-textes, je propose ainsi de distinguer cinq sortes d'usages du livre dans la genèse des Rougon-Macquart, cinq variantes qui peuvent évidemment entrer parfois en combinaison : le livre-document, le livre-modèle, le livre-matrice, le livre-miroir et le livre-rudiment. Ces dénominations sont imparfaites. Voici, plus en détail, ce qu'elles recouvrent.
Le livre-document
On ne peut négliger ni le côté autodidacte, en formation continue, de Zola, ni son héritage positiviste. Pour tous les romans du cycle des Rougon-Macquart. mais surtout pour les romans où les représentations techniques interviennent à un assez haut degré – L'Assommoir, Germinal, La Bête humaine, La Débâcle –, la lecture des dossiers préparatoires met au jour des sources, au sens lansonien du terme, qui ont nourri directement le savoir du texte. Elles sont le plus souvent (pas toujours) attestées sous la forme de résumés et de notes renvoyant explicitement à un ouvrage déterminé. Dans L'Assommoir, l'étude du docteur Magnan sur l'alcoolisme, le Manuel Roret du couvreur, le Manuel Roret du chaîniste, le Dictionnaire de la langue verte de Delvau, Le Sublime de Denis Poulot1. Dans Germinal, au premier rang le livre, illustré de gravures, de l'ingénieur Louis Simonin sur La Vie souterraine2. Dans La Débâcle, les mémoires des généraux de 18703.
II vaudrait la peine de dénombrer toutes ces sources documentaires. À elles seules elles constituent une abondante bibliothèque. C'est la matière encyclopédique des Rougon-Macquart. Celle-ci est considérable. Elle reflète, au-delà des apprentissages successifs de Zola, la culture scientifique et technique de son temps. Je ne dis pas seulement : connaissance, mais culture, avec tout ce que le mot véhicule, en plus d'un état des sciences, d'un état des idéologies et des systèmes de valeurs, sociales, morales, esthétiques. Aucun de ces ouvrages apparemment documentaires, et documentés, n'est pur d'un certain degré de fantasmatique sociale : pas plus le dictionnaire de Delvau que le traité du docteur Magnan. C'est en quoi, d'ailleurs, on peut parler d'une génétique culturelle de l'œuvre romanesque – mais ce concept reste à creuser.
Cette bibliothèque encyclopédique peut se catégoriser. Elle comporte d'un côté des livres, à proprement parler : ouvrages médicaux, traités techniques, livres d'histoire (par exemple le livre d'Eugène Tenot sur le coup d'état de décembre 1851, pour La Fortune des Rougon4), mémoires, études sociales; de l'autre, des sources textuelles déconcentrées, telles qu'articles, coupures de presse, catalogues (les catalogues du Bon Marché, pour Au Bonheur des Dames), dictionnaires (par exemple, plusieurs articles du Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle de Pierre Larousse, pour La Faute de l'abbé Mouret et pour Le Docteur Pascal).
La présence massive de ces traces encyclopédiques dans l'avant-texte des Rougon-Macquart atteste un travail constant de consultation et de transposition. C'est le côté travailleur des lettres, bénédictin laïc, copiste, de Zola – de mauvaises langues diraient : son côté Bouvard et Pécuchet. Certains commentateurs d'autrefois s'y sont laissé prendre, et, par une sorte de myopie sourcière, n'ont rien vu, ni du travail de transformation et de réécriture, ni de la présence concomittante de matériaux d'une tout autre sorte. Il n'est pas dans mon propos ici d'étudier la transposition narrative de ces « sources », le passage du documentaire à la fiction. C'est pourtant en cela que réside proprement le travail de la critique génétique lorsque celle-ci repère de tels intertextes documentaires. Indiquons seulement qu'il en existe au moins deux sortes, du point de vue fonctionnel. Certains livres ont un rôle informateur local, qui ne s'exerce que pour un seul roman, ou même pour une seule section du roman : c'est le cas du livre de Simonin, ou de celui du docteur Magnan. Mais d’autres ont servi de document fondateur et de caution globale pour tout le cycle : ainsi le Traité de l'hérédité naturelle du docteur Lucas5, qui a fourni et l'hypothèse biologique et le modèle généalogique sur lesquels a pris racine toute l'Histoire naturelle et sociale d'une famille. Dans les deux cas, s'imposerait une étude transformationnelle – comment en l'or pur du récit s'est changé le plomb vil du document ? – dont il reste à établir le protocole.
