01/11/2000
En 1901-1907, l’écriture théorique de Kandinsky accompagne ses expérimentations sur la couleur qu’il tente dans une série appelée dessins coloriés. Il s’agit de peintures à la détrempe et à la gouache faites sur des cartons foncés. Les débuts de ces dessins coloriés remontent aux expériences techniques avec des pigments et des liants à l’eau faites ensemble avec Igor Grabar et d’autres disciples russes de Anton Ažbe dans l’appartement munichois de Marianne Werefkin. Ces expériences sont suivies de ses recherches à la Bayerische Staatsbibliothek à Munich, riche en traités sur la peinture des Anciens. D’autre part, comme ces dessins coloriés ont pour thèmes des sujets médiévaux, Kandinsky mène des recherches iconographiques dans plusieurs bibliothèques et dans les musées de Munich, en particulier au Bayerisches Nationalmuseum où il copie des éléments décoratifs et architecturaux, des armures, costumes, ustensiles, du mobilier, etc.
Cette pratique de Kandinsky, documentée par les dessins annotés de ses carnets conservés à la Gabriele Münter-und Johannes Eichner-Stiftung à Munich, inscrit son œuvre dans un vaste contexte culturel où il menait une réflexion à la fois historique et anthropologique. L’imagerie populaire est pour Kandinsky un des véhicules majeurs de la transmission culturelle et historique. Sa passion pour la « peinture sous verre » (Hinterglasmalerei) relève de ce même intérêt. Mais, plus généralement, dans sa quête de la Composition (qui motive dès les débuts son travail sur les dessins coloriés) Kandinsky, par le biais de la Kunstliteratur, explore plusieurs traditions artistiques : celles de la Renaissance, du maniérisme, de Byzance, de l’ancienne Russie, etc.
Ce dialogue permanent avec les traditions du passé est déterminant dans la formation de la pensée artistique de Kandinsky. L’artiste majeur du modernisme, un des pionniers de l’abstraction, s’inscrit dans une tradition artistique de plusieurs siècles où il dialogue, entre autres, avec Nikodim Kondakov et Aby Warburg.