12/03/2015
Génétique des écritures francophones
Anne BEGENAT-NEUSCHÄFER
Directrice de l’Institut de Philologie Romane de Aachen (Allemagne)
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Séminaire : Regards croisés sur les Francophonies du Nord et du Sud
Mars- avril 2015
ITEM – ENS – Labex TRANSFERS
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Anne BEGENAT-NEUSCHÄFER, Professeur des Universités et directrice de l’Institut de Philologie Romane de Aachen, a été invitée par l’ENS et l’ITEM dans le cadre du Labex Transfers pour une recherche et un séminaire de deux mois (mars et avril 2015) sur la génétique des écritures littéraires francophones du Nord et du Sud.
Depuis la création de l’État belge en 1830, les littératures et les arts de Belgique n’ont pas cessé de proclamer leur différence, voire leur indépendance et leur spécificité face aux normes et aux modèles de la France. Les années 1970 ont constitué un tournant quand le concept (ou le non-concept selon Jacques Sojcher) de belgitude fut lancé par Pierre Mertens et Claude Javeau. Les intellectuels belges revendiquaient alors violemment une voix spécifique, tout en gardant des liens privilégiés avec Paris. Écho lointain de la négritude et désir de reconnaissance, la belgitude s’appuie historiquement sur les liens territoriaux du Cercle des 17 provinces, réuni par l’empereur Charles V : un ensemble régional qui a appartenu d’abord aux habsbourgeois espagnols puis à leurs cousins autrichiens avant d’être rattaché par Napoléon à la France postrévolutionnaire.
Dans les textes littéraires, les traces de ce territoire de passage ont donné naissance à l’idée d’un pays de l’au-delà ou d’un pays-entre-deux, entre le monde du Nord et le monde du Sud : un pays qui aurait pour vocation de s’ouvrir à des espaces mentaux différents et de les traduire réciproquement. L’étude des textes nous montrera si la Belgique d’aujourd’hui se reconnaît encore dans cet imaginaire d’autrefois et comment, le cas échéant, elle y fait référence.
Un tournant semblable pour les pays africains de langue française a été constitué par la décolonisation et la décennie qui a suivi. Les effets du Parti unique sous Félix Houphouët-Boigny ont été admirablement et férocement notés par Ahmadou Kourouma dans son premier roman, Les Soleils des indépendances.
Le séminaire traitera des aspects moins connus de son œuvre en explorant ses archives, notamment ses pièces de théâtre qui ont été rédigées en grande partie dans le contexte du premier roman et qui étaient destinées à un large public. Il montrera comment l’auteur a malinkinisé la langue française afin de faire comprendre aux non-ivoiriens les espoirs et les désillusions de l’indépendance.
Les rapports à l’écriture en français, au manuscrit et à ses différentes étapes rédactionnelles, les relations entre le centre et la périphérie qui passent par la politique éditoriale, une appartenance multiple à des cultures différentes, voire divergentes : voilà quelques-unes des passerelles entre les francophonies du Nord et du Sud qui seront examinées au cours du séminaire.
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Le séminaire se tiendra en mars et avril dans les locaux de l’ITEM (Site CNRS Pouchet : 59-61 rue Pouchet, 75017 Paris) ou à l’ENS (45 rue d’Ulm, 75005 Paris).
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Jeudi 12 mars /14h-16h, Salle 311, 61, rue Pouchet, 75017 Paris
Henry Bauchau et la déclivité en poésie
Du fait de sa disparition en 2012, l’œuvre du poète francophone Henry Bauchau (1913-2012) se présente désormais comme inachevée-achevée. Les versions différentes, relues et remaniées par l’auteur au fil des années se prêtent à la reconstitution génétique de son cheminement poétique. Une telle approche de l’œuvre par sa genèse, qui entend reconstituer le laboratoire de l’écriture, donne un accès privilégié à ce lieu de l’énonciation où parole, rythme et sens se combinent pour donner naissance à une constellation impérieuse.