Le livre-modèle
Différents des livres-documents sont les livres qui servent à Zola de référence esthétique, de modèles à un certain degré; ceux qu'il entend imiter, égaler, et qui prennent pour le moins, au cours de sa carrière, une valeur séminale : car leurs auteurs sont pour lui des sortes de pères spirituels.
Une première différence saute aux yeux : alors que les livres-documents affichent un objectif d'exactitude et prétendent décrire un aspect de la réalité, sur le mode de l'authentique (maladie organique, métier, trouble psychique, événement historique, etc.), les livres-modèles appartiennent au domaine de la fiction, et de l'art : c'est par exemple La Comédie humaine, ou, à un moindre degré, Germinie Lacerteux. Distinguer entre sources documentaires et sources littéraires, comme le fait la tradition académique, ne suffit pas : car, dans le second cas le romancier ne se contente pas d'emprunter une information pour la nicher en un point donné de son œuvre : c'est son travail entier qu'il place sous le signe d'un devancier admiré, qui devient sa référence, son autorité, son garant, son recours.
On peut discerner ainsi, à l'orée des Rougon-Macquart, aux alentours de 1870, trois références centrales : ce sont les œuvres romanesques de Balzac, de Flaubert et des Concourt.
Prenons le seul exemple de Balzac. Zola lui empruntera plusieurs données qui vont gouverner et le contenu et la structure du cycle des Rougon-Macquart. D'abord un modèle d'objectifs : comme La Comédie humaine, le cycle offrira une analyse compréhensive et explicative du système social tout entier. Ensuite une hypothèse scientifique, ou parascientifique, selon laquelle le romancier est en mesure d'étudier les types sociaux avec la même sûreté que le naturaliste pour les espèces animales; d'où le double qualificatif, une « histoire naturelle et sociale ». Ici, le modèle balzacien est étayé, dans la réception zolienne, par la philosophie de l'art de Taine. En troisième lieu, un modèle de classification et de distribution sociale : comme Balzac, dans le prologue de La Fille aux yeux d'or, distribue la société en autant de « cercles » sociaux qu'un immeuble parisien compte d'étages sous la Restauration, Zola, dans ses notes préliminaires de 1868, distingue cinq « mondes », répartis selon leur mode d'activité dans la société moderne : « le peuple (ouvrier, militaire) », les commerçants, la bourgeoisie (« fils de parvenus »), le grand monde (en particulier politique), et « un monde à part » « (putain, meurtrier, prêtre, artiste) »6. Le parallèle entre les deux sociologies, celle de Balzac et celle de Zola, est frappant. Enfin un modèle (l'organisation formelle : le cycle, la série, la constitution progressive d'un ensemble de romans composant un panorama global, mais compartimenté, de la société, et reliés les uns aux autres par leur système commun de personnages.
Cependant, le modèle est aussi un contre-modèle. La référence à La Comédie humaine, dans Les Rougon-Macquart, fait jouer l'opposition, la différence, autant que l'analogie. Zola s'en explique clairement dans la note préparatoire intitulée sans vaine modestie « Différences entre Balzac et moi »7 ; à Balzac, « maître de l'analyse courante », il entend opposer une structure de resserrement quantitatif et d'amplification qualitative : « douze, quinze puissantes masses », « une carrure magistrale ». « Mais toujours de la chaleur et de la passion. Un torrent grondant, mais large, et d'une marche majestueuse ». C'est une affaire de composition, de mouvement et de rythme. Moins de rouages, mais plus de puissance : « J'échapperai ainsi à l'imitation de Balzac qui a tout un monde dans ses livres ». En somme, un modèle moins mécanique que thermodynamique (« chaleur et passion »).
D'autres différences n'apparaissent pas explicitement, mais seulement à l'observation du fonctionnement général des Rougon-Macquart. La Comédie humaine met en scène de multiples familles; Les Rougon-Macquart sont construits, pour l'essentiel, sur une seule et même famille, répartie en deux branches, la branche légitime et la branche bâtarde ; l'ensemble du cycle est ainsi plus rigoureusement verrouillé. Dans La Comédie humaine, les clivages sociaux peuvent affecter des familles différentes, ou passer au cœur d'une même ligne familiale (comme dans Le Père Goriot) ; dans Les Rougon-Macquart, une fatalité sociale primordiale distingue l'une de l'autre la branche légitime, qui court à la richesse et aux honneurs, et la branche bâtarde, qui se confine dans la misère, le vice, la marginalité, et le crime. Enfin, alors que La Comédie humaine étale dans l'espace sa peinture de la société et limite sa vision généalogique à la simple confrontation des parents et des enfants au sein d'un même roman (Eugénie Grandet, César Birotteau, Le Père Goriot, Ferragus), l'univers romanesque des Rougon-Macquart fait de la succession des générations un principe de succession des œuvres dans le cycle (à L'Assommoir, roman de Gervaise, la mère, succède Nana, roman de la fille, puis L'Œuvre, roman du fils).
