Depuis quand a-t-on eu recours, en France, à la pratique du journal pour garder trace de sa vie personnelle et la gérer? Depuis quand le journal est-il devenu intime? Il est imprudent de répondre à ces questions en s’appuyant seulement sur les journaux de quelques écrivains prestigieux. Le présent ouvrage propose le récit d’une enquête « archéologique » à travers les archives. À partir de 1760 ou 1770, la forme journal ne sert plus seulement aux enregistrements collectifs, aux livres de raison, récits de voyages, comptes et chroniques, mais elle accueille les soucis et interrogations de l’individu : vie de famille, éducation, amitiés, amour, santé, vie intellectuelle, vie spirituelle, création. Le souci principal est celui du temps, que le journal sert à fixer et à maîtriser. Mais on entre aussi dans l’ère du secret : le journal devient une nouvelle figure du for intérieur, il tourne à la lettre à soi-même. Une trentaine d’études de cas, qui se liront comme autant de nouvelles, donnent un panorama de ces transformations. L’enquête s’étend jusqu’en 1815, époque où le journal personnel est devenu une pratique courante. Mais en amont, les archives ont-elles dit leur dernier mot ? À la recherche des premières apparitions du moi dans le journal, l’enquête continue.
Philippe Lejeune a enseigné la littérature française à l’université Paris-Nord jusqu’en 2004. Ses travaux portent sur l’autobiographie (Le Pacte autobiographique, 1975 ; Signes de vie, 2005), la critique génétique (Les Brouillons de soi, 1998 ; Autogenèses, 2013) et le journal personnel (Le moi des demoiselles, 1993 ; Un journal à soi, avec Catherine Bogaert, 2003). Il est cofondateur et président de l’Association pour l’Autobiographie (APA).