Vendredi 20 mars / 15h-17h., ENS, 45 rue d’Ulm, Paris 5e, Salle des réunions, Pavillon Pasteur.
Henry Bauchau et Jean Amrouche: une amitié plus que littéraire
Henry Bauchau et Jean Amrouche se sont connus à Paris dans le milieu éditorial à la fin des années 40. Malgré des tensions initiales, dues à des rivalités d’éditeur et de distributeur, une amitié s’est développée qui n’a pris fin qu’avec la mort de Jean Amrouche en 1962. Bauchau reconnaît sa dette envers l’intellectuel de la libération algérienne en 1973, quand il parle de la rédaction de son premier roman, La déchirure.
Jeudi 26 mars /14h-16h, Salle 255, 61, rue Pouchet, 75017 Paris
François Emmanuel et l’irréductibilité étrange du texte
François Emmanuel, psychiatre de formation, initié au Teatr Laboratorium de J. Grotowski et membre de l‘Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique,fut l’invité de la prestigieuse Chaire de poétique de l’Université Louvain-la-Neuve en 2007. De ses conférences est sorti un texte théorique Les voix et les ombres qui sera étudié pendant ce séminaire, notamment pour l’éclairage qu’il permet de porter sur l’œuvre romanesque de l’écrivain.
Jeudi 09 avril / 14h-16h, Salle 311, 61, rue Pouchet, 75017 Paris
Stéphane Lambert, passeur de l’entre-deux
Stéphane Lambert s’est fait remarquer par ses romans et ses essais sur la peinture : Claude Monet, Mark Rothko et, récemment, Nicolas de Staël.
Le séminaire analysera les liens entre l’écriture autobiographique et les instances narratrices, car une même parole circule entre ces textes et fait émerger une position originale, à la fois impliquée et distanciée, du narrateur à la première et à la troisième personne. Son écriture fait également preuve d’une mémoire européenne, littéraire comme visuelle, par un jeu de citations qui croise les références du Sud et les influences venues du Nord ou de l’Est.
Jeudi 16 avril /14h-16h, Salle 311, 61, rue Pouchet, 75017 Paris
Les archives de Kourouma
Cette séance de séminaire sera l’occasion de présenter les archives de Kourouma telles que j’ai pu les consulter à l’IMEC et se consacrera ensuite aux conférences et à différents articles de l’auteur. Dans un troisième temps, nous étudierons les liens entre la correspondance, la documentation et l’œuvre romanesque.
Jeudi 23 avril / 14h-16h, Salle 311, 61, rue Pouchet, 75017 Paris
Ahmadou Kourouma et le théâtre
Dans les années 70, après Les Soleils des Indépendances et avant Monnè, outrages et défis, Kourouma est passé par une phase de création où son véritable projet était de devenir auteur de théâtre : un auteur de théâtre dont les pièces seraient publiées et jouées. Ce désir s’articulait à une vision de la fonction sociétale et publique de l’art théâtral et s’il ressentait la nécessité de s’y exprimer, c’était dans le but de provoquer le débat sur la société à construire. S’il temporise dans ses fictions par la création d’une nouvelle langue, on peut dire qu’il s’exprime de manière plus directe dans ses pièces théâtrales. Cet engagement politique a conduit Kourouma à chercher un éditeur africain pour son théâtre, projet qu’il n’a pas réussi à faire aboutir.
Jeudi 30 avril / 14h-16h, Salle 311, 61, rue Pouchet, 75017 Paris
Un rendez-vous manqué: Ahmadou Kourouma et „Le diseur de vérité’
Cette séance de séminaire sera entièrement consacrée à la première pièce de théâtre de Kourouma, la seule qui ait d’ailleurs été publiée, tardivement, en 1998, à Paris : l’œuvre sera examinée à travers ses versions manuscrites et tapuscrites ainsi qu’à la lumière de la mise en scène qui en avait été conçue et réalisée en 1972 par Bitty Moro à Abidjan.
Pour toute information : anne.neuschaefer@ifaar.rwth-aachen.de