Quelle que soit la complexité de ce jeu d'emprunts et de différenciations, on mesure la différence de potentiel générateur entre le livre-document et le livre-modèle : ce dernier joue un rôle infiniment plus important, sur le plan structurel et sur le plan esthétique, que la source documentaire ; c'est lui qui assure à l'œuvre de Zola sa véritable ascendance et sa place dans l'histoire des idées et des formes.
Le livre-matrice
On fait ici un pas de plus, et l'on s'avance sur un chemin qui conduit à la naissance de chaque roman pris à part. On voit mieux aussi à quel point, chez Zola, paradoxalement, le livre naît du livre.
Paradoxalement, parce que Zola a fortement valorisé, dans ses écrits théoriques et critiques, l'image de l'observateur, du savant, principalement occupé d'un tête-à-tête direct avec la nature : « L'œuvre d'art est un coin de la nature vu à travers un tempérament ». Point d'intermédiaire. Il y a là une forme de puritanisme esthétique, sous la double influence du kantisme et du comtisme : la littérature romanesque relève des sciences sociales ; le regard de l'artiste est le regard du savant. Mêmes exigences de recherche, même purification du champ d'observation et de la conduite observatrice. Or, tout, dans les romans de Zola, se fait récit, imagination, forgerie, fiction. Tout y est agencé pour les besoins de l'effet dramatique et symbolique. Et tout y atteste l'action d'un élément médiateur entre la « nature » et le « tempérament » : le récit antérieur, et plus généralement la tradition narrative. Comment pourrait-il en aller autrement ?
On ne s'étonnera donc pas des caractéristiques « hyper-textuelles » de beaucoup de ses œuvres – au sens que Gérard Genette donne à ce mot dans Palimpsestes8. Elles font évidemment appel – soit de manière explicite, par mention dans les dossiers préparatoires, soit de manière implicite, à découvrir par le lecteur – à des récits antérieurs. Ceux-ci leur fournissent alors, non une « documentation », non un modèle général d'inspiration, mais un véritable schème d'invention / transposition narrative, une matrice de transtextualisation. Ceci peut intervenir à différents niveaux et selon différents degrés de densité : mais dans tous les cas repérables, l'œuvre apparaît comme la réécriture d'un livre antérieur. On discerne plusieurs manifestations du phénomène.
La première, la plus frappante, est attestée par la genèse de La Curée. D'emblée. Zola entend réécrire Phèdre, de Racine, raconter l'histoire d'une Phèdre moderne, transposer dans la société parisienne du Second Empire la tragédie de Phèdre, épouse de Thésée et amoureuse maudite de son beau-fils Hippolyte. Renée, épouse d'Aristide Saccard, devient l'amante de Maxime, fils d'un premier mariage de son mari : bafouée par les deux hommes - ce qui transpose la tragédie en drame du boulevard –, elle en meurt. La Curée est un hypertexte de Phèdre, une transformation qui n'est ni un pastiche, ni une parodie, mais une adaptation, exploitant le motif (l'inceste), le système des personnages, la dynamique tragique, selon un autre code historique, social, idéologique, esthétique. À partir de là, les variantes deviennent nombreuses. Il n'en reste pas moins qu'une œuvre-source a fourni sa matrice structurelle entière à l'œuvre -cible. Dans ces conditions, on peut corriger la proposition théorique de Zola, en écrivant : « L'œuvre d'art est un coin de la nature vu »... à travers une autre œuvre d'art!
Il existe une seconde sorte d'œuvre-matrice, celle-ci plus connotative qu'explicite. Prenons pour exemple La Faute de l'abbé Mouret et Germinal. Le dossier préparatoire du premier de ces deux romans fait clairement allusion au récit de la Genèse dans la Bible. Le parc qui servira de cadre au tête-à-tête d'Albine et de Serge s'appellera le Paradou. Le roman isole les deux personnages au cœur de la nature, comme Adam et Eve dans le Paradis terrestre, et les conduit peu à peu, de station en station (à l'inverse, cependant, du Chemin de Croix, qui pourrait ici interposer une image du Nouveau Testament clans le paysage de l'Ancien), jusqu'à la découverte et à la réalisation de l'amour charnel - et du péché. La Bible a donc bien donné à La Faute de l'abbé Mouret sa matrice générative, et du même coup sa clé de lecture. Mais c'est une matrice narra- :ive et non plus dramatique. C'est aussi une matrice plus sommaire, moins contraignante dans sa structure, que celle de Phèdre pour La Curée : une sorte de motif figurai plutôt qu'un canevas à reproduire clans toutes ses lignes directrices.
