Doctorant, ENS ULM
Dans l'écriture allégorique des XIVe-XVe siècles, les personnages personnifiés ne se bornent plus à être des figures de papier telles que les a mises en scène Le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et Jean de Meun ; ils incarnent de plus en plus les émotions et les sentiments personnels supposément ressentis par les écrivains, apparaissant ainsi comme des instruments d'exploration et d'analyse de leurs états d'esprit individuels. Cette transformation, qui implique l'émergence d'un sujet lyrique beaucoup plus complexe et nuancé, est-elle le signe de la naissance de l'individu moderne que l'historiographie a longtemps a voulu y voir ? Ce projet vise à reposer cette question à nouveaux frais en étudiant pour la première fois l'évolution dans la longue durée, du XIIIe jusqu'au XVIe siècle, des usages poétiques des personnifications allégoriques en langue vernaculaire. En s'intéressant en particulier à la construction, au sein de l'espace du poème, de théâtres mentaux peuplés par des figures de fiction qui donnent corps à la vie intérieure des poètes, il s'agira de réévaluer la pertinence des notions d'individualisme et de psychologie qui forment encore la trame du récit traditionnel de l'histoire des littératures occidentales entre le Moyen Âge et la modernité. Pour ce faire, nous proposons d'apporter un nouvel éclairage sur un corpus composé de quatre poètes/poétesses majeures ayant marqué trois siècles de production lyrique en français. Ce choix va de pair avec un triple objectif d'innovation méthodologique : développer l'approche des études genre dans le domaine du lyrisme médiéval ; dépasser la frontière de 1500 établie entre le Moyen Âge et la modernité ; et repenser, par le choix d'écrivain.es à l'interface entre la culture italienne et la culture française, les influences réciproques et les écarts qui apparaissent au sein des littératures romanes sur la question des mises en scène poétiques de soi.