02/03/2017
Co-direction : Isabelle Grell (ITEM/CNRS) et Sylvie Loignon (Université de Caen Normandie, LASLAR EA 4256)
En partenariat avec l’IMEC
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Comme Camille Laurens l’affirme elle-même, le labyrinthe et le kaléidoscope sont « deux images qu[’elle] cultive ». D’abord parce que le labyrinthe construit ses œuvres : avec cette structure où la perte se conjugue à la trouvaille et à la révélation, ce sont les influences du polar et du romanesque qui s’entremêlent. Quant au kaléidoscope, Camille Laurens en parle de la façon suivante : « Le kaléidoscope, c’est l’ensemble de mon travail depuis le début, ce sont des morceaux de couleur que je bouge pour en faire des romans différents. Toujours les mêmes fragments sont agencés. C’est toujours moi, toujours une fiction à partir d’obsessions personnelles. »
Au-delà des mots de l’écrivain, au-delà du fil d’Ariane qu’elle veut bien tendre à ses lecteurs, ces deux figures du kaléidoscope et du labyrinthe semblent pouvoir rendre compte des enjeux de l’écriture de Camille Laurens car elles tendent, d’une part, vers une structure non pas seulement narrative, mais cognitive : le mythe. Avec le labyrinthe est ravivé le mythe du Minotaure – dont on ne sait quelle entité il figure dans l’œuvre : l’écrivain ? le lecteur ? la mort ? la folie ? etc. D’autre part le kaléidoscope fait signe vers un instrument d’optique, instrument de perception offrant une prise en charge particulière du réel. Il témoigne à la fois des obsessions propres à l’auteur, et de cette obsession particulière à l’écrivain véritable : l’ajointement des mots au réel. C’est encore l’articulation du fantasme et du réel qui détermine l’œuvre de Camille Laurens, tout comme celle entre le réel et le virtuel. Son écriture kaléidoscopique a d’ailleurs la spécificité d’allier variation et répétition – questionnement au cœur du travail de l’écrivain.
Le labyrinthe et le kaléidoscope déclinent ainsi les grands pans de l’œuvre :
– Identitaires, ils rendent compte d’un jeu de dédoublements, de masques, tout autant que de troubles de la psyché affectant des personnages qui fascinent l’auteur : « on fait de bien belles choses avec la faille de soi » écrit Camille Laurens, jouant sur l’assimilation métaphorique du texte au tissu dans Tissé pour mille.Le labyrinthe et le kaléidoscope entendent aussi souligner combien l’œuvre fait jouer les différences sexuelles, et fait résonner une forme de féminisme – dont il faudrait mesurer l’évolution depuis les premiers romans jusqu’aux œuvres les plus récentes, en passant par Les Fiancées du diable, ce livre d’art traversé de figures mythologiques, où l’écrivain enquête sur les « femmes terrifiantes » et leur pouvoir destructeur.
– Donnant à voir une érudition impressionnante, ces deux figures peuvent également se référer à la façon dont l’œuvre se nourrit de références intertextuelles, de citations de chansons, d’allusions cinématographiques, comme autant de fragments du réel qui rivalisent avec la virtualité omniprésente (notamment par le biais d’internet et des réseaux sociaux – on pense par exemple à Celle que vous croyez).
– Plus largement, la métaphore visuelle du kaléidoscope ouvre étrangement à une mise en scène des voix, à une polyphonie qui participe aussi de la dimension sociale de l’œuvre.
– Génériques, le labyrinthe et le kaléidoscope témoignent de la propension de l’œuvre à transgresser les limites, à jouer de ce « mauvais genre » qu’est l’autofiction. Ils soulignent également le caractère visuel de cette écriture qui côtoie les autres arts, notamment le cinéma.
– Génétiques enfin, ces deux figures – au-delà du « chaos » initial des mots dont Camille Laurens partage la métaphore avec Duras – retracent un cheminement d’écriture et participent peut-être du procès même de l’écriture, d’un work in progress – les brouillons de Romance nerveuse en seraient un exemple.
Il s’agira donc dans ce premier colloque international entièrement consacré à Camille Laurens de participer à une cartographie de son œuvre tout autant qu’à discerner la place qu’occupe l’écrivain dans le paysage littéraire de l’extrême contemporain.
Une telle cartographie invite in fine à découvrir l’œuvre d’une tisseuse de mots – tout autant qu’une tisseuse de maux – qui n’est sans doute pas celle que nous croyons.
Comité scientifique :
Yves Baudelle (Université de Lille 3)
Marie-Hélène Boblet (Université de Caen Normandie)
Florence de Chalonge (Université de Lille 3)
Jean-Michel Devésa (Université de Limoges)
Brigitte Diaz (Université de Caen Normandie)
Philippe Forest (Université de Nantes)
Isabelle Grell (ITEM/CNRS)
Sylvie Loignon (Université de Caen Normandie)
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Les propositions de communication de 500 mots maximum, accompagnées d’un court CV, sont à envoyer pour le 15 septembre 2016 aux deux codirectrices, aux adresses suivantes isabelle.grell@gmail.com et s.loignon@orange.fr
Les communications n’excèderont pas 25 minutes.