Encore Adam, Eve, le Paradis, le fruit défendu, etc. sont-ils mentionnés dans L'Ébauche du roman. Encore Zola a-t-il visiblement relu les pages de l'Ancien Testament qu'il transposera. Il n'en va pas de même dans Germinal, qui fait un usage un peu plus oblique de la structure matricielle. On est bien tenté de reconnaître, en divers moments de l'action de ce roman, des réminiscences mythiques : Lantier défiant le Voreux avant de plonger dans le labyrinthe de ses galeries fait penser à Thésée affrontant le Minotaure, dévoreur des jeunes gens d'Athènes ; laissant derrière lui Catherine morte avant de remonter du fond de l'enfer minier, il se transforme dès lors en figure orphique; auparavant, lapidé par ses camarades, après l'échec de la grève, il dessinait derrière lui l'ombre du Christ, à moins que ce ne soit celle de saint Etienne (qui lui a donné son prénom) ; quant au couple antagonique qu'il forme avec Chaval, ne peut-on y percevoir comme un souvenir des frères ennemis de la Thébaïde ? Or toutes ces interprétations ne surgissent que d'une lecture rêveuse, au second degré, et rien dans le dossier préparatoire ne les valide. Ces structures connotatives n'en ont pas moins une existence et une fécondité génétiques. Germinal s'est véritablement bâti sur ces piliers (il y en a d'autres), installés depuis longtemps dans l'imaginaire humain, mais revivifiés par les thématiques modernes de l'enfer social et du combat politique.
La matrice peut d'ailleurs se retourner, et travailler en négatif. L'exemple le plus spectaculaire est celui de Travail, le second des Quatre Évangiles, qui prend pour « hypotexte » Germinal, lui emprunte des types, des éléments de décor, des situations, mais inverse ses perspectives idéologiques, annonçant un évangile de réconciliation des classes et de paix, en lieu et place d'une prophétie de cataclysme ?
Cet usage de drames et de récits-matrices, allant, dans le cas de Travail, jusqu'à jouer d'une « auto-intertextualité », n'est pas l'aspect le moins étrange du métier et du talent de Zola9. C'est en tout cas le mécanisme le plus éloigné de ceux qu'on prête au naturalisme dans la vulgate critique. Le texte renvoie ici au texte, non à la nature.
En apparence du moins. Car, en deçà de ces réemplois structurels, il conviendrait de mettre en relation l'imaginaire des Rougon-Macquart avec la grande réserve sémiotique, transculturelle, des motifs mythiques. À ses matrices textuelles singulières, identifiables dans la bibliothèque universelle, Zola semble souvent ajouter un capital de noyaux narratifs inattribuables : virtualités mythiformes transformables, fantasques, glissantes, indestructibles en raison même de leur souplesse, émergeant en innombrables occurrences actualisées. On a en tête, ici, les « structures anthropologiques de l'imaginaire », selon le terme de Gilbert Durand10. Le Ventre de Paris orchestre par exemple l'immémoriale peur d'être mangé, d'être emporté comme un déchet dans l'énorme intestin de Paris : le cauchemar zolien entre ici en connexion avec la rêverie hugolienne sur les égouts, dans Les Misérables, et sur les prisons, dans L'Homme qui rit, c'est une grande rumeur onirique de terreurs primitives, répercutée d'écho en écho par toutes les bibliothèques du monde. Mais alors la nature retrouve ses droits. Elle est présente au tréfonds de la matrice narrative ultime, celle qui n'a d'autre signataire qu'une collectivité sans nom : on l'appelle parfois « l'inconscient ». Le naturalisme, tel que défini par Zola, trouve peut-être par ce biais la légitimité de son étymologie : nature, naturel. Mais c'est un naturalisme teinté de couleurs préfreudiennes, ou préjungiennes.
Le livre-miroir
Nous n'en avons pas terminé pour autant avec les traitements du livre dans la génétique zolienne. Il y a en réalité deux manipulations différentes de la matrice originelle. Ou bien un récit hypotextuel prête son épure narrative au roman dérivé sans y apparaître en tant que telle : par exemple l'histoire d'Adam et Eve dans La Faute de l'abbé Mouret, ou celle de Thésée dans Germinal. Ni Serge et Albine ne sont surpris par le lecteur en train de feuilleter l'Ancien Testament, ni Etienne Lantier ne connaît la mythologie grecque. Ou bien une œuvre-matrice est mise elle-même en représentation dans l'œuvre qu'elle engendre : c'est le cas de Phèdre dans La Curée. Zola use alors d'un procédé de composition narrative ou dramatique dont on crédite parfois à tort André Gide pour son invention : la mise en abyme. Et il en use avec assez d'habileté pour en multiplier les variations, qu'il a prévues dès le dossier préparatoire du roman : « Décidément, c'est une nouvelle Phèdre que je vais faire » (BN, N.a.f., Ms 10282, f° 298).
Dans La Curée, en effet. Renée Saccard et Maxime, devenus amants, assistent un soir à la représentation de Phèdre. Et ils découvrent sur la scène des Italiens leur propre histoire (à ceci près que Phèdre, éprise d'Hippolyte. fils de son époux Thésée, ne sera jamais sa maîtresse...). Plus douloureusement, Renée assiste par anticipation à ce que lui promet sa propre destinée. Zola ne craint pas d'afficher ainsi, au cœur de son roman, le motif mythique et dramaturgique qui en est la source. Le roman joue avec lui-même et avec sa genèse. Le texte se regarde dans le miroir de son intertexte, qui est aussi son avant-texte, comme les personnages se découvrent et se dédoublent dans le miroir que leur tend le spectacle. Double mise en abyme, par là même : non seulement celle de l'intrigue et de ses personnages, mais aussi celle d'un motif qui court à travers tout le roman, celui du double, du double dans le miroir ; Renée devant sa glace, Renée devant Phèdre, Renée devant la prostituée du boulevard, Renée devant la poupée de son au ventre crevé, dans la demeure de l'île Saint-Louis ; tout est ici reflet, dédoublement équivoque. Zola a bien deviné le parti symbolique qu'il pouvait tirer d'un procédé qui pourrait sembler un simple clin d'œil ludique. Mais de plus il représente par là la société entière comme un théâtre, un jeu d'acteurs, une illusion, comique et tragique à la fois. Et il se donne l'élégance ironique de mettre à distance et de déconstruire sa profession de foi « naturaliste » : la vérité le se trouve pas dans la rue, mais sur scène. La réalité a toujours déjà été devancée par la fiction.
Plus simple et plus fugitive est la mise en abyme des ivres-sources dans d'autres romans. Avant d'écrire La Faute de l'abbé Mouret, Zola s'est procuré et a lu des manuels pour confesseurs : il en placera un dans les mains de Serge11. De même avec les opuscules politiques qu'il fait lire à Etienne Lantier dans Germinal, et avec les ouvrages scientifiques ou pseudo-scientifiques dont s'inspire le docteur Pascal12. Exhibant ainsi sa propre documentation par l'intermédiaire du personnage, Zola, d'une part, donne un peu plus de densité et de vraisemblance à celui-ci, d'autre part assure à son travail de romancier un label de scientificité. On voit bien ici la différence de statut textuel entre le manuel du confesseur et le Dictionnaire de la langue verte : ce dernier reste évidemment inconnu des personnages de L'Assommoir, alors que le premier a servi directement à la formation ecclésiastique de Serge Mouret, et figure comme tel dans l'œuvre.
Plus curieux encore, unique même, est l'usage de La Légende dorée dans Le Rêve. On a bien affaire ici à un livre-matrice, qui prête la matière et le ton de ses innombrables histoires pour l'invention d'Angélique, de ses parents nourriciers, de son amour chaste pour Félicien, et de sa mort bienheureuse. De plus, mise en abyme dans le roman. La Légende dorée joue un rôle actif au-service de l'intrigue, puisque sa lecture nourrit et modèle l'imagination mystique d'Angélique, qui vivra ses rêves à l'image de toutes les saintes qui peuplent l'ouvrage13. À un troisième niveau, le jeu se fait plus systématique et plus abstrait : éclatée, écartelée, réduite à ses paradigmes catégoriels par l'activité taxinomique d'Angélique, l'encyclopédie hagiographique de La Légende dorée livre tout simplement le secret, ou un des secrets, du travail génétique de Zola, lequel met également en fiches les personnages de ses romans, et multiplie les variantes d'un même réseau de « légendes » familiales et sociales : lui aussi a ses martyrs, ses diables, ses saints, ses supplices et ses miracles14...
Mais ce n'est pas fini ! Il reste à repérer un dernier avatar du livre en abyme : celui qui le transforme en livre-collage, par un artifice véritablement subtil et rare à l'époque. La Légende dorée figure dans Le Rêve non seulement comme texte, mais comme volume, comme livre-objet. En effet, le recueil de Jacques de Voragine que feuillette Angélique n'est autre qu'un exemplaire d'une édition de 1549, illustrée de gravures sur bois, que Zola avait examiné à la Bibliothèque nationale, en plus de l'édition moderne de 184315. Zola ne se contente pas de le décrire minutieusement dans la fiction, tel qu'il l'a lui-même contemplé et manipulé pendant la préparation du roman, mais il en reproduit, in-texte, la page de titre et les typographies d'époque, dont l'étrangeté fascine Angélique et contribue à l'absorber dans le songe du merveilleux chrétien. Un exemplaire unique du livre-source a imprimé littéralement son empreinte matérielle sur le livre-cible. C'est la manifestation extrême de la relation génétique entre deux œuvres. Plus tard, beaucoup plus tard, Breton, dans Nadja, Aragon dans Le Paysan de Paris, s'amuseront à de semblables jeux.
Le livre-rudiment
Jusqu'ici nous avons assisté à la mise en œuvre, au sens littéral de l'expression, de contenus et de dispositifs documentaires ou fictionnels identifiables par des titres. Or la conception, la composition et la rédaction des Rougon-Macquart mettent aussi en jeu, de manière peut-être plus souterraine, un ensemble de compétences et d'instruments conceptuels qui relèvent de la culture acquise – dans les livres – sans être pour autant attribuables à tel ouvrage défini : les compétences qui régissent l'écriture, et les termes rhétoriques qui les désignent dans le langage de l'époque. On est alors ramené à la bibliothèque, plutôt qu'au livre singulier : une bibliothèque enfouie dans la mémoire, un terreau profond, venu des études de l'enfant et de l'adolescent, et sur lequel ont poussé les capacités d'invention, de construction et de langage de l'écrivain.
Les traces en sont visibles dans l'avant-texte, notamment dans les Ébauches, sous la forme d'un abondant métalangage narratologique et rhétorique, dénommant les éléments constituants de la fiction et les opérations qui la préparent : action, analyse, caractère, dénouement, drame, effet, exposition, fond, nœud, patron, paysage, plan, scène, etc. Visiblement, Zola conçoit le roman comme un agencement, résultant d'un programme averti et patient d'ajustements successifs, d'une stratégie et d'une tactique de la poiesis narrative : et ceci l'apparente, en fait, à la tradition des écrivains formalistes, qui, comme Poe, Flaubert, Mallarmé, ont valorisé le travail lucide des formes aux dépens des caprices de la seule « inspiration ». Régler, c'est l'un de ses mots. Réglage et régie. Le roman est chez lui le produit d'un faire hautement professionnel, qui implique à la fois l'observation des modèles antérieurs, et la connaissance d'une grammaire narrative. Mais il n’est pas aventureux d'aller chercher cette grammaire narrative, bien au-delà de l'historicité « réaliste » et « naturaliste », du côté des maîtres anciens de la poétique. C'est ce que j'entends par livre-rudiment. Plusieurs des notions instrumentales utilisées par Zola dans ses Ébauches (action, dénouement, caractère, exposition, description, nœud, intrigue, épisode, etc.) se retrouvent dans les traités de belles-lettres publiées depuis plusieurs générations, et qui remontent eux-mêmes, par-delà les siècles, jusqu'à l'enseignement d'Aristote. On pourrait citer les Eléments de littérature de Marmontel, qui est un traité de poétique au sens moderne – et étendu – du mot, et qui a régné sur l'enseignement des belles-lettres depuis le milieu du XVIIIe siècle jusqu'aux années de collège et de lycée de Zola. Les Ébauches de Zola ont la même approche fonctionnelle de la composition narrative que les « Éléments » de Marmontel, et, plus généralement, que tous les traités de l'ancienne rhétorique – et de la narratologie moderne. Si Zola n'a pas appris à écrire dans Marmontel, il l'a fait dans tel autre, relevant de la même tradition intellectuelle. C'est de là que viennent pour une large part ses « carcasses » romanesques, comme il dit, et c'est encore un constat de nature à corriger les idées reçues sur le naturalisme. Et ce n'est pas l'aspect le plus négligeable de l'intertextualité génétique des Rougon-Macquart16.
L'étude de l'œuvre de Zola fait donc bien apparaître un constant aller-retour génétique de la bibliothèque au roman : le la première ligne de l'Ébauche au livre-modèle ou au livre-matrice, et du livre-matrice au texte achevé. Les dossiers préparatoires des Rougon-Macquart des Trois Villes et des Quatre Évangiles contiennent une très vaste bibliothèque impliquée, à laquelle il arrive souvent de déborder sur l'œuvre livrée au public, exerçant ainsi sur elle une forte contrainte intertextuelle : impossible de lire La Curée sans rêver à Phèdre. L'œuvre de Zola propose, certes. une littérature ouverte sur le monde, mais aussi une littérature en circuit fermé, le livre naissant du livre. Le plaisir de lire Les Rougon-Macquart tient aussi à la découverte le toutes ces ombres portées et de toutes ces surimpressions, à ce feu d'artifice d'éclats de lectures, à ces sorties constantes du texte dans l'espace de la librairie.
Défions-nous, à ce propos, d'une illusion accumulative et de l'idée d'une équivalence des livres-sources. Les sources livresques de Zola sont innombrables, mais se limiter à en composer le catalogue en étalement ne peut suffire, car ces emprunts s'échelonnent, s'étagent, à la fois selon leur place dans la chronologie génétique (certains surgissant dès l’Ébauche, comme Phèdre, d'autres n'intervenant qu'à propos d'un détail du plan, comme la mention d'un outil de brodeur dans Le Rêve), et selon ce qu'on pourrait appeler leur puissance énergétique. La Légende dorée se situe, dans la genèse du Rêve, en structure profonde, et elle gouverne pour le moins tout le dessin du personnage l'Angélique; les détails techniques sur le travail du couvreur ou du chaîniste, dans L'Assommoir, appartiennent à la structure de surface et n'ont pas d'incidence dynamique sur la marche de l'action ni sur ses effets symboliques. On pourrait ainsi distinguer trois sortes de « bibliothèques », selon le régime de leur rendement génétique dans le travail de Zola : celui de la bibliothèque générative, celui de la bibliothèque documentaire et celui de la bibliothèque rhétorique.
Une étude plus fine aurait à décrire les points de communication, les interférences, les syncrétismes, ou les neutralisations, à l'intérieur de cette machinerie. Tel détail apparemment documentaire (par exemple l'exposition de blanc dans Au Bonheur des Dames) peut se charger, à lecture plus attentive, d'un sens symbolique, qui renvoie au niveau profond d'un mythe générateur : rien n'est innocent dans le caravansérail métonymique des Rougon-Macquart.
Tout ceci déboucherait sur un retour à l'écrivain, à sa bibliothèque personnelle, aux livres qu'il a empruntés, à un travail de consultation qui porte la marque de sa culture, de ses méthodes, mais aussi des curiosités et des savoirs de sa génération – bref, à l'archéologie d'une carrière et d'une œuvre17. Or, parvenus à ce moment de la réflexion, nous voilà saisis d'une relative déception : il est impossible de remonter de la bibliothèque postulée à la bibliothèque réelle... Les livres de Zola ont été vendus et dispersés en 1903 ; aucun catalogue détaillé n'en a été établi ; seule subsiste une liste brève, par catégories, publiée pour les besoins de la vente par le commissaire-priseur18. Le monument est détruit à jamais. On songerait volontiers alors, non plus à la bibliothèque de L'Arrache-cœur, réduite à un seul livre, mais à celle de la Tourgue, dans Quatre-Vingt-Treize, de Victor Hugo. Trois petits enfants, enfermés dans cette forteresse qu'assiègent les troupes républicaines, s'emparent d'un in-quarto « isolé comme un monument au milieu de la bibliothèque », véritable synecdoque de tout l'univers du livre depuis Gutenberg. C'est une vie de saint Barthélémy, qui fut un martyr écorché vif. Les trois petits se mettent à leur tour à écorcher l'ouvrage page par page, morceau par morceau, « si bien, écrit Hugo, que l'histoire pourrait dire que saint Barthélémy, après avoir été écorché en Arménie, fut écartelé en Bretagne ». Pour finir, au terme d'un anéantissement acharné et total, les émiettements du vieux livre sont jetés par la fenêtre et s'envolent dans le vent : « Georgette, pensive, regarda ces essaims de petits papiers blancs se disperser à tous les souffles de l'air, et dit : “Papillons”. Et le massacre se termina par un évanouissement dans l'azur »19.
La bibliothèque de Zola a subi le même sort : écartelée, évanouie au vent de l'histoire, « papillons »... Il ne nous reste plus qu'une bibliothèque virtuelle, présupposée par tous les condensés de lectures que tissent les avant-textes et le texte de l'œuvre romanesque. Une bibliothèque fictive, en somme. C'est considérable ! Reconstituer son catalogue s'apparenterait aussi bien à un exercice d'érudition – fiction à la Borges, ou à la Perec, qu'à une recherche archéologique. Mais de l'archive et de la conjecture à la fiction, il n'y a qu'un pas, qu'il n'est pas absolument interdit à la critique génétique de franchir : c'est même ce qui fait son attrait.
1 Dr Valentin Magnan, De l’alcoolisme, des diverses formes du délire alcoolique et de leur traitement, Paris Delahaye, 1874. – Alfred Delvau, Dictionnaire de la langue verte. Argots parisiens comparés, Paris, Dentu, 1866. – Denis Poulot, Question sociale. La Sublime ou le travailleur comme il est en 1870 et ce qu’il peut être, Paris, Lacroix et Verboeckhoven, 1870.
2 Louis Simonin, La Vie souterraine, ou les mines et les mineurs, Paris, Hachette, 1867.
3 Par exemple : Général Auguste Ducrot, La Journée de Sedan, Paris, Dentu, 1871.
4 Eugène Tenot, La Province en décembre 1851, étude historique, Paris, Le Chevalier, 1868.
5 Dr Prosper Lucas, Traité philosophique et physiologique de l’hérédité naturelle, Paris, Baillière, 1847-1850.
6 Bibliothèque nationale, Manuscrits, N.a.f. 10345, f°22 (Les Rougon-Macquart, Paris, Gallimard, « La Pléiade », t. V, p. 1734-1735).
7 Bibliothèque nationale, Manuscrits, N.a.f. 10345, f°14-15 (Les Rougon-Macquart, op. cit., p. 1736-1737).
8 Gérard Genette, Palimpsestes, Ed. du Seuil, 1982.
9 Voir H. Mitterand, « La révolte et l’utopie : de Germinal à Travail », in Le Discours du roman, PUF, 1980.
10 Gilbert Durand, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Bordas, 1971.
11 Abbé Craisson, De rebus venereis ad usum confessariorum, Paris, 1870. Voir La Faute de l’abbé Mouret, livre premier, chap. 16 : « On lui avait fait lire l’ouvrage de l’abbé Craisson, supérieur du grand séminaire de Valence : De rebus venereis ad usum confessariorum. Il en était sorti épouvanté, sanglotant, de cette lecture. »
12 Par exemple, Ernst Haeckel, Histoire de la création des êtres organisés d’après les lois naturelles, trad. fr., 1865.
13 Zola utilisa, pour sa documentation hagiographique, les deux volumes de La Légende dorée transposée en français moderne par G. Brunet (Paris, Gosselin, 1843), que lui avait prêtés Huysmans.
14 Voir H. Mitterand, « De La Légende dorée au Rêve : classer, écrire », in Zola, l’histoire et la fiction, PUF, 1990, pp. 101-116.
15 La Légende Dorée et la vie des Saincts et Sainctes qui Jesu-Christ aymèrent de pensées non sainctes.
16 Voir H. Mitterand, « Le métatexte génétique dans les Ebauches de Zola », Genesis, n°6, 1994.
17 Je retiens volontiers la mise en garde d’A. Grésillon : « Il ne s’agit point d’étendre la notion de genèse jusqu’à vouloir lui faire embrasser toute l’archéologie du savoir » (Eléments de critique génétique, PUF, 1994, p. 101). Tous mes exemples sont extraits du « contexte direct de l’écriture d’une œuvre déterminée » (ibid.). La frontière est cependant poreuse entre le « document de genèse externe » attesté et le document postulé. Il y a plusieurs formes et degrés de l’inter-avant-textualité « sourcière », et la critique génétique devra continuer à réfléchir là-dessus, et ne pas se contenter de refouler purement et simplement la notion de « source ».
18 Catalogue de la vente Emile Zola, 1903, BN, Estampes.
19 V. Hugo, Quatre-Vingt-Treize (1874), 3e partie, livre III, chap. V-